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Luccin, clap de fin d’un film sans titre

Par Mathias Edwards
4 minutes
Luccin, clap de fin d’un film sans titre

Le 30 mars dernier, Peter Luccin mettait fin à sa carrière dans une indifférence quasi générale. La faute à un genou qui ne répondait plus. Durant sa carrière, le milieu de terrain a traîné ses tresses, puis son crâne chauve, de Cannes à Dallas, en passant par Bordeaux, Marseille, Paris et l'Espagne, sans jamais rien gagner. Ni passer par Clairefontaine. Dur, pour un homme qui a côtoyé les plus grands en se mettant toujours au niveau.

Le season finale du long feuilleton de la carrière de Peter Luccin a été diffusé il y a une dizaine de jours, à Dallas, devant une poignée de spectateurs. La faute à de trop rares rebondissements, le show a fini par lasser jusqu’à son personnage principal, héros aussi valeureux que talentueux, dont chaque saison fut inexorablement marquée par un rendez-vous manqué avec le destin. Pour fidéliser l’audimat, le protagoniste a besoin de gagner de temps en temps, quitte à replonger par la suite pour mieux se lancer vers de nouveaux défis. Mais en dix-huit saisons, Peter Luccin n’a jamais gagné, malgré des efforts évidents. La série, qui s’essoufflait nettement depuis cinq ans, a donc fini par être déprogrammée, à l’initiative de sa tête d’affiche fatiguée.

Mauvais choix et finales perdues en France

Le feuilleton avait pourtant été pas mal lancé, avec une première saison prometteuse tournée en partie à Cannes. Le jeune Peter, dix-sept ans, fait ses débuts face caméra en apparaissant dans treize épisodes. Suffisant pour délocaliser le plateau à Bordeaux, où Rolland Courbis parvient à l’attirer, au bout de six mois. En Gironde, le milieu de terrain dispute 53 matchs en une saison et demie, et la série est diffusée un peu partout en Europe, grâce à la quatrième place obtenue au bout de la première saison. Titulaire indiscutable aux côtés de Michel Pavon et Johan Micoud dans l’entrejeu aligné par Guy Stéphan, puis Élie Baup, après le départ de Courbis, Luccin commence à se faire un nom, en même temps qu’il connaît ses premières désillusions, en perdant sa deuxième finale de Coupe de la Ligue d’affilée. L’ascension semble irrésistible, mais à même pas vingt ans, le jeune homme à la chevelure tressée commet son premier faux pas. Séduit par l’idée de poursuivre le tournage à Marseille, sa ville de naissance, sous les ordres de Courbis, le réalisateur qui l’a révélé, l’étoile montante s’engage avec l’OM en 1998. Et voit les Girondins sacrés champions de France pour la première fois depuis douze ans, avec un point d’avance sur Marseille. Avec, en point d’orgue, une défaite 4-1 des Olympiens à Lescure, lors de laquelle Luccin est aligné au poste d’arrière gauche durant 34 minutes, le temps pour son équipe d’encaisser les quatre buts. Dur, après une finale perdue, déjà la troisième de sa carrière naissante, cette fois-ci en Coupe de l’UEFA, face à Parme. Après deux saisons sur la Canebière, le milieu récupérateur décide qu’il est temps de monter à la capitale. À 21 ans, il fait partie du casting du projet PSG Banlieue, en compagnie de Nicolas Anelka et Stéphane Dalmat. Le spin-off est un fiasco complet, et au bout d’une saison, Peter Luccin décide qu’il est enfin temps d’exporter son show à l’étranger.

La reconnaissance en Liga

« Pourquoi on se calmerait ? On vit pas dans des palmeraies ! » , scandait en 1998 la Fonky Family, dans le single Sans rémission, dont le clip laissait apparaître un Peter Luccin aux jambes de survêtement remontées sur les mollets. Trois ans plus tard, ces fameux palmiers, Peter décide d’aller les chercher en Espagne. À Vigo, d’abord, où faute d’arbres exotiques, il fait connaissance avec la pluie galicienne. Histoire de prouver au monde que les éléments n’ont pas de prise sur lui, il décide de les défier de front, en rasant ses tresses. En trois saisons sous le maillot floqué Citroën, il s’impose comme une valeur sûre de la Liga. Pas suffisant pour séduire Roger Lemerre, puis Jacques Santini, de l’appeler chez les Bleus, mais assez pour signer à l’Atlético où il espère que l’exposition médiatique lui permettra de rejoindre une sélection dans laquelle Dabo, Pedretti ou Dacourt lui sont préférés. Et peut-être, qui sait, enfin gagner un titre ? Faux. En trois saisons sous les spotlights de Vicente-Calderón, aux côtés de stars comme Diego Simeone, Fernando Torres, Maxi Rodríguez ou Maniche, le Français a beau s’attirer les louanges de tous les observateurs, il ne parvient pas à hisser les Colchoneros au-delà de la septième place en Liga, et des demi-finales de la Copa del Rey.

En Bleu, Dhorasoo, Mavuba, Toulalan, Diaby et Flamini lui sont préférés. Dur. Trop dur. Le corps de Peter ne résiste pas, même sous le soleil de Saragosse, où il trouve refuge. Malgré un bon interlude au Racing Santander, en prêt, le Marseillais ne fait plus recette, la faute à des ligaments croisés qui le lâchent. À la fin de la saison 2008-2009, plus aucun network ne veut de Peter Luccin et de son genou cagneux. Le show est même déprogrammé pendant une saison, avant qu’en septembre 2011, les Suisses de Lausanne-Sport tentent un revival. Mais l’expérience tourne court, et au bout de huit petits épisodes, Peter décide de lui même d’arrêter les frais, en avril 2012, deux mois avant la fin de son contrat. En janvier 2013, il tente l’aventure américaine, mais ne dispute que treize rencontres de MLS en deux saisons. Jusqu’à ce 30 mars dernier, où, las, le club de Dallas annonce la fin d’une belle carrière sans titres, ni sélections. Il paraît que les Français aiment les losers magnifiques. Peter attend des preuves.

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