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Lucas, je te demande pardon
J'avais 45 millions de raisons de croire en toi avant d'en avoir autant de te détester. Finalement, mon amour pour toi, Lucas, a été sinusoïdal. À l'image de tes performances. Certains diront que pisser dans le sens du vent évite de se salir la braguette, d'autres admettront que seuls les cons ne changent jamais d'avis. Et parfois, il faut savoir reconnaître ses erreurs. Faute avouée...
Lucas, il est temps de se dire les choses en face. Voilà, je te présente mes excuses. Je me suis rendu à l’évidence, j’ai parfois été trop loin avec toi. Trop dur. Trop exigeant et sans doute de mauvaise foi. Oui, il m’est arrivé de te traiter de « pipe » , de mépriser le prix de ton transfert, de me moquer de ta calvitie naissante, de tes tentatives d’approche envers Laure Boulleau via Google Traduction. Oui, je ne supportais plus ton dribble unique, tu sais, celui où tu fais passer la balle derrière ta jambe d’appui après une course de 35 mètres. Pire, dans un moment d’égarement, j’ai dû t’affubler du pseudonyme de « tout-droit » . Limite de « néant tactique » . En même temps, tu ne marquais jamais. Tu prenais le ballon et tu voyais où tes jambes t’emmenaient. Tu semblais improviser en permanence, sans aucune idée du monde qui t’entourait. Ça m’énervait. Tu m’énervais. Et comme tu avais des statistiques honteuses pour un mec arraché au nez et à la barbe de Manchester United, je commençais à perdre patience. Mais c’est de ta faute, aussi.
Pour tes débuts, tu avais fait de la défense de Valence ta chose un soir de Ligue des champions. Le Mexicain Andrés Guardado y avait d’ailleurs laissé un rein. Pour notre premier rendez-vous amoureux à deux jours de la Saint-Valentin, tu avais sorti le grand jeu. Alors moi, de mon côté, je me voyais déjà en haut de l’affiche avec toi comme compagnon de soirée. Mais voilà, notre deuxième rendez-vous va mettre du temps à arriver. Il y a bien eu cette folie un soir de mai 2013 où, dans l’euphorie d’un titre, tu m’as arraché des larmes avec tes « Champions, mon frère » . Quelque part, il avait raison, Jérémy Ménez. Médiatiquement, tu sais y faire. Ton compte Instagram où tu t’émerveilles devant la tour Eiffel, ta manière de gazouiller très politiquement correcte en 140 caractères. On ne l’ignore pas, tu sais parfaitement t’acheter une forme d’indulgence. Une immunité. Mais à force de ne jamais trouver le cadre, de systématiquement tirer quand il faut centrer, de crocheter quand il faut passer, de baisser la tête quand tu dois zieuter tes coéquipiers, à force de jouer à l’envers, je me suis désintéressé de toi. Inexorablement… Ta chevauchée contre Marseille te ressemblait, au fond. Imprévisible, fou, mais inutile. Parfait pour YouTube et amuser la galerie, mais sans incidence sur le cours d’une rencontre. Au fond, tu étais l’inverse d’un Ibrahimović. Tu ne tenais jamais tes promesses à force d’en rester une.
Jouis utile
Et puis il y a eu ce début de saison. Cette Coupe du monde passée sur ton canapé à regarder tes copains se faire découper en deux par l’Allemagne pendant que tu répétais tes gammes avec les réservistes du PSG. Comme après chaque nouvelle sauvegarde, on remet les compteurs à zéro. Et pourquoi pas cette saison ? Mais après Reims et Amsterdam… je t’ai retrouvé où je t’avais laissé. Incapable d’être décisif. Tes soutiens se faisaient de plus en plus rares. Tes excuses de plus en plus minces. Je n’en pouvais plus de ces « mais quand il sera décisif… » Hasard ou pas, le « quand » est survenu à Caen. Un double contact assorti d’une frappe du gauche dans les ficelles. La rédemption morale n’était pas loin. Tu as retrouvé ton âme dans le département où Francis Llacer a réalisé sa plus grande folie parisienne. Tout sauf un hasard.
Une semaine plus tard, tu étais magnifique de générosité face au FC Barcelone. Pour la première fois, j’ai vu en toi un garçon capable d’apporter quelque chose tactiquement. Notre second rendez-vous romantique, en quelque sorte, plus de 18 mois après notre premier flirt du Mestalla. Depuis cette folle nuit barcelonaise, tu as changé. Tes changements de rythme semblent maintenant pertinents. Tu encaisses les coups, désosse la moindre défense en une accélération et tu es enfin décisif. Tu marques. Et parfois même deux fois dans le même match. Aujourd’hui, je n’ai pas peur de le dire, tu me fais frissonner. Quand tu reçois la balle, il se passe – enfin – quelque chose. C’est intelligent, pertinent, puissant, animal. Dorénavant, Lucas, tu jouis utile. Alors je te demande pardon d’avoir douté de toi. D’avoir remis en question le choix de Leonardo. J’ai mis du temps à m’en apercevoir, mais avant d’aller te balader sur cette immense étendue d’herbe espagnole, sache que je crois en toi. Et s’il te plaît, je t’en prie, ramène-moi les reins de Jordi Alba.
Par Mathieu Faure