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Lucas Digne d’intérêt
Actuel meilleur joueur d’Everton, latéral le plus utilisé par Didier Deschamps depuis le titre de champion du monde, Lucas Digne semble être arrivé à 26 ans à maturité. Pourtant, il ne cesse d’être perçu comme la rustine pouvant compenser les blessures de ses concurrents au poste d’arrière gauche en équipe de France. Alors que doit-il faire de plus pour être considéré autrement que comme un second choix ?
Certains comportements ne s’improvisent pas. D’ailleurs, sans être confronté à ce genre de situation, personne ne sait comme il réagirait. Et pendant que Lucas Moura et Heung-min Son détournent le regard face à la violence du choc que vient de recevoir André Gomes, s’écroulant à la vue d’une cheville à 90°, un autre joueur accourt en sens inverse. Il s’appelle Lucas Digne et se rue donc vers son coéquipier. « Il était sous le choc, ses yeux étaient grands ouverts. Il pleurait, criait et criait, témoignait-il après la rencontre. J’ai juste essayé de le tenir et de lui parler, j’ai essayé de lui dire de rester calme. Nous ne pouvions pas le comprendre. C’est lui qui a été blessé. » Héroïsme, sens des responsabilités, compassion, force mentale : c’est un mélange de tout ça qu’a démontré l’arrière des Toffees en ce 3 novembre contre Tottenham, alors qu’il portait le brassard de capitaine pour le troisième match consécutif. Une scène qui prouve surtout que Lucas Digne est un homme sur qui on peut compter, malgré l’image de joueur tendre dont il pâtit en France.
Le dindon de la farce
Depuis plusieurs mois, à chaque annonce de liste de Didier Deschamps, les questions tournent autour des forfaits ou des retours des présumés latéraux gauches titulaires. Quand ce n’est pas Lucas Hernandez, c’est Benjamin Mendy ou encore son homonyme Ferland, si ce n’est les trois en même temps. Et pendant ce chassé-croisé permanent, Lucas Digne répond toujours à l’appel, débutant même lors de six des quinze rencontres internationales depuis le sacre en Russie. L’ancien Lillois avait fait sa réapparition dans le groupe en octobre dernier, sans avoir fait le deuil d’un Mondial suivi depuis son canapé. « Je m’attendais à être dans la liste. Ça a été une déception, confiait-il alors à L’Équipe. J’ai ressenti de l’incompréhension parce que j’avais joué les matchs de qualification et j’avais été bon. Ce sont les choix du sélectionneur, il faut les respecter et regarder vers l’avant.[…]Je ne suis pas allé chercher plus loin (avec le sélectionneur). J’ai essayé d’avaler la pilule. Ce n’est jamais facile. » À son retour en Bleu, « il y avait une étoile en plus » sur le maillot, mais toujours les mêmes poncifs sur Digne, comme tout le monde s’accordait à dire que sa chance était déjà passée.
Pourtant, avec cette déception dans la besace, l’ancien du PSG a repris les armes, alternant certes entre le correct (Andorre, Islande) et le décevant (dans le naufrage collectif en Turquie). Lorsque les gros combats sont annoncés et lorsque Lucas Hernandez — titulaire indiscutable du poste — est présent, il doit toujours s’effacer. Dommage alors que depuis la saison dernière en Angleterre, il semble avoir pris goût à l’engagement physique, ce qui lui faisait certainement défaut auparavant. « Au niveau du rythme, des duels, c’est différent de tous les autres championnats, assurait-il à France Football, alors qu’il débarquait de Barcelone. C’est le plus élevé. La Liga est meilleure techniquement, mais pour le reste, l’Angleterre est devant. Vraiment, c’est énorme. » À Goodison Park, Lucas Digne semble enfin avoir trouvé un club à sa dimension, où il doit mettre les mains dans le cambouis chaque week-end. Difficile de considérer Everton comme un club du top européen, mais c’est certainement ce dont il avait besoin. Que ça soit au PSG ou à Barcelone, le blondinet n’a jamais pu surpasser le n°1 dans le couloir. Mais il prouve aussi aujourd’hui qu’à 26 ans, ces années passées dans l’ombre de Maxwell ou Jordi Alba n’ont pas servi à rien.
Numéro 2, qui dit mieux ?
Didier Deschamps a déjà assuré que Digne a toujours été dans ses petits papiers. « Lucas joue régulièrement, il a passé un cap, expliquait le boss des Bleus en juin. Il fait partie des joueurs à ce poste-là auxquels on prête beaucoup d’attention. » Et pendant que, ce week-end, Benjamin Mendy fêtait son retour en équipe de France en tribunes lors du choc Liverpool-City (pour des choix tactiques), celui qui est intuitivement considéré comme sa doublure a rendu une copie propre à Southampton. Le natif de Meaux peut tout de même se réjouir de laisser dans son rétroviseur Ferland Mendy, tout juste de retour avec le Real. Pour cette fois, déjà, à moins que les idées préconçues sur son cas évoluent.
La seule chose qui semble véritablement manquer à Lucas Digne est finalement un match référence lors de ses cinq ans de présence. Une performance où il pourrait prouver qu’il est à la fois capable d’avoir la hargne de Hernandez, l’allant de Benjamin Mendy et plus d’expérience que Ferland. Bref, être considéré comme une version plus solide de Layvin Kurzawa, autre bouche-trou réapparu ces derniers mois. Mais cette bagarre pour un poste est loin de l’effrayer « La concurrence est conséquente, le niveau est élevé, soulignait-il en juin. On se tire la bourre et chacun donne le meilleur de soi. C’est bien pour l’équipe de France. » À lui de montrer lors ces dernières sorties de 2019 qu’il est plus qu’un intérimaire et de donner rendez-vous en 2020, quel que soit l’état de forme de ses congénères.
Par Mathieu Rollinger