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Lucas Digne de son statut
À 20 ans, l’ancien Lillois joue les doublures de Maxwell. Enfin, pour le moment. Depuis son arrivée dans la capitale cet été, le gaucher ne cesse de défendre son choix sans jamais se plaindre. Ça change…
Le refrain est le même depuis le début du championnat. Dès que Lucas Digne, 20 piges, débarque en conférence de presse avec le PSG, la première question est systématiquement la même : « Regrettez-vous d’avoir signé au PSG ? » Avec seulement 4 matchs (tous comme titulaire) au compteur, d’aucuns estiment que le champion du monde U20 s’est gâché en rejoignant la capitale. D’autant que l’AS Monaco était également sur les rangs cet été. Bizarrement, le môme n’en fait pas tout un cirque. Il s’en amuse même. « Je savais qu’en arrivant ici, j’aurais moins de temps de jeu que la saison dernière. Je comprends que les gens se posent des questions, mais tout était clair dès le début » , a-t-il expliqué ce jeudi en conférence de presse.
Alors pourquoi toute cette histoire ? Tout simplement parce que la France a encore du mal avec la notion de concurrence et que certains ont peur que le minot se perde en chemin. Comme si goûter un peu du banc de touche à 20 ans était une pénitence. Et puis Digne doit se coltiner la forme actuelle de Maxwell, tout sauf un peintre, alors que celui-ci avait été présenté comme le remplaçant du remplaçant d’Abidal lors de son arrivée dans la capitale en janvier 2012. Une concurrence pourtant saine et positive pour le gaucher de 20 ans. Digne toujours : « Maxwell me donne beaucoup de conseils, pas seulement sur le jeu. On s’entend très bien, cela facilite les choses. Il m’aide avec son expérience sur le terrain et en dehors. »
Le quotidien comme expérience
Le joueur a mis le doigt où il fallait : emmagasiner de l’expérience. En signant dans la capitale façon QSI, Digne se coltine des partenaires d’entraînement XXL. Le gamin en prend plein les mirettes. « Je ne pensais pas que Thiago Silva était comme ça. Il est simple au quotidien et incroyable sur le terrain. Il ne se relâche jamais, même à l’entraînement. Il est impressionnant, comme Zlatan, poursuit-il. À l’entraînement, il ne faut pas rater ses centres, ses passes… Je suis de plus en plus décisif et je progresse défensivement avec des joueurs comme ça. L’exigence ici est plus forte qu’ailleurs, donc je suis obligé de hausser mon niveau pour répondre aux attentes. » Ses sorties le prouvent : il progresse. Même en ne jouant que deux fois par mois. Pour sa première à Bordeaux, il prend un KO technique au bout de 5 minutes. Un bouillon sur son côté l’action suivante. Sacré dépucelage. Mais il ne rompt pas et se dévore pour finalement délivrer une bonne première copie. Au fil des sorties, il s’affirme. Pour sa dernière titularisation – contre Lorient au Parc des Princes – il donne même un caviar pour Lucas Moura. Sa première passe décisive de la saison.
Dans le sillage de Maxwell – 12 ans de plus au compteur – Digne est mieux qu’une doublure, c’est une vraie alternative au poste. Un gamin qui a déjà goûté à la Ligue des champions du côté de Lille, qui plus est. Au sein du club parisien, Digne s’est vite fondu dans la masse. Il traîne avec les mecs de son âge, Rabiot, Ongenda, Maignan and co. Les types sont dans le même délire, et ils savent la chance qu’ils ont de fréquenter au quotidien des tops joueurs. Mais pour Digne, à l’instar d’Adrien Rabiot, il a surtout la chance d’être dans les petits papiers de Laurent Blanc. Tout sauf un détail.
Et le Brésil dans tout ça ?
Et comme le Président est un très bon communiquant, il a très vite couvert son numéro 21 d’éloges publics. Le genre de choses qui vous provoque facilement un afflux sanguin dans le bas ventre. Quand Blanc sort la machine à caresses, c’est plutôt bien fait : « J’ai toujours dit que c’était un joueur intéressant. Je le pensais il y a quatre ou cinq mois quand on a voulu le faire venir, je le pense encore plus, déclarait Blanc début novembre. Je découvre le joueur, mais aussi l’homme. C’est avant tout un homme, il faut arrêter de dire que ce sont des gamins… Il est très plaisant à manager et à gérer, il faut même le tempérer un peu, car c’est un guerrier et il n’arrête pas. » Globalement, tout le monde est content.
Dans la gestion du cas Lucas Digne, il y a l’idée évidente d’une passation de pouvoir avec Maxwell. À 32 ans, le Brésilien commence à afficher du kilométrage. Une fois « sa » Coupe du monde au Brésil validée, la saison prochaine fera office de véritable test pour les deux protagonistes. En gros, une saison pour apprendre, une autre pour bouffer le taulier. Un plan de carrière cohérent et plausible pour un gamin doué comme ça. À Lille, déjà, il bluffait son monde par sa maturité, son coffre et son goût du combat. Un latéral moderne, en somme. Tellement moderne que Laurent Blanc le verrait bien valider une place, dans la dernière ligne droite, pour la liste des 23 Bleus de Didier Deschamps pour le Brésil. La tête sur les épaules, Digne ne botte pas en touche quand il s’agit d’évoquer les A : « L’équipe de France ? Si ça peut se présenter, pourquoi pas, mais je suis encore jeune et j’ai le temps devant moi. » Au final, Digne est en train de gagner son pari tout en prenant son temps. On est bien loin de la mentalité « tout, tout de suite » . Et même quand il ne joue pas, en dépit des relances incessantes de la presse, Digne ne s’est jamais plaint. Jamais. C’est con, mais ça fait du bien.
par Mathieu Faure