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Luca Toni, l’histoire d’un come-back réussi
Annoncé fini à son départ pour les Émirats, Luca Toni a retrouvé une seconde jeunesse cette saison, avec la Fiorentina. Un come-back inattendu, une réussite qui l’est tout autant. Parce que Tonigol, malgré le poids des années, fait plus que rendre service à la formation de Vincenzo Montella.
Luca Toni, c’est la définition même de la carrière atypique. Et passionnante en soi. Parce que le mec vient de la gavetta et, de son propre aveu, aurait pu arrêter le football à 20 ans, alors que son coach à la Fiorenzuola, en Serie C1, ne daignait pas le faire jouer. De ces débuts difficiles dans les bas-fonds, des blessures qui s’en sont suivies, le beau Luca est devenu champion du monde, et parmi les buteurs les plus redoutés du Vieux Continent. En vrai, il appartient à la dernière génération de ces footballeurs italiens qui ont souffert et dû patienter un long moment avant de percer – cette fameuse obligation de résultat, qui encourageait les clubs transalpins à miser sur des joueurs expérimentés plutôt que sur les jeunes. C’est à l’orée de la trentaine, seulement, que Toni s’est forgé une réputation. C’est à force de persévérance qu’il est parvenu à devenir l’attaquant que l’on connaît. Et à force de persévérance qu’il est à l’heure actuelle en train de donner tort à ceux qui le déclaraient fini. Ceux-là étaient nombreux et n’avaient, en apparence, pas forcément tort. Car depuis son départ du Bayern et son retour en Italie, jusqu’à sa supposée pré-retraite aux Émirats, Tonigol n’était plus que l’ombre de lui-même.
« Si je pouvais revenir en arrière, je n’irais pas à Dubaï »
De fait, avant qu’il ne s’engage avec l’Al Nasr en janvier 2011, Luca Toni est clairement sur la pente descendante. À 34 ans, il vient de traîner sa peine durant deux ans et demi dans trois clubs italiens, la Roma, le Genoa et la Juve, clubs avec lesquels il a peu joué, et peu marqué (50 matchs, 14 buts). C’est alors certain, à un âge aussi avancé, Tonigol part en pré-retraite aux Émirats, manière de remplir son compte en banque et claquer ses derniers pions. La fin moderne d’une carrière de champion. Pourtant, il n’en sera rien. Premièrement, parce que le vétéran n’a pas trouvé le football qui lui convenait. « Si je pouvais revenir en arrière, je n’irais pas à Dubaï. Moi, ce qui me plaît, c’est le vrai football, et ça, ça ne l’est pas. Le lieu est beau, l’atmosphère non » , déclarera-t-il après coup. Et puis, il y a autre chose, aussi. Un drame, survenu à la fin de son séjour sur place : la perte de son enfant, le jour de sa venue au monde. Un évènement terrible, qui achèvera de convaincre Tonide quitter les lieux, pour retrouver sa patrie et le « football qui compte » . Comme il le contera au Corriere della Sera, « perdre un fils est une tragédie que Marta et moi porterons toujours en nous. J’ai à ce moment-là pensé à arrêter, pour passer plus de temps avec ma femme. Mais elle ne me supportait plus. C’est ainsi que je me suis remis à jouer, que j’ai pensé à terminer ma carrière sur une note positive. Et si je suis ici, c’est aussi parce que Marta a toujours apprécié cette ville. » Cette ville, c’est Florence.
Une ville que Luca Toni connaît bien. Il y a vécu deux années, de 2005 à 2007, étant alors le buteur le plus en vue d’Italie sous le maillot de la Fiorentina. Pas le club qui l’a révélé (51 buts en 83 matchs avec Palerme avant ça, hein), mais celui où il fera ce qu’on appelle sur place le « salto di qualità » . Au terme de la saison 2005/2006, ses 33 buts marqués en 42 rencontres lui permettent de rafler le Soulier d’or européen et de glaner une place de titulaire en Nazionale pour la Coupe du monde 2006. Bref, Luca Toni a laissé une marque à Florence, bien qu’il n’y ait galopé que deux ans – ce qui donne, statistiquement parlant, 49 réalisations en 71 rencontres. Pour les tifosi de la Viola, il est simplement le plus grand buteur du club époque post-Batistuta. Une image qui ne sera pas écornée par son départ au Bayern (ni une pige à la Juve, c’est dire), et qui sera ravivée à son retour, le 31 août dernier.
Renaissance et clap de fin ?
Après avoir résilié son contrat à l’amiable avec les Émiratis, Toni s’engage donc, dans les dernières heures du mercato estival, en faveur du club de son cœur. De quoi offrir un flashback aux supporters florentins, plus encore lors de sa présentation avec le maillot floqué de son mythique numéro 30. Un come-back étonnant, qui provoque autant l’enthousiasme que le doute. Celui de voir une légende sur la fin prendre le risque d’entacher sa réputation par des derniers pas ratés. Si les dirigeants de la Viola l’ont signé, c’est en réalité pour en faire un leader de vestiaires et une solution de dépannage, plus qu’un titulaire en puissance, même si le mercato ne leur a pas permis de trouver l’avant-centre idéal. Mais Toni avait prévenu : « Je suis venu pour jouer, marquer et aider l’équipe. » Il a tenu promesse. Du haut de ses 35 ans, il a déjà claqué 7 buts en 19 matchs, les statistiques d’un bon attaquant de Serie A. Des statistiques qu’aucun spécialiste ne lui aurait prêtées à cette période de la saison.
Profitant d’une faible concurrence – avec un El Hamdaoui en lente remise à niveau et un Ljajić toujours décevant –, il dispose pleinement, avec son mètre 96, des centres que prodigue le 3-5-2 de Montella. Tonigol place ses tronches et fait admirer son jeu dos au but, autant que la célébration qui est la sienne – « Ma main droite entoure l’oreille et bouge de manière circulaire, c’est une manière de renforcer la prouesse du but, un peu comme si je disais :« Tu as ce que j’ai fait pour toi ? Tu as aimé ? C’est beau ? »J’ai commencé à faire ça pour rire à Palerme et, comme ça m’a porté chance, j’ai continué à le faire » , décrivait-il dans une interview à Ballon Mag en 2006. Une putain de nostalgie, et un pari d’ores et déjà réussi. Il ne reste, à cette heure, que l’interrogation quant à son avenir proche, son contrat se terminant en juin prochain. « Je sais que la Fiorentina sera ma dernière équipe, mais je ne sais pas s’il s’agit de ma dernière saison. Quoi qu’il en soit, je resterai dans le football. Je m’inscrirai peut-être à la formation pour devenir entraîneur, comme l’ont fait beaucoup de mes camarades champions du monde. Mais en fait, je ne sais pas précisément. Ce que je sais, c’est que là, maintenant, je suis heureux d’être ici. » À l’image de sa carrière sinueuse, Luca Toni s’est offert une fin de carrière inattendue. Sûrement la plus belle qui soit.
Par Alexandre Pauwels