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Luc Holtz : « Au Luxembourg, vivre du foot, c’est mal vu »

Propos recueillis par Matthieu Pécot
Luc Holtz : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Au Luxembourg, vivre du foot, c’est mal vu<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Depuis que Luc Holtz a repris l'équipe nationale en 2010, le Luxembourg ne cesse de gagner le respect de l'Europe, qui a arrêté de le considérer comme un punching-ball. C'est en tout cas ce que les statistiques et les adversaires disent. Le sélectionneur national, 47 ans, décrit son job avec passion. Un job pas comme les autres quand on parle d'un pays de moins de 600 000 habitants.

Une diététicienne est venue parler à votre groupe lundi soir. Vous visiez des joueurs en particulier ?Surtout les jeunes. Ils pensent que sous prétexte qu’ils ne sont pas gros, ils peuvent manger n’importe quoi. C’est important qu’ils soient bien informés. Ce n’est pas la première fois qu’une diététicienne intervient, mais avec les jeunes, il faut répéter les choses.

Quand vous avez repris la sélection en 2010, il y avait un seul joueur pro dans le groupe (Mario Mutsch). Aujourd’hui, il y en a une dizaine. Est-ce votre plus grande fierté ? « Fierté » n’est pas le bon mot. C’est plutôt un objectif que je m’étais fixé. Pour que l’équipe nationale progresse, il faut que le niveau de jeu de chaque joueur progresse, et pour ça, il faut aller à l’étranger.

Si l’Islande a réussi à se qualifier et à briller lors d’un grand tournoi avec ses 325 000 habitants, que manque-t-il au Luxembourg et ses 575 000 habitants pour l’imiter ?On ne peut pas comparer ces deux pays en se basant simplement sur le nombre d’habitants.

C’est plus difficile de faire entrer dans la tête des jeunes footballeurs luxembourgeois qu’il faut se bagarrer quotidiennement. Ici, il y a trop d’autres moyens pour réussir sa vie.

Les conditions sociales sont différentes. L’Islande, c’est tout là-haut, au nord. Les jeunes Islandais qui veulent sortir de leur île, le principal moyen qui s’offre à eux, c’est le sport. Au Luxembourg, le niveau de vie est très élevé. C’est plus difficile de faire entrer dans la tête des jeunes qu’il faut se bagarrer quotidiennement. Ici, il y a trop d’autres moyens pour réussir sa vie. Il y a aussi un problème au niveau éducatif. En Islande, les gamins font du sport tous les jours à l’école. Chez nous, à 9, 10, 11, 12 ans, c’est une fois par semaine. Aussi, au Luxembourg, on spécifie nos jeunes trop vite. Or, pour la coordination, pratiquer d’autres sports, c’est extrêmement utile. À seize ans, les meilleurs sportifs islandais ont le choix entre l’équipe nationale de football et celle de handball…

Vous avez déjà essayé d’en toucher un mot au ministère de l’Éducation nationale ou aux professeurs d’éducation physique du pays ?Non. Je suis déjà d’avis qu’on fait trop de politique dans le sport. Et puis je connais la mentalité luxembourgeoise, ils vont croire que je veux jouer le professeur. Si je m’adresse à une personne qui a fait tant d’années d’études, elle va se dire : « Mais pour qui il se prend à vouloir m’apprendre mon métier ? » Rentrer là-dedans serait du temps perdu. Dommage, car moi, je suis d’avis que chaque individu doit apprendre de l’autre.

Au Luxembourg, le fait d’être footballeur est mal vu. Il suffit de voir le palmarès des sportifs de l’année, où le foot est systématiquement délaissé. Comment l’expliquez-vous ?Encore une fois, c’est dû au niveau social de notre pays. Il y a une certaine vision qui est figée : on veut des médecins, des emplois dans la finance, mais être footballeur, c’est dégradant. Après, les gens mélangent tout, ils entendent des choses et pensent qu’un footballeur au Luxembourg gagne des sommes faramineuses. Si on mélange ces mauvaises informations à la mentalité de base du pays, on en arrive au fait que, oui, au Luxembourg, vivre du foot, c’est mal vu.

Du coup, votre stade Josy-Barthel est souvent vide. S’habitue-t-on à ce manque d’engouement ?On n’a pas le choix. Alors bien sûr que ça m’embête. Moi, en tant que Luxembourgeois, je me réjouis quand notre équipe de basket ou de hand gagne. Quand Gilles Müller a gagné son tournoi de tennis à Sydney en janvier, j’étais super heureux. (Gilles Müller, actuellement n°28 mondial, est aussi le cousin de Tim Hall, qui figure dans le groupe du Luxembourg qui affrontera la France samedi, ndlr.)

La passion autour de votre équipe peut-elle venir de l’éclosion des carrières de Vincent Thill (dix-sept ans, FC Metz) et Christopher Martins (vingt ans, Lyon) ?Possible. Déjà, il y a quand même une évolution positive au niveau de l’affluence. Et ça, c’est dû à nos performances. Je dis bien « performances » et pas « résultats » . Prenons l’exemple de notre dernier match, contre les Pays-Bas (1-3, en novembre dernier, ndlr) : on fait 1-1 jusqu’à l’heure de jeu, ce n’est pas anodin ! Pour ce qui est du stade, il faut aussi comprendre que s’il pleut samedi, 7000 des 8000 spectateurs seront mouillés. Du point de vue du confort, notre vieux stade Josy-Barthel n’est pas compatible avec l’exigence du Luxembourgeois. Je suis convaincu que notre nouveau stade (une enceinte de 10 000 places qui sera livré début 2019, ndlr) nous permettra d’élargir notre public.

Vous pensez toujours que Vincent Thill disputera un jour une finale de Ligue des champions ?Je ne suis pas inquiet pour Vincent Thill. Depuis deux-trois mois, il est hors du coup, car il a accumulé des petites blessures. Et puis il s’est un peu dispersé. Il est très entouré, d’agents et tout ça. J’ai l’impression qu’à un moment, il a placé ses priorités du mauvais côté et je lui ai dit. Il a un talent énorme, mais ce n’est pas le talent qui l’emmènera tout là-haut ; c’est le travail.

Et Christopher Martins ? À Lyon, il n’a pas encore joué en Ligue 1 alors que tous les recruteurs européens savent qui il est…J’ai un avis très simple sur Christopher Martins : il a les qualités pour jouer dès maintenant en Ligue 1. Il mesure 1,90 mètre, il va vite sur les premiers mètres et sur les longues distances, il est techniquement adroit et fort dans les duels. Je vous le dis : il est prêt pour la Ligue 1. Après, il y a une forte concurrence à Lyon. C’est compliqué d’intégrer le groupe des dix-huit. Lui, il n’attend que ça. Après, c’est plus facile de mettre sur la feuille de match un gros salaire ou un mec expérimenté qu’un Christopher Martins… À Lyon, il joue surtout milieu relayeur. Moi, je le mets souvent en défense centrale, un poste à haute responsabilité et je l’ai rarement vu mauvais. Beaucoup de jeunes tremblent quand ils sont confrontés à la pression d’un match international. Lui, jamais.

Mbappé, Dembélé, Griezmann… Redoutez-vous de prendre une grosse vague contre la France samedi ?Je suis conscient qu’en face de nous, il y aura une super équipe, mais je n’ai pas peur, non. J’espère que la France va venir en nous prenant de haut. Mais avec le temps, je sais qu’on est de plus en plus respectés. Je le vois dans les discours et les attitudes de nos adversaires.

Le nul ramené d’Italie en 2014 (1-1) juste avant le Mondial y est pour quelque chose ?Un peu, forcément.

Vous avez joué à Montceau-les-Mines à la fin des années 80. Que retenez-vous de cette expérience ?Pendant quatre ans, j’étais au centre de formation de Montceau-les-Mines. L’équipe première jouait alors en deuxième division. Humainement, c’était une très bonne expérience. Mais sportivement, je ne peux pas en dire autant, puisque je n’ai pas réussi à passer pro. Parmi les entraîneurs qui sont passés en équipe première, il y avait Jean-Yves Chay, Jean-François Jodar et Guy Stéphan et je n’ai réussi à en convaincre aucun. Au mieux, j’ai joué dans l’équipe réserve, qui était à l’époque en 3e division.

Du coup, vous allez recroiser Guy Stéphan samedi !S’il se souvient de moi, ce n’est pas positivement.

Guy Stéphan m’a alors engueulé, mais pas une petite engueulade ! Aujourd’hui, ça me fait rigoler, mais sur le coup, je ne faisais pas le malin !

Un jour, lors d’un match amical entre l’équipe A et la B, Guy Stéphan me sort au bout de 60 minutes et me demande d’aller faire l’arbitre de touche puisqu’on s’arbitrait nous-mêmes. Moi, j’étais jeune et pas toujours irréprochable dans le comportement. J’ai pris ça à la légère, je l’ai fait en traînant des pieds. Il m’a alors engueulé, mais pas une petite engueulade ! Aujourd’hui, ça me fait rigoler, mais sur le coup, je ne faisais pas le malin !

Êtes-vous tenté d’aller entraîner un jour à l’étranger ?Si j’ai quelque chose d’intéressant et que j’ai l’impression qu’il est temps de quitter mon poste au Luxembourg, bien sûr, je partirai. J’aurai certainement un jour l’envie de voir où sont mes limites. Après, je suis conscient des réalités du monde du foot. Parfois, il suffit de se prendre trois raclées pour se faire virer.

Le Luxembourg a beau être au milieu de la France, de l’Allemagne et de la Belgique, le joueur luxembourgeois est souvent sous-coté. C’est pareil pour l’entraîneur ?Le fait d’être luxembourgeois ne m’aidera pas à trouver un club le jour où j’en chercherai un. Tenez, la semaine dernière, Jeff Saibene a été nommé entraîneur de Bielefeld (D2 allemande). À peine est-il arrivé que j’ai entendu des Allemands dire : « Depuis quand on a besoin d’un petit Luxembourgeois pour nous apprendre à jouer au football ? » Ces réflexions-là, non, je n’ai pas envie de m’y habituer. Je souhaite une grande réussite à Jeff et à tous les Luxembourgeois qui ont le courage de tenter leur chance à l’étranger. On veut changer la donne !

Dans cet article :
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Propos recueillis par Matthieu Pécot

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