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Löw ne donne plus le La
Les critiques pleuvent sur lui, mais Joachim Löw s'en moque bien. À l'heure d'affronter la Suisse lors de la quatrième journée de Ligue des nations ce mardi, le sélectionneur allemand assure « qu'il sait ce qu'il fait » et qu'il « est convaincu du cap à garder » en vue de l'Euro 2021. Problème : il est certainement le seul à s'y retrouver dans ce brouillard que la Nationalmannschaft n'arrive pas à dissiper.
Ça y est, l’Allemagne a enfin renoué avec le succès après trois matchs nuls consécutifs. Mais la laborieuse victoire acquise samedi dernier en Ukraine (2-1) – cette même Ukraine qui s’était fait rouler dessus par les Bleus (1-7) trois jours plus tôt – n’a pas rassuré grand monde outre-Rhin. À commencer par Bastian Schweinsteiger, un ancien capitaine de la Nationalmannschaft qui ne s’est pas montré tendre envers son ex-patron. « Je pense que ce serait bénéfique à l’équipe de jouer plus souvent avec le même système. Quand on prétend être une des meilleures équipes d’Europe, il faut avoir un fil conducteur sur le terrain. Les joueurs ont besoin d’automatismes », a-t-il relevé pour le groupe audiovisuel ARD.
Des joueurs à la queue Löw-Löw
Et d’automatismes, comment est-il possible d’en avoir quand le onze de départ est chamboulé d’un match à l’autre ? Face à l’Ukraine, seuls deux joueurs – Antonio Rüdiger et Julian Draxler – avaient conservé les faveurs du sélectionneur par rapport aux titulaires qui avaient croisé le fer avec la Turquie en amical trois jours plus tôt (3-3). Et nulle impression de hiérarchie entre hommes forts et coiffeurs ne semble se dégager. Au poste de piston par exemple, trois titulaires différents se sont succédé lors des trois derniers matchs, à droite (Kehrer, Henrichs, Klostermann) comme à gauche (Gosens, Schulz, Halstenberg). Et devant, alors que le réservoir offensif de la Mannschaft est ahurissant, le chouchou de Löw se nomme Julian Draxler… dont le temps de jeu et les performances avec le PSG ne sont un mystère pour personne.
Associer Leroy Sané et Timo Werner (comme contre l’Espagne) ? Bombarder l’ailier Serge Gnabry seul en pointe (contre l’Ukraine) ? Réserver un poste offensif au milieu Leon Goretzka au détriment de Kai Havertz ou de Julian Brandt (l’Ukraine encore) ? Alors que le besoin de stabilité apparaît urgent à huit mois de l’Euro, Löw continue ses petites expérimentations comme si de rien n’était. La seule chose qu’il semble avoir fixée est son système à trois défenseurs centraux, qu’il a glué à la Mannschaft il y a un mois… alors que ses troupes s’étaient bien amusées avec quatre défenseurs en qualifications pour l’Euro l’an dernier.
« Tout le monde peut exprimer des critiques. Mais je suis au-dessus de ces choses. Cela fait 16 ans que je vis avec ça.(…)J’ai une vision d’ensemble jusqu’à l’Euro. Il ne faut pas oublier qu’il y a deux ans, on était au fond du trou. On sait ce qu’on fait et on est convaincus de notre cap à garder », réagissait Löw en conférence de presse d’après-match en Ukraine. Lundi, il n’a pas dit autre chose avant d’en découdre avec la Suisse : « Si quelqu’un dit que je suis arrogant ou facilement irritable, c’est comme ça. On a un plan, et on le met en place. »
Le chant du Löw
Si l’obstination de Löw en horripile plus d’un en Allemagne, c’est surtout parce qu’elle pourrait encore avoir des conséquences dramatiques. Après l’échec du Mondial 2018 – où l’Allemagne avait échoué pour la première fois de son histoire à franchir la phase de groupes de l’événement planétaire -, le sélectionneur avait reconnu une forme « d’arrogance », en s’entêtant à vouloir imposer son jeu de possession et de domination à outrance. Et ce, malgré les messages d’alerte répétés d’anciennes gloires du foot allemand ou d’observateurs dans la presse, qui se doutaient que cette vision ambitieuse finirait par se fracasser sur les caractéristiques du football de compétition international. Deux ans plus tard, si quelques choses ont changé dans la forme, le fond reste le même : Löw continue de mépriser les Cassandre tout en gardant le « plan » qu’il s’est fixé, plan que bien peu arrivent à discerner et encore moins à apprécier.
Plus grave encore : la source de tous les problèmes, à laquelle « Jogi » avait promis de s’attaquer après l’été meurtrier de 2018, n’a toujours pas été déracinée. À savoir ce manque de fierté et de passion à jouer pour l’Allemagne, qui se transposait sur le terrain par un déficit d’envie, de combativité et de hargne, au point de rompre le lien avec les supporters. Et pour Schweinsteiger, les balbutiements actuels de Löw ne font qu’empirer les choses. « Ce qu’on veut savoir, et encore plus quand l’Euro approche, c’est : Comment on joue ? Qui sont nos joueurs ? Quelles sont nos tactiques ? On ne peut plus s’identifier à 100% à l’équipe nationale, et c’est bien dommage. » La persistance de Löw à se passer d’un gagneur-né comme Thomas Müller ou d‘une voix forte comme Jérôme Boateng ajoute encore un peu de boue au marécage. Plus que jamais, l’Allemagne a besoin de têtes d’affiche, de leaders, de figures de proue. Un rôle que Löw préfère toujours assumer seul, mais en a-t-il encore les moyens ?
Par Douglas de Graaf