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Löw-Deschamps, duel de recordmen
Entraîneurs à avoir dirigé le plus de matchs avec l'Allemagne et la France, Joachim Löw et Didier Deschamps ont marqué l'histoire de leur sélection respective. Notamment en plaçant leur pays sur le toit du monde. Et même si le chemin de l'un pourrait bientôt s'arrêter, au contraire de l'autre.
Mardi soir, à l’occasion du France-Allemagne comptant pour la quatrième journée de la Ligue des nations disputé à Saint-Denis, ils se serreront la pince en souriant. Comme si de rien n’était. Comme si l’un zappait sa délicate situation pendant que l’autre ne voulait plus entendre parler du Mondial à peine remporté en Russie. Sans excès de crainte ou sentiment exagéré de puissance. Sans même penser, peut-être, à certains de leurs points communs que la majorité des autres sélectionneurs ne pourront jamais partager.
Ce mardi soir donc, Didier Deschamps et Joachim Löw se renverront la politesse sans en faire trop. Pourtant, ils savent bien que si leurs trajectoires diffèrent en ce moment, ils ont marqué l’histoire de leur nation et que leur curriculum vitae illustre à merveille ce constat. Et même s’ils l’oubliaient, les médias se chargeront de leur rappeler : les deux champions du monde sont les deux hommes ayant dirigé le plus de fois l’équipe nationale de leur pays natal.
Comme un poisson dans Löw
Honneur à celui qui fait de cette statistique l’une des actualités du moment. En coachant pour la 168e fois la Mannschaft dimanche dernier face aux Pays-Bas, Löw est devenu le recordman en la matière. Celui qui a été nommé à son poste actuel en 2006 a ainsi battu Sepp Herberger, guide de l’Allemagne de 1936 à 1964 et connu pour avoir participé au « Miracle de Berne » (victoire 3-2 contre la Hongrie le 4 juillet 1954 en finale de Coupe du monde). Pas rien. Selon certaines sources, Joachim aurait même devancé un peu plus tôt son compatriote décédé en avril 1977, ce dernier n’étant officiellement qu’intérimaire pendant ses cinq premières rencontres en 1936 et 1937.
Mais que retenir de ces douze saisons passées avec l’ancien de Stuttgart ou de Fenerbahçe ? Beaucoup, beaucoup de positif et très, très peu de négatif. Raison pour laquelle il est encore là. Avec lui, les Allemands ont pu bosser sur le long terme (trois techniciens différents à la tête de l’équipe entre 1998 et 2006 avant lui). Une certaine stabilité qui a permis au Nationalelf d’éviter les embrouilles ou grosses polémiques, de rester hyper performant (présence dans le dernier carré lors de toutes les grandes compétitions, à savoir trois Mondiaux et trois Euros, à l’exception notable de la Coupe du monde 2018) et d’être sacré champion du monde en 2014 au Brésil.
La clé DD
De l’autre côté se trouve Deschamps, pas encore rendu au même chiffre que son confrère (86 parties à la tête de l’EDF depuis 2012), mais qui a dépassé Raymond Domenech (79) le 30 juin dernier lors du succulent huitième de finale du Mondial russe remporté au détriment de l’Argentine (4-3). Avec 54 victoires pour 17 nuls et quinze défaites, le bilan parle pour lui. Le palmarès et le baromètre des épreuves majeures aussi. Lorsque DD prend les rênes des Bleus, ces derniers ne parviennent pas à trouver l’équilibre et viennent de consommer quatre sélectionneurs en quatorze ans. Surtout, la période Domenech et la grève de Knysna datant de 2010 n’ont toujours pas été complètement effacées malgré le passage de Laurent Blanc.
Munie de son autorité naturelle, de son pragmatisme légendaire, de son expérience de joueur, de sa culture de la gagne et de son relatif refus du compromis, la Dèche contribue à ramener de la rigueur et du calme au sein de l’institution (même si certains de ses choix forts comme la mise à l’écart de Karim Benzema sont amplement discutés). Résultat : bien aidée par une énorme génération de talents, la France soulève la Coupe du monde 2018 après avoir échoué à brandir celle de l’Euro 2016 (défaite 1-0 en finale contre le Portugal). Comme Löw à Vienne en 2008, d’ailleurs (revers devant l’Espagne sur le même score).
Courbes croisées
Un nouveau point commun qui pourrait être le dernier, le sélectionneur allemand étant à la peine et son maintien au poste carrément débattu depuis le Mondial raté de l’Allemagne. L’inquiétante méforme de la Mannschaft, qui vient de chuter contre les Hollandais (3-0), empêche en effet Löw de profiter de son record. Et pour cause : jamais, dans son existence, la sélection n’avait vécu pire année que 2018 (cinq défaites, trois victoires, deux nuls). Jamais elle n’avait non plus été sortie au premier tour d’une Coupe du monde comme en Russie. Et voilà plus d’un an qu’elle n’a plus gagné en compétition officielle si l’on écarte le temps additionnel (qui a vu un coup franc miraculeux de Toni Kross accrocher une lucarne).
Ses cadres n’avançant plus sous ses ordres, JL est peut-être en train de vivre ses derniers moments sur un banc qui, tâche ô combien compliquée, devra trouver un nouvel homme pour lui succéder. Tout le contraire de DD. Qui, lui, peut espérer faire mieux que son alter ego. Sans doute pas en atteignant les 168 matchs avec les Bleus, mais en s’emparant de l’Euro 2020. Et de la première Ligue des nations de l’histoire, au passage.
Par Florian Cadu