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L’outre Cuisance
Pas même majeur et déjà recruté par Mönchengladbach, Mickaël Cuisance est la nouvelle prise de guerre de l'autre Borussia dans un marché des transferts qui consomme toujours plus de jeunes talents en devenir.
« Le marché européen pour les meilleurs talents est si difficile que nous sommes d’autant plus heureux… » Le 9 mai, Max Eberl annonce la première recrue de l’été pour son Mönchengladbach avec auto-satisfaction. Le nom n’a pourtant rien de très ronflant et ne va pas déclencher la machine à flocage de suite : Mickaël Cuisance n’a que dix-sept ans. Plus que la venue d’un joueur de l’AS Nancy-Lorraine jusqu’en Allemagne, c’est la place de Gladbach comme place de développement pour les jeunes joueurs européens qui doit s’affirmer avec cette recrue. « Nous sommes heureux de renforcer notre volonté de recruter des joueurs renommés qui viennent poursuivre leur formation avec nous. » Non, « la cuisance » n’est pas le nom de la dernière émission de cuisine du PAF, avec les frères Pogba en tête d’affiche. Seulement un nom qui cristallise les dérives du football moderne, et plus précisément ses transferts négociés en sous-main dès le plus jeune âge. Bienvenue dans le marché de la post-formation.
Sur le grill du marché
Le phénomène n’est pas nouveau et renvoie aux premiers départs précipités de jeunes talents comme le duo Sinama-Pongolle et Le Tallec vers Liverpool. Aujourd’hui, chaque grand club européen se doit d’avoir des yeux partout pour repérer le nouveau « talent du siècle » avant la concurrence. Quitte à rendre fou les formateurs, qui ne peuvent rien tenter d’autre qu’un bras de fer désespéré pour empêcher le transfert d’avoir lieu. Depuis des mois, Cuisance est ainsi en conflit avec son club et privé de compétition officielle parce qu’il refusait le contrat proposé par l’ASNL. Dans l’Est Républicain, Jean-Robert Faucher du Pôle Espoir d’Essey s’avoue désespéré et attristé de ces situations. « Pour nous, Fédération, comme pour l’ASNL, c’est une déception. On se sent trahi, on ne travaille pas pour que les jeunes partent si tôt à l’étranger… » La lutte est pourtant perdue d’avance. Cuisance préfère attendre d’être libre de partir comme il le souhaite – et ne rapporter que 200 000 euros de « dédommagement minimum de formation » – pour retrouver le terrain. Plutôt que les matchs, il prend le temps de réfléchir à sa destination. Finalement, ce sera donc l’Allemagne, toujours plus sexy auprès des jeunes français, plutôt que Manchester City ou la Juventus, autres clubs intéressés selon la rumeur publique.
Tomber à point nommé
Max Eberl n’a en fait pas traîné sur le dossier Cuisance et a vite mis un coup d’accélérateur au printemps pour conclure l’affaire avant tout le monde. Gladbach avait un remplaçant à trouver vite, de préférence jeune, pour compenser le départ programmé d’un autre super-talent qui a vu plus gros, plus loin : Mahmoud Dahoud, tombé dans les filets du BvB. Eberl a alors lorgné sur la France et ses équipes de jeunes. Une bonne idée : il a trouvé sa perle rare avec l’Alsacien, qui cumule 34 sélections déjà (en U16, U17 et U19) et possède un profil proche de celui de Dahoud, « capable de jouer à différents postes au milieu » , selon les mots d’Eberl. L’enjeu était surtout de soigner l’image du club, et bien montrer que les ambitions sont toujours présentes malgré cette saison ratée. Le principe est simple et vieux comme l’arrêt Bosman : cumuler les jeunes talents et parier sur l’explosion de certains pour assurer la bonne santé sportive et financière du club. L’entraîneur, Dieter Hecking, s’en satisfait volontiers et souligne une « signature pleine de bon sens » . Il précise même dans la presse allemande : « On le voit bien avec Dortmund. Avec Mor, Dembélé et Pulisic, le BvB a pris un chemin similaire. » Un chemin que Dortmund va donc poursuivre avec Dahoud, forçant les Fohlen de Gladbach à s’orienter vers des talents plus jeunes encore. Comme Cuisance. Pour lui, il s’agit maintenant de ne pas se cramer avant même d’avoir débuté.
Par Côme Tessier