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Loum Tchaouna : « Et là, j’entends des cris de singe »

Propos recueillis par Timothé Crépin

Le parcours de Loum Tchaouna (21 ans) pourrait en inspirer certains. Né au Tchad, arrivé en France à 6 ans, puis véritable crack de la formation rennaise, l’ailier n’a pas su percer avec "son" club. Pour un exil en Italie, qui lui réussit, avec une signature à la Lazio cet été. Et cette présence en équipe de France Espoirs (qui joue ce vendredi contre l’Italie). Pendant 40 minutes, il s’est confié sur ce chemin, cette force qui l’anime et son expérience récente face au racisme.

Loum Tchaouna : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Et là, j’entends des cris de singe<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Pour toi, que signifie cette convocation en équipe de France Espoirs ?

Ça faisait un moment que je n’avais pas été appelé. Je suis récompensé de ce que je fais à la Lazio. Je joue la Coupe d’Europe. Il y a de la continuité. J’ai franchi une étape. J’ai changé de club cet été. (De Salernitana à la Lazio contre 10 millions d’euros, NDLR.)

Quels sont les rêves de Loum aujourd’hui ?

Les rêves ? D’abord faire un bon championnat, finir le plus haut. Et pourquoi pas allez chez les A !

Tout a commencé au Tchad pour toi. On ose imaginer que ce lien est toujours indéfectible…

J’ai toujours ce lien. Mon grand frère joue en sélection nationale, donc je les suis de près. Avec mon père qui est aussi très proche. Ça me permet de toujours penser au pays.

Tu connais aussi l’immense Japhet N’Doram, ancienne icône du FC Nantes.

Il est très proche de mon père. Comme on dit chez nous, je le considère comme un tonton. Il nous a conseillés, mon grand frère et moi. Quand on vivait à Rennes, on allait le voir à Nantes. Il nous laissait plein de petits conseils. Il a pu nous aider. Une très bonne personne, qui a toujours été auprès de mon père. Au Tchad, c’est une légende. Pourquoi pas aussi espérer devenir une légende au pays !

On avait des champs à cinq kilomètres, où on pouvait prendre de quoi manger le soir. Avec le peu qu’on avait, on était heureux.

Quelles images de ton enfance te reviennent ?

C’est un peu flou. Je me souviens de quelques moments où ça pouvait être la galère, où il n’y avait pas forcément tout ce qu’on voulait pour manger. Mais on avait des champs à cinq kilomètres, où on pouvait prendre de quoi manger le soir. Avec le peu qu’on avait, on était heureux. On était à côté de la capitale (N’Djamena), au village. Je me souviens m’entraîner tout seul ou jouer avec les grands, mes cousins. Des moments spéciaux. Je jouais jusqu’à pas d’heure, jusqu’à ce qu’on vienne me chercher. Sinon, je rentrais sans forcément manger. J’allais rapidement me coucher pour me réveiller le lendemain et aller jouer encore. J’avais des rêves d’être en Europe, déjà, de pouvoir jouer dans un club avec une structure. Je n’en avais pas la possibilité là où j’étais. J’essayais de suivre un peu le foot. Ronaldinho me reste notamment dans la tête. Je regardais des vidéos de lui.

Il paraît que tu séchais l’école à 5 ans…

(Il sourit.) C’était la maternelle. Il y a des moments où je n’étais pas assidu, oui. J’aimais trop le ballon.

Toute la famille déménage en France, tu as 6 ans.

C’est de l’émotion, car on quittait la grande famille au Tchad. Mes parents venaient déjà de temps en temps en France, en Alsace. On s’est installés à Strasbourg. Je connais mon premier club, en poussins (le FC Kronenbourg, NDLR). Mon grand frère jouait trois catégories au-dessus de moi. Ils voyaient que j’avais des qualités, et de temps en temps, je faisais des matchs et des entraînements avec l’équipe de mon frère. J’habitais dans le quartier Hautepierre. On a déménagé dans un autre, à Koenigshoffen. Et c’est là qu’on faisait des tournois de quartiers, 8 contre 8. On était entre copains, on représentait, entre guillemets, un pays. Nous, je crois qu’on était la Slovénie ou la Slovaquie, je ne sais plus. Comme une Coupe du monde des quartiers. On avait gagné. À ce moment, il y avait des recruteurs de Strasbourg. Je n’étais pas au courant. Ils m’ont repéré.

 

Le RCSA se présente. Tu arrives dans ce club avec des structures que tu avais imaginé petit au Tchad…

Mon père connaissait bien le foot, il entraînait une équipe à côté de Strasbourg. Il savait que c’était un grand club et m’a tout de suite accompagné. J’étais milieu, puis je suis passé attaquant axial. J’étais capitaine, je marquais des buts… Ça a duré deux ans. Puis mon père a voulu changer d’environnement. Avec le football dans la tête. Il voyait quelque chose en nous. Rennes m’avait déjà vu lors de tournois. J’avais fait de belles choses contre eux. Ils savaient que je déménageais là-bas, donc j’y ai rapidement signé, en U12. Strasbourg a essayé de me retenir un peu. Mais mon père était persuadé que ça allait bien fonctionner pour nous à Rennes, notamment car il connaissait très bien la ville. Ça m’a donné espoir. Je savais qu’il y avait quelque chose à faire. J’ai été surclassé rapidement.

Y a-t-il un match tournant ?

En Coupe de Bretagne, avec Mathieu Le Scornet, entraîneur et directeur de la préformation, qui m’avait vu en tournoi en Alsace. J’étais U14. Je cartonnais, je marquais 3 ou 4 buts par match. Il me fait venir pour ce match important avec les U15, contre Saint-Grégoire. On gagne 4-0, il me semble. Je mets 4 buts. C’était beau. Il y a eu de la continuité après ça.

L’illustration de cette formation, avec ton insouciance et ta réussite, c’est peut-être ce geste (un coup du sombrero spectaculaire) que tu avais fait face à Guingamp, en U17.

Avec Kyllian Gasnier, mon coéquipier, la veille, on fait ce geste. Je lui dis : « Tu sais quoi, demain, je le fais en match ! » Le lendemain, on gagne 3-0. Il me donne le ballon, je le fais. L’action aurait pu mieux se terminer, mais c’est déjà un beau geste. De l’insouciance, avec du caractère.

Genesio a vu en moi un caractère fort, avec des qualités de percussion et de rapidité.

À l’image de ta formation, tout va aussi vite pour les pros ?

Le premier entraînement avec les pros m’a donné le goût de vouloir revenir encore et encore. Mais parfois, je ne revenais pas, et ça restait dans ma tête. Ensuite, c’est allé si vite. D’abord avec le coach (Julien) Stéphan, puis le coach Genesio. Je m’entraînais encore plus avec eux. Genesio a vu en moi un caractère fort, avec des qualités de percussion et de rapidité. Il a bien aimé. Ce qui revenait à mes oreilles, c’est qu’il fallait que je continue avec cette insouciance de vouloir faire mal sur les un-contre-un, pousser, centrer, chercher le cadre… Je dispute mon premier match un dimanche (septembre 2021, contre Bordeaux, alors qu’il vient de fêter ses 18 ans, NDLR). Le jeudi, on a un match contre le Vitesse Arnhem, et je joue 90 minutes ! Ce qui peut être fou pour quelqu’un qui a joué ses cinq premières minutes quelques jours plus tôt. Je fais une passe décisive et provoque un penalty… Un match un peu référence.

Tout ne va pas s’enchaîner comme tu veux à Rennes. Tu es envoyé en prêt à Dijon, en Ligue 2, l’été suivant.

Dans le but de grandir, de voir un autre environnement. Plusieurs personnes peuvent dire que ça ne s’est pas passé comme je voulais, car je ne marque pas assez ou je ne suis pas assez décisif pour un offensif (28 matchs, 19 titularisations, 1 but). Mais j’ai pu gagner beaucoup en maturité et en temps de jeu sur la fin.

Mais ça ne convainc pas Rennes de te faire confiance. Tu es même écarté du dernier stage de préparation.

Oui, exactement. Une mise à l’écart que je n’ai pas forcément comprise. Et je n’ai pas eu de réponse rapidement. Je me suis concentré sur mon travail avec mon entraîneur personnel. On a bossé. Je suis revenu au club avec enthousiasme, comme si de rien n’était. Mais je savais vers où j’allais me diriger.

Finalement, en tout, tu ne joues que 14 matchs avec ton club formateur : comment expliques-tu que tu ne sois pas parvenu à t’imposer ?

Je me pose toujours la question… Il y a eu certains bons matchs comme contre le PSG, Lyon… J’aurais pu avoir ma chance. Les supporters le réclamaient… Mais c’est un mal pour un bien. C’est une petite déception.

 

Aujourd’hui, tu es capable de jouer avec les deux pieds, un peu à la manière d’un nom de la formation rennaise : Ousmane Dembélé.

C’est un peu une référence. Il est passé par Rennes. Son parcours est beau. Cela n’a pas été facile, il a dû attendre pour jouer en pro malgré son talent. Pareil pour moi, à peu près. Je suis un dribbleur, quand même, comme lui. C’est ce que j’aime.

Au regard de ton parcours, quel conseil donnerais-tu à un jeune joueur qui rêve comme le jeune Loum à l’époque ?

De ne jamais se laisser rabaisser. De toujours penser positif. Et toujours travailler, travailler si on veut être fort mentalement et physiquement. Pour pouvoir mieux appréhender les situations qui viennent à nous.

Aujourd’hui, tu dirais que tu es armé pour l’avenir ?

J’ai une sagesse intérieure. J’ai une force de caractère. Ça vient des épreuves, notamment familiales. Tout n’a pas été rose. Il fallait travailler dur pour subvenir à nos besoins. Et aussi par rapport à mon parcours. Ça vient aussi du fort caractère de mon père.

Des footballeurs ont essayé de porter ce combat contre le racisme. S’il y a une unité, si beaucoup de joueurs tapent un peu plus du poing sur la table, je pense qu’on peut gagner quelque chose.

Un caractère qui a été mis à l’épreuve dernièrement à Twente, où tu as subi des insultes racistes en Ligue Europa.

On marque le deuxième but (victoire 2-0, NDLR). Je suis dans l’euphorie du but, donc je félicite mon partenaire. Et là, j’entends les cris de singes. Je ne comprends pas. Je me retourne. Je vois des personnes qui me font des doigts d’honneur, etc. L’arbitre est très proche de moi. Je vais le voir. Je lui demande : « Vous avez entendu ? » Il me dit : « Oui, mais on y va. » J’ai dit : « Comment ça, on y va ? Le ballon est sorti, vous avez entendu, et vous ne faites rien ? » Je me suis dit que ce n’est pas possible. Donc je commence à me chauffer. Je parle avec un peu plus de ton et je pose encore la question : « Vous avez entendu et vous ne voulez rien faire ? » Les coéquipiers me disent de me calmer, mais ils ne comprennent pas, car ils n’ont pas entendu les cris racistes. Que l’arbitre ne dise rien…

Ça t’a marqué, et ça te marque encore…

Oui. Il aurait pu intervenir, parler au quatrième arbitre, au délégué du match, et faire quelque chose… Il a préféré rester comme ça…

Et derrière, ton entraîneur décide de te sortir.

Oui, parce que ça me restait en travers de la gorge.

Est-ce la première fois que cela t’arrive ?

Oui. Il n’y a pas de place pour le racisme dans le football. Ceux qui font ça, ils leur manquent une case dans leur tête… Des footballeurs ont essayé de porter ce combat. S’il y a une unité, si beaucoup de joueurs tapent un peu plus du poing sur la table, je pense qu’on peut gagner quelque chose. Mais les sanctions sont aussi beaucoup trop légères par rapport à ce qu’il se passe. Cela doit être sévèrement puni.

La FIFA doit se bouger…

Oui, cela doit vraiment bouger.

Footox épisode 21 : les vrais héros ne portent pas de capes !

Propos recueillis par Timothé Crépin

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