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Lotito, le parrain
Le président de la Lazio est le nouvel homme fort du football italien. Il a pratiquement toutes les institutions à sa botte, et les conflits d'intérêt ne manquent pas.
« On ne dérangera plus personne, mais vous verrez les bandits qui arriveront après nous » , déclara Antonio Giraudo lorsque l’affaire Calciopoli éclata en 2006. L’ancien dirigeant de la Juventus avait vu juste, même si les termes ne sont pas forcément les plus appropriés. Il y a bientôt dix ans, le football italien aurait dû être nettoyé de ses luttes internes de pouvoir et de ses trafics d’influence, seuls les plus naïfs y ont cru. À vrai dire, la situation a probablement empiré avec un seul et même homme capable de prendre la tête des différentes institutions du football italien. Pas de cheveux gominés et peignés à l’arrière, ni de petite moustache bien taillée, mais un petit Romain bedonnant et très bavard. À première vue, personne n’en ferait le marionnettiste du Calcio, au contraire, puisqu’il est souvent tourné en dérision. Mais cela fait belle lurette que le président de la Lazio ne se limite plus à gérer son club. « Baciamo le mani » à Don Claudio.
Le parrain 1 et 2
« Je l’avais dit que conférer trop de pouvoir à une seule et même personne était dangereux. Le scénario est inquiétant, il n’y a pas de respect, on se croirait au Moyen-Âge, au temps du féodalisme » , a analysé Marotta avant le match contre Cesena. L’administrateur délégué de la Juventus est un des seuls à élever la voix contre l’omnipotence et l’hyperactivité de son collègue, aussi parce que son club est dans l’opposition politiquement parlant, le seul avec la Roma, soit les actuelles locomotives du football italien, ce qui n’est pas un hasard. 2 contre 18 (ou 3 contre 17 selon l’humeur de la Fiorentina) au sein d’une ligue commandée par Maurizio Beretta, « qui compte pour du beurre » selon Lotito dans la désormais célèbre conversation enregistrée par un dirigeant adverse afin de démontrer l’étendue de son pouvoir. Beretta, un pantin réélu et dirigé par Adriano Galliani et Claudio Lotito, c’était il y a deux ans. Deuxième étape, l’été dernier, un autre pantin, Carlo Tavecchio, mis à la tête de la Fédération par Lotito et sa bande, ce dernier s’octroyant ainsi un poste de conseiller fédéral délégué aux réformes. La Lega et la Figc, l’assemblée et le Sénat, il ne manque plus que le CIO italien, voire le ministère des Sports pour compléter le grand chelem. Qui sait.
Le parrain 3
Cela ne s’arrête pas là, deux crans en dessous, la Lega Pro, soit la Ligue de la troisième division italienne. C’est oublier que Lotito est également actionnaire majoritaire de la Salernitana, autre situation qui pourrait devenir conflictuelle si le club se retrouve rapidement dans la même division que la Lazio. Grâce à ce poste, il dirige un autre pantin, Mario Macalli, 77 ans, président de cette Ligue et que Don Claudio a réussi à maintenir lundi dernier en convaincant un nombre suffisant de collègues. Seule la Serie B lui échappe, cette division d’où il ne voudrait pas voir arriver en Serie A les petits clubs de Carpi et Frosinone : « Personne ne les connaît, qui va acheter les droits TV ? » Lotito préférerait peut-être Bari, sauvé de la faillite il y a un an et dont on ne connaît pas encore le nouveau propriétaire, peut-être parce que les rumeurs disent qu’il est justement dans le coup… Même l’équipe d’Italie n’y échappe pas, une photo de lui endossant un manteau de la Nazionale a fait le tour de l’Italie l’été dernier. À chaque rencontre de la Squadra Azzurra, Conte doit supporter sa présence encombrante en coulisses.
La Lazio en tire-t-elle profit ?
Lotito est partout, la presse italienne s’indigne, ainsi que de nombreux passionnés. Les conflits d’intérêts sont évidents. Et les avantages personnels ? Le Romain se défend justement sur ce point « Qu’avons-nous obtenu, la Lazio et moi, grâce à cette situation ? » La culture de suspicion à l’italienne pointe du doigt le capitaine Stefano Mauri, son implication dans le Calcioscommesse et son probable renvoi en jugement pour association de malfaiteurs par la justice ordinaire d’ici quelques mois. D’aucuns se demandent comment peut-il fouler les pelouses, même si la justice sportive lui avait infligé une suspension de quelques mois en son temps. Toutefois, c’est bien là le seul truc louche. Les résultats de la Lazio ne souffrent aucune contestation, pas d’avantages ni de polémiques arbitrales en sa faveur. Au contraire, un penalty sifflé et lors de la première journée, le second le week-end dernier, soit 22 matchs d’abstinence. L’association des arbitres est même ouvertement en opposition avec la politique de Lotito. Pouvoir ne rime pas forcément avec titres, un raccourci trop simpliste. Enfin, son implantation ramifiée dans le monde du football pourrait être écornée par le président de la fédé, pourtant élu grâce à lui, prêt à le démettre de sa fonction de « ministre des réformes » . Trahi par son meilleur ami, comme dans les plus grandes sagas…
Par Valentin Pauluzzi