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Lothar, Liza, combat de loups

Par Charles Alf Lafon
Lothar, Liza, combat de loups

En fin de carrière au Bayern, Matthäus se maintient à la tête de la meute grâce à sa grande gueule. Personne n'ose l'affronter. Sauf Bixente Lizarazu.

Nous sommes le vendredi 26 août 1999, à Munich, Säbener Strasse, le centre d’entraînement du Bayern. Le Rekordmeister est en délicatesse. Malgré l’été, le dénouement tragique de la finale de Ligue des champions contre Manchester United résonne encore dans toutes les têtes. Les résultats en Bundesliga s’en ressentent (une défaite et un nul lors des deux premières journées). Pour oublier, Ottmar Hitzfeld a lancé une opération rajeunissement, se séparant de plusieurs trentenaires (Helmer, Basler, Daei) pour prendre notamment Roque Santa Cruz, jeune minot paraguayen de 17 ans dont Lothar Matthäus dit de lui : « Je connais un peu le football – et je peux vous dire, dans quelques années, il sera injouable. » Parce qu’au milieu de Kahn, Tarnat, Linke, Kuffour, Salihamidžić, Scholl, Fink, Élber et Zancker, il y a évidemment Lothar, 38 ans bien tassés et un statut de leader de la meute. Parce que si, dans les faits, Stefan Effenberg est le capitaine, il n’a pas le rayonnement d’un champion du monde et d’Europe. Et puis il y a Bixente Lizarazu, au club depuis deux ans.

Pan dans ta gueule

Un véritable panier de crabes. Ou plutôt, un repaire de loups, si l’on en croit le dernier cité. « C’était un Bayern de guerriers. À l’entraînement, les veilles de match, quand il y avait les titulaires contre les remplaçants, ça envoyait, plus que le lendemain. Il y avait du caractère, on n’en manquait pas. Il en faut. Si t’as que des moutons, c’est pas bon. T’avais des loups. Beaucoup de loups. Entre eux, de temps en temps, ils se cherchent, c’est normal. Quand t’es dans une meute de loups, il faut parfois marquer ton territoire. » Cette séance en sera l’occasion. Le prochain adversaire, le promu Unterhaching, n’est pas particulièrement menaçant, mais l’intensité déborde. Et puis l’altercation : Lizarazu et Matthäus commencent par s’insulter copieusement. Sans vraiment se comprendre. En viennent aux mains. Le Français pousse l’Allemand, qui lui met une baffe au passage. Bixente réplique, chope Lothar à la gorge et lui met une petite patate, mi-gifle mi-poing. Du gauche, évidemment. Matthäus est déséquilibré, tombe presque, puis les deux joueurs sont séparés. « J’avais pas besoin de savoir ce qu’il disait, se rappelle Liza. J’ai juste laissé mes propres tripes. Quand on me met la main à la gorge, j’attends pas, je réagis. J’ai juste remis les choses à leur place. Il fallait qu’il me fasse chier et puis je lui ai dit qu’il fallait pas qu’il me fasse chier. »

Si la séance est fermée au public, Bild, qui a des yeux partout, sort vite l’affaire. Uli Hoeneß, alors un homme au-dessus de tout soupçon, tente de minimiser l’histoire : « Vous faites comme si c’était une bombe nucléaire » . Lothar joue lui la carte de l’alcool : « Votre informateur a apparemment bu une bière de trop. Ce que j’ai fait, ce n’est pas une claque ! » Si Lizarazu écope d’une amende de 10 000 DM, il voit aujourd’hui le bon côté des choses. « J’ai vu la grandeur du club là-dessus. Uli avait pris la parole, pour dire que ce sont des choses qui arrivent. Un à un la balle au centre. Un discours pour ne pas laisser de prise à la polémique. Ça a duré une semaine, et on est passé à autre chose, vraiment. En Allemagne, tu ne tournes pas en boucle. T’as des problèmes, tu les règles et tu passes à autre chose. Après, tu avances. On a bu une bière avec Lothar et c’était réglé. Maintenant, quand je le vois, on en rigole. »

Le dernier des loups

Pourtant, cet épisode sonne peut-être le glas de la carrière munichoise de Matthäus, voire de sa carrière tout court. Ses pas n’ont plus la portée de sa gueule, le pelage grisonnant. Maintenu à la tête de la meute grâce à son arrogance, il vient de perdre son statut de mâle dominant, son importance devenue relative exposée au grand jour. Lors du dernier match du Français, un journaliste demanda à Mehmet Scholl quel souvenir de lui l’aura le plus marqué. Ce à quoi Mehmet répondit : « Le jour où il osa mettre une claque à Lothar Matthäus » . Si on ose ainsi défier Matthäus, autant l’abattre. Ses apparitions se font sporadiques. Le Bayern, qui l’avait retenu lorsque les New York MetroStars s’étaient manifestés l’année précédente, ne voit pas cette fois d’objection à son départ vers la MLS. Elu footballeur allemand de l’année 1999, il dispute son dernier match sous le maillot bavarois le 8 mars 2000, en Ligue des champions contre le Real Madrid. Sa carrière américaine sera un pis-aller, faite de blessures et de rééducations à Saint-Tropez. N’est pas le Kaiser qui veut.

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