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LOSC : ces Dogues qui ne mordent plus
Ce n'est plus un loisir, mais du voyeurisme malsain, quand ce n'est pas du masochisme. Depuis un peu plus d'un an, regarder un match du LOSC, c'est accepter de souffrir et de somnoler devant une équipe qui a pourtant envoyé du jeu il y a peu. Le Lille de René Girard, c'est la preuve que plaisir et résultats sont deux notions différentes dans le monde du football. C'est aussi la preuve que la scène européenne est plus exigeante que la Ligue 1. Car ce soir, à Porto, regarder l'adversaire et prier ne suffira pas.
C’est écrit noir sur blanc et, n’en déplaise aux esthètes, si ce n’est pas « la » vérité, c’est une vérité : après 270 minutes de Ligue 1 2014-2015, Lille est troisième, fait partie des quatre équipes toujours invaincues et est la seule écurie à ne pas avoir encaissé le moindre but. Tout ça grâce à une victoire ce week-end face à Lorient (2-0), à une arnaque arbitrale à Caen (0-1) et un match nul et vierge à domicile face à un autre promu, le FC Metz. C’est là tout le paradoxe lillois depuis la prise de pouvoir de René Girard. Des résultats satisfaisants, à savoir une solide troisième place derrière le Paris Saint-Germain et Monaco la saison passée. Mais une ode permanente au Winning Ugly cher au tennisman Brad Gilbert, auteur d’un bouquin expliquant comment remporter un match sans forcément avoir le jeu pour battre son adversaire. Le livre de chevet d’un LOSC coupé en deux, qui connaît une période de transition sportive réussie sur le fond, mais pas sur la forme. Car au moment de regarder dans le rétroviseur, Lille a plutôt bien digéré son titre de champion en 2010-2011. Deux troisièmes places et une sixième place en trois ans, malgré une vague de départ et un passage de témoin à risques entre Rudi Garcia et René Girard. C’est lorsque l’on s’attarde à la forme que le bât blesse. Affirmer à quelqu’un qui ne suit le football que depuis deux ans que le LOSC, c’était l’assurance d’une partie flamboyante, c’est passer pour un âne.
Passion « non-match »
Giacomo Leopardi a beau être l’un des patrons de la philosophie et de la poésie italienne du XIXe siècle, ses théories et ses essais auraient peut-être été différents s’il avait connu le LOSC de Girard. Pour le précurseur de l’existentialisme, « l’ennui est, en quelque sorte, le plus sublime des sentiments humains » . De là-haut, ce mercredi 20 août, le natif de Recanati a dû remercier les dirigeants du LOSC d’avoir fermé le toit du stade Pierre-Mauroy. Grâce aux nuages menaçants, il n’a pas eu l’occasion d’assister au barrage aller de la Ligue des champions entre Lille et Porto, une rencontre qui lui aurait donné l’occasion de théoriser à nouveau sur l’ennui. Évidemment, l’adversaire n’est pas le premier venu, encore moins un promu comme Lille en a croisé deux en trois rencontres depuis le début du championnat. Mais se montrer aussi peu ambitieux à domicile, lors d’un match aussi important, c’est confondre désirs de solidité et volonté de ne pas se montrer menaçant. Ce soir-là, Porto n’a même pas été bon. Les Portugais se sont contentés d’être techniquement supérieurs pour ne pas être inquiétés et, en dépit de la très bonne organisation lilloise, cela a suffi pour repartir avec la victoire. Cher à René Girard, le milieu de terrain Gueye – Balmont – Mavuba est un modèle du genre lorsqu’il s’agit de harceler l’adversaire, de gratter des ballons et, éventuellement, de ressortir la balle dans des petits espaces. Mais dès qu’il s’agit de création, c’est la copie blanche. Le trou n’est pas béant entre ces trois-là et les trois « offensifs » , en l’occurrence Origi, Kalou et Corchia (oui, Corchia est peut-être l’élément le plus menaçant du LOSC). Mais les relations techniques inexistantes entre les joueurs et les trop rares combinaisons débouchent souvent sur du « démerde-toi, Divock, on va voir » . À deux reprises, le Belge s’en est sorti. Par deux fois, Corchia a loupé la balle de but. Rideau.
L’ancienne équipe frisson
Certes, le board du LOSC a budgétisé autour d’une qualification en Europa League, qui rapporte 8 millions d’euros, et pas autour d’une aventure en C1, qui en rapporte 25 millions. Mais cette absence de pression financière ne doit en rien être la raison d’une absence d’ambitions en matière de jeu. D’ailleurs, elle ne l’est pas puisque le néant est le même en Ligue 1. « Je pensais qu’en étant plus denses, on serait plus justes. Mais collectivement, on n’a pas été bons. Il faut savoir faire son autocritique et revenir à des choses plus simples. Là, on patauge et on s’emmerde » , admettait René Girard après le succès à l’arraché contre Caen. Alors faute avouée est-elle à moitié pardonnée ? Au vu de l’implication de Salomon Kalou, principal fer de lance de l’attaque lilloise, on aurait presque envie de dire oui. Surtout que Girard ne reste pas figé. Lors de sa première sortie de la saison, il avait délaissé son 4-3-3 pour un 4-4-2 en losange, avec Martin en dix derrière deux attaquants. Mais force est de constater que même si en Ligue 1, les résultats sont là, l’ennui est devenu une constante lors des rencontres de Lille. Au vrai, s’il y avait un DNCG du panache, Lille serait certainement le Luzenac de la Ligue 1. Un coup dur quand on sait que comme les Ariégeois, le LOSC a gagné « sportivement » l’étiquette d’équipe que l’on aime voir. C’était il y a trois ans, soit presque hier. Hazard, Gervinho, Sow, Cabaye, Debuchy ou encore Obraniak faisaient groover la Ligue 1. Une époque où le LOSC terminait troisième de Ligue 1 avec la deuxième meilleure attaque et, déjà, la troisième meilleure défense. La saison passée, Lille était la deuxième meilleure défense, mais la dixième meilleure attaque. Oui, c’est écrit noir sur blanc : le LOSC est devenu chiant.
Par Swann Borsellino