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Lorik Cana, annus horribilis
Il devait aider Nantes grâce à son expérience, et monter en puissance pour arriver dans la forme de sa vie à l'Euro. Mission avortée pour Lorik Cana, qui quitte les Canaris après une saison ratée, et qui aura vu les pelouses de l'Euro moins de cinquante minutes en trois matchs.
Le tweet du FC Nantes est plus que sobre, il est presque expéditif. Une simple ligne, « Lorik Cana quitte le FC Nantes. Merci pour tout et bonne continuation » , une photo du joueur même pas en maillot mais en costume, et un lien vers le communiqué officiel du club. Un texte à peine plus engageant : sept petites lignes, conclues par un « L’ensemble du FC Nantes le remercie et lui souhaite une pleine réussite dans ses nouveaux projets » . Les adieux entre les Canaris et Lorik Cana ont donc eu lieu jeudi dernier sans étreinte, et sans émotion. Il faut dire que l’Albanais, en une seule saison passée à la Beaujoire, n’y aura pas laissé un souvenir impérissable. Arrivé à la toute fin du mercato estival 2015 après de longues négociations, Cana est alors l’un des gros coups médiatiques de Waldemar Kita. Il a trente et un ans, arrive de la Lazio, et alors que l’OM s’activait pour le faire revenir, Kita – qui connaît Cana depuis la fin des années 90, quand l’Albanais suivait sa formation au FC Lausanne-Sport, et que lui possédait le club – avait raflé la mise. Que les attaquants de Ligue 1 tremblent. La potentielle doublette Cana/Vizcarrondo sent très fort le coup d’épaule et le tampon, et en lui octroyant l’un des trois plus gros salaires du club, Kita montre clairement qu’il fait confiance à son nouvel homme. Le souci, c’est qu’au-delà de l’enthousiasme et de l’emballement des dirigeants nantais, Lorik Cana arrive avec son propre plan en tête : pour lui, retrouver la Ligue 1 signifie surtout s’offrir une saison de préparation pour la compétition de sa vie, l’Euro, qu’il s’apprête à disputer avec l’Albanie en tant que capitaine.
Le sénateur
Cana n’a pas mis bien longtemps avant d’être grillé. En délicatesse avec son genou et obsédé par l’Euro, il ne se cachait même plus dès la mi-saison : « Je ne peux pas participer à tous les matchs ici, mais je ne peux pas non plus arriver à l’Euro en ayant deux matchs dans les jambes. À Nantes, je suis dans l’endroit parfait pour trouver le bon dosage » , balance-t-il en janvier. Face à Lorient, il refuse même de jouer à cause de la pelouse synthétique du stade du Moustoir. Une nouvelle fois, il sort une excuse de petit vieux : « L’année dernière, en Italie, j’ai dû jouer sur synthétique. J’ai mis un mois à revenir. » Les propos font scandale. Son triste niveau de jeu était déjà une source d’agacement pour les fans du FCN, et son absence assumée d’ambition et d’investissement ne passe pas. La folie du type qui célébrait rageusement son but avec l’OM face à Paris juste après avoir quitté le club de la capitale est décidément bien loin. Dans les travées de la Beaujoire, on commence à le surnommer « Lorik Sénat » , et il doit se rattraper dès le mois de février en montrant qu’il a le nez dans le guidon. Nantes est alors sur la plus belle série de sa saison, et après un match réussi face à Bordeaux, il s’enflamme : « Le terme « ménager » ne se marie pas très bien avec ma manière d’être. » Mais Cana a beau tout tenter pour faire bonne figure, à la fin de la saison, le bilan est pâle. Il n’a joué que 21 matchs avec Nantes, et est fautif sur près d’un quart des buts encaissés par les Jaune et Vert en Ligue 1.
La crise de l’Euro
Se démobiliser au fur et à mesure que l’Euro arrive, c’est bien beau, mais encore s’agit-il de réussir son tournoi. Celui de Cana aura duré 49 minutes. Sans doute tout excité par le premier match de l’histoire de l’Albanie en compétition internationale, en vingt minutes face à la Suisse, Cana met une première semelle sur un genou. Carton jaune, puis rouge un quart d’heure plus tard pour une main horrible en tentant de rattraper une glissade impardonnable. Après le match, il assume totalement son erreur : « J’étais un peu court et comme j’étais en dehors de la surface, j’ai décidé de jouer le ballon à la main, car je ne voulais pas que le Suisse soit seul face au gardien. » Adieu le match face à la France à Marseille, et donc les retrouvailles avec le Vélodrome. Et dire qu’avant l’Euro, Cana avait déclaré, la larme à l’œil : « C’est particulier pour moi de disputer une compétition dans mon second pays, en plus contre la France et à Marseille. C’est un peu mon stade et c’est un beau clin d’œil du destin. » Son coach ne le titularise même pas pour le dernier match face à la Roumanie, se contentant de lui offrir une standing ovation en le faisant entrer à la 83e. Dans la foulée, Cana annonce sa retraite internationale. Pas question de se concentrer sur sa dernière année de contrat avec Nantes pour autant. Le 27 juillet, le club lui souhaite un bon anniversaire sur les réseaux sociaux, mais il est absent lors de la reprise et, début août, Kita annonce, formel : « Il ne reviendra pas. » Après avoir plus ou moins passé son été à poster des photos de lui en vacances sur son Instagram, Cana est à la recherche d’un dernier défi. Il ne lui reste que deux jours, l’Albanais va donc devoir courir. Du moins, s’il en est encore capable.
Par Alexandre Doskov