- Ligue 1
- 1re journée
- Monaco/Lorient (1-2)
Lorient réussit son braquage
Vaillants en défense, explosifs en contre, les Merlus repartent avec les trois points du Rocher. Après la rapide ouverture du score d'Aboubakar, Monaco a cru faire le plus dur en égalisant par Falcao à dix minutes du terme. C'était sans compter sur Lavigne, entrée en jeu, qui est allé cueillir Subašić en toute fin de match.
« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé. » Lorsqu’il écrit vers 1820 son poème L’isolement dont est tiré ce vers, Alphonse de Lamartine pense très probablement à son amante Julie Charles. Près de deux siècles plus tard, la personne provoquant tant d’émoi et de désespoir se nomme James Rodríguez, parti chercher la lumière qu’il mérite au Real après une Coupe du monde de haute volée, couronnée d’un Soulier d’or. Parce que sur le Rocher, nul doute qu’on regrette amèrement le jeune Colombien. Incapable de construire quoi que ce soit, avec un Moutinho invisible en 10, Monaco était privé d’envie, d’idée, d’émotion. Pire, Carvalho a tout compliqué en se faisant expulser. Jardim a eu beau empiler les attaquants au fur et à mesure des minutes, finissant avec Berbatov, Germain, Falcao et Martial sur le terrain, il n’a pas trouvé la solution au filet des Merlus. En revanche, Sylvain Ripoll, avec sa tête de joueur de pétanque habitué au pastis et son honnêteté rafraîchissante, réussit le début de l’après-Gourcuff. S’il doit aussi remercier pour cela son gardien, déterminant, son coaching s’est révélé gagnant avec l’entrée de Lavigne.
Un gouffre béant au milieu
Évidemment, dès le début du match, les Monégasques mettent le pied sur le ballon. Mais privés de leur maître à jouer colombien, ils ne parviennent pas à construire quoi que ce soit. Les passes sont soit latérales, soit en retrait. Quelquefois longues à destination de Berbatov, pas vraiment le joueur le plus adepte du combat. L’espace entre la paire Kondogbia/Bakayoko (préféré à Toulalan) et Moutinho semble un gouffre. Lorient n’est jamais mis en danger, et procède en contre. Et comme la charnière Abdennour/Carvalho n’est pas la plus rapide du monde et que Dirar est aligné au poste inhabituel de latéral droit, les offensives des Merlus sont dangereuses. Dès la 8e minute, Aboubakar part à la limite du hors-jeu, entre dans la surface, crochète de l’extérieur du droit Abdennour, qui lui prend le pied d’appui. Le pénalty est incontestable, et le Camerounais se fait justice tout seul avec beaucoup de sang-froid.
Incapable de passer dans l’axe, l’ASM tente les côtés, notamment avec ses latéraux. Leurs centres ne trouvent pourtant que Lamine Koné, impérial. Et quand Berbatov est touché, Lecomte fait le nécessaire pour justifier son titre. Monaco a la technique, Lorient les jambes, le cœur et les poumons. Bien conscient des limites de son équipe, Jardim sort le jeune Bakayoko, beaucoup trop timoré, pour Germain dès la demi-heure de jeu. Ripoll fait lui aussi un changement dans la foulée, en remplaçant Pelé par Sunu, mais c’est à cause d’une blessure, pas un aveu de faiblesse tactique. S’il y a bien une mésentente sur corner entre Lecomte et Wachter, le ballon finissant sur le poteau, globalement, Lorient domine son sujet. Et retourne au vestiaire avec un avantage mérité.
Lecomte impérial
En deuxième période, on prend les mêmes et on recommence. Avec presque un copié-collé de l’action tête de Berbatov au deuxième poteau, arrêt de Lecomte. Un gardien décisif par deux fois en deux actions, à chaque fois face à Yannick Ferreira-Carrasco. Audard peut tranquillement se satisfaire de son nouveau rôle de numéro 3, son successeur est plus qu’au niveau. Avec un style presque allemand, tout en ballons boxés ou déviés. Quoi qu’il en soit, Monaco a clairement pris l’ascendant, et multiplie les offensives, Lorient se contentant de défendre vaillamment. Contrairement aux quarante-cinq premières minutes, Kondogbia s’est enfin décidé à faire étalage de sa verticalité, et tout semble plus simple. Surtout, il y a le retour sur une pelouse de Ligue 1 du Tigre. Une entrée qui a l’immense mérite de réveiller le public de Louis-II. Néanmoins, en pleine domination, Carvalho trouve le moyen de se faire expulser pour un deuxième jaune sur un nouveau contre lorientais.
Et puis, comme dans un bug de la matrice, l’action Berbatov-Lecomte se reproduit une troisième fois. Le portier s’impose encore, par la grâce d’un réflexe presque félin. Plutôt têtu, Jardim continue d’empiler les attaquants, et ajoute Martial à Berbatov, Germain et Falcao. L’arbitre décide alors d’être encore un peu plus prévalent dans cette rencontre en sifflant un pénalty pas vraiment évident en faveur de Monaco. Le Tigre se charge de la sentence sans faiblir malgré la bonne envolée de Lecomte. Galvanisé par cette égalisation, Monaco pousse. Sans succès. Mais alors qu’on se rapproche doucement du partage des points, la passe d’Abdennour au milieu ne trouve qu’Abdullah. Un relais avec Coutadeur plus tard, Lavigne est mis sur orbite. Le natif de Lorient court et, pour son premier match en L1, ajuste Subašić. C’en est trop pour le Prince Albert II, surpris en train de quitter sa loge furieux avant même le coup de sifflet final. Jardim va devoir revoir sa copie, et vite. Paris a déjà un point d’avance.
Par Charles Alf Lafon