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Lord Esperanza : « David Beckham est mon GOAT »

Propos recueillis par Alexandre Lazar, à Paris
Lord Esperanza.
Lord Esperanza.

Après trois ans loin de la scène et de tout projecteur, le rappeur et parolier Lord Esperanza revient en force avec un second album, poétiquement intitulé Phoenix. Entretien galactique avec un enfant des Lilas, inconditionnel de David Beckham et des cols relevés, qui se livre corps et âme à la foule et donne des surnoms originaux à des détenus.

Tu sors de 3 ans de césure musicale. Dans le jargon foot, est-ce qu’on peut parler d’un come-back te concernant, ou plutôt d’un transfert qui vise à te relancer ? 

Pour le côté émotionnel, j’ai envie de comparer ce retour au transfert de David Beckham à Paris, parce que c’est un rêve qui s’est réalisé que de le voir jouer sous les couleurs de ma ville. Je suis un immense fan de « Becks », quand j’étais petit je voulais même qu’on me renomme David à l’état civil. Manchester United, le but de 50 mètres, les Galactiques… avec son élégance dans le jeu, sa façon de se pencher à 90 degrés sur coup franc, et pour tout ce qu’il représente au-delà du foot, son couple iconique, c’est mon GOAT. Le mec est juste hyperfrais.

Si je te dis : « Quand les mouettes suivent un chalutier, c’est qu’elles pensent qu’on va leur jeter des sardines  », ça t’évoque quoi ?

Éric Cantona, évidemment ! (Rires.) Le col relevé, l’insolence, la carrière légendaire, sa sortie devant la presse après le tacle à la gorge sur un supporter. Il ne courait même pas parfois, il marchait, et pourtant il arrivait à mettre des lobs de 30 mètres. C’est une vraie inspiration pour moi. J’ai refait une punchline sur lui récemment d’ailleurs, quand je parle de me recoiffer dans mon disque d’or ! (Rires.) 

Cantona, c’est un rappeur dans l’attitude, il est dans le challenge, le théâtre.

Tu lui as d’ailleurs dédié, à lui et à sa « légitimité incontestable », le titre d’un morceau, en 2017. Pourquoi lui plus qu’un autre ?

La légitimité incontestable, c’est venu de la rime « quitter le stade » juste après, parce que c’est un des joueurs français qui a le mieux réussi en Angleterre. Pour moi, avec Zidane, c’est un des tricolores les plus emblématiques, et pourtant je suis un 96, il n’est même pas de ma génération. C’est un rappeur dans l’attitude, il est dans le challenge, le théâtre, d’ailleurs après sa carrière, il est devenu acteur. À part Zlatan, il n’y a pas 1000 mecs qui ont cette dimension-là, et qui en plus sont naturels quand ils chambrent. Son col relevé pour célébrer, c’est beaucoup mieux que de faire une glissade sur les genoux près du poteau de corner. Aujourd’hui, j’aimerais bien que les gens qui viennent me voir en concert se disent la même chose que ceux qui vont voir Cantona sur scène. J’essaie de leur proposer un moment unique et généreux.

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Tu fais aussi référence à Claude Makélélé, Marcelo, Benjamin Pavard, Toni Kroos ou encore Daniel Van Buyten. D’une manière générale, tu préfères les joueurs plus défensifs ?

Mon poste au foot, c’est latéral droit, donc inconsciemment… (Rires.) J’aime bien monter, déborder, c’est pour ça. Mais, paradoxalement, je préfère les attaquants et les milieux offensifs, parce que c’est eux qui fournissent le spectacle.

Quels sont tes tout premiers souvenirs foot ?

C’est très divers, entre Luyindula et Pauleta, j’étais déjà fan du PSG. Mais avant le Qatar, parce que je viens de Paris Nord. Un de mes premiers maillots, c’était celui du Milan, époque Bwin. Shevchenko, Kaká, Cafu, Dida, puis Ronaldinho, Pato… À l’intérieur du col, il y avait la broderie « Rossoneri  » et il fallait le relever pour qu’elle soit visible. Avec le temps, j’ai commencé à apprécier le maillot blanc immaculé du Real Madrid aussi. Son côté iconique, l’assurance qu’il dégage et la force mentale qu’il renferme. On se sent Galactique. Et puis le trio Zidane-Beckham-Raúl, avec R9 aussi, c’était vraiment extraordinaire. Le foot, c’est très incluant, donc ça me parle, rien à voir avec la musique classique sur France Inter par exemple. C’est une religion, un dialogue intergénérationnel et interculturel. Par exemple, je donne des cours d’écriture en prison, et il y a un des détenus qui ressemble à Camavinga. Je l’appelle Eduardo, et on en rigole ensemble. Une simple vanne avec une référence permet de socialiser avec n’importe qui. On ne vient pas du tout du même milieu, on ne parle pas la même langue, mais on se comprend.

Dans tes morceaux, il y a moins de références foot que chez d’autres rappeurs. Disons que chez certains c’est automatique, chez toi c’est plus condensé. Quel est ton rapport avec le supportérisme ?

Je suis très chauvin, très fier de l’équipe de France, je suis tous les matchs et je suis hyperinvesti. Le PSG en Ligue 1, c’est plus les résumés de 10 minutes. Je suis plus assidu en Ligue des champions, aussi parce que le niveau de la L1 est moindre par rapport à la Premier League par exemple. Sans parler de la culture foot en Angleterre, qui m’a toujours fasciné. 

Si t’avais plus de temps pour aller au stade, on te verrait plutôt en loge VIP ou en Virage Auteuil ?

Je serais dans la foule plutôt qu’en VIP. On a grandi dans un monde où, en tant qu’homme, montrer ses émotions c’est être vulnérable, c’est mal vu. Un stade de foot, c’est le seul endroit où les hommes s’autorisent à vivre pleinement leurs émotions, à faire un câlin à quelqu’un qu’ils ne connaissent pas, dans l’euphorie de l’instant. Le prisme du football enlève toutes les barrières mentales qu’untel ou untel peut se mettre. Moi, je sais que je peux pleurer pour du foot. Et c’est là qu’il y a un parallèle à tisser avec le rap : quand t’es en concert, t’es généreux, tu donnes de toi, tu procures des souvenirs de vie. Les footballeurs font pareil. Ça rejoint le discours de Karim Benzema lors de la remise du Ballon d’or. 

Dans L’insolence des élus, tu rappelles que l’équipe de hand du Qatar a été vice-championne du monde en achetant des joueurs. Tu penses quoi de l’ère QSI à Paris ? Ton rapport au PSG a changé ?

Je suis partagé. Humainement, sociologiquement et politiquement, je ne valide pas du tout. La preuve avec cette Coupe du monde, qui a été un fléau humain et écologique, et que je ne peux que pointer du doigt. Mais paradoxalement, du point de vue du football, c’est l’accès à des possibilités extraordinaires, comme pouvoir garder un joueur comme Mbappé contre vents et marées. Je parlais une fois avec un chauffeur de taxi, il me disait : « ceux qui se plaignent, ils ne sont pas contents d’avoir Messi et des joueurs de classe mondiale ? » C’est un peu ça, même si on a déjà eu Raï et Pauleta. Et pourtant, l’argent ne résout pas tout, la preuve, vu comment cette équipe réussit à se planter autant de fois en huitièmes de finale de la Ligue des champions. Finalement, les Qataris ont réussi leur pari : ils ont accolé leur image à la Ville lumière, à des icônes de la mode, ils ont fait croire qu’ils étaient devenus un pays de foot en vue de leur Mondial. Le soft power a marché.

En matière de professionnalisme, je m’impose d’être au même niveau que les footballeurs. Je me reconnais dans leur rigueur, leur mental. Je ne vais pas te dire que je filtre mon eau comme Erling Haaland, mais je fais tout pour avoir un rythme circadien sain.

Tu as dit par le passé que le rap était une compétition. À quel point c’est comparable à la compétition dans le foot ?

Le sport et la musique, c’est hyperlié. En matière de professionnalisme, je m’impose d’être au même niveau que les footballeurs. Je me reconnais dans leur rigueur, leur mental. Je ne fume pas, je ne bois pas, je fais du sport tous les jours… avant ma pause, j’ai fait 200 concerts en trois ans, donc j’étais obligé d’être en bonne forme physique. Je ne vais pas te dire que je filtre mon eau comme Erling Haaland, mais je fais tout pour avoir un rythme circadien sain. Ça me permet de subsister, ça me donne envie de m’autodépasser, et de me faire violence. Une carrière dans nos domaines, c’est un marathon. Pas un sprint. Après, le rap c’est une jungle. Il y a cinq ans, je multipliais les freestyles, en mettant l’accent sur l’egotrip. Je voulais être celui qui marque le plus de buts par saison, en quelque sorte. Depuis, je suis sorti de ce côté concurrentiel. Le concours de bites, ça a ses limites.

Dans un freestyle qui date, tu dis : « T’es bon qu’en 2005, comme le foot milanais ». Le foot que tu préfères, c’est celui à l’ancienne ?

Je suis partagé. À la fois oui, pour une vision plus idéaliste du foot, pour les souvenirs qui y sont rattachés. Mais même si j’aime regarder des rediffusions d’anciens matchs, c’est encore plus beau à voir aujourd’hui, parce que les mecs sont encore plus techniques. Le professionnalisme, les capacités physiques, tout est optimisé. Plus d’argent, plus de fame, plus de storytelling, plus d’attentes, plus de spectateurs, et donc plus de rigueur demandée. Je suis admiratif des grands spectacles et je suis fasciné par la dimension épique des grands destins. De voir qu’à notre époque, être un cyborg peut devenir la norme. Je suis toujours un peu estomaqué de voir à quel point certains sont touchés par la grâce, quand tout devient irrationnel et transcende les statistiques. Je me dis qu’on est des privilégiés de voir Mbappé marcher sur l’eau, après l’hégémonie de Messi et Ronaldo.

Dans Oscar Niemeyer, tu mentionnes Silvio Berlusconi, l’ancien boss du grand Milan. Tu penses quoi de l’apport de ce genre de personnes au foot ?

C’est comme Bernard Tapie, ce sont des businessmen. Abramovich, quand il rachète Chelsea et qu’il met 300 millions sur la table au premier mercato, il amène automatiquement le spectacle et la performance. Ce serait mentir que de dire l’inverse. Il faut déplorer les inégalités et les dérives du milieu, mais, dans le même temps, leurs investissements améliorent la compétitivité et l’entertainment. Et beaucoup de gens recherchent ça dans le foot. C’est le serpent qui se mord la queue.

Tu dis dans Saturne que « les vrais voyous portent des costumes trois-pièces ». Ça a l’air de pas mal coller avec l’actualité du foot français en ce moment, entre l’affaire Le Graët, celles liées au foot féminin…

À l’image du documentaire Netflix sur la FIFA et la corruption, qui décrit bien ce milieu politique mafieux, on voit qu’il y a trop d’argent en jeu pour que ce soit sain. C’est une bonne chose que politiquement il y ait de l’engagement. Sur les réseaux, les fans sont hyperconcernés je trouve. Le Graët est une sombre merde et il était temps qu’il dégage. L’époque fait que tu as beaucoup moins le droit à l’erreur. On peut voir ça comme une dérive positive de la dictature de la bienséance et de l’omniprésence des réseaux sociaux. Des mecs avec autant de pouvoir ne sont plus en impunité. Les 1% se sentent menacés après toutes les histoires de harcèlement qui sont sorties, la peur change de camp.

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Theo Hernandez, le prince de la vrille

Propos recueillis par Alexandre Lazar, à Paris

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