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London pleure Justin Edinburgh
Figure ultime du Tottenham des années 1990, Justin Edinburgh s'est éteint samedi 8 juin à seulement 49 ans après avoir été victime d'une crise cardiaque. L'ancien latéral venait de ramener Leyton Orient à la table du monde professionnel en tant qu'entraîneur des O's.
Justin Edinburgh est au milieu de ses soldats, dans un vestiaire silencieux, mais qui bout. Nous sommes le 24 avril : c’est fait, Leyton Orient a raflé le trophée de National League quelques minutes plus tôt, la montée en quatrième division est actée et le peuple rouge est en délire. Alors le manager profite de cette minute, car c’est pour ce genre d’instant qu’un ex-joueur enfile le costume après avoir raccroché les crampons. Avec ce sourire qui ne le quitte pas, Edinburgh remercie chaleureusement les siens, fait marrer l’assemblée et amorce le retournement du lieu : le frisson, le vrai.
? « It’s been an honour leading this group of players, staff, board of directors and everyone connected with this football club »As seen in Épisode 6 of @dreamteamfc‘s Love of the Game series, here is what Justin Edinburgh said to his players after securing promotion!#LOFC pic.twitter.com/RBlJ8rmb7B
— Leyton Orient (@leytonorientfc) 1 juin 2019
Cette minute, magnifique symbole de communion entre un technicien et son groupe, clôturait en beauté un marathon de 46 matchs pour la formation de la capitale ; mais c’est en fait une page beaucoup plus lourde qu’elle a tournée, puisque c’est l’une des dernières images que l’on pourra garder de celui qui devait fêter sa moitié de siècle dans six mois. Le surlendemain d’une finale de Ligue des champions pour laquelle il avait fait le déplacement afin de soutenir activement l’équipe qui a représenté dix ans de sa vie, Edinburgh a été victime d’une crise cardiaque. Il est décédé cinq jours plus tard à l’hôpital, laissant la famille du football britannique dans le chagrin.
Rigolade face à Roy Keane, friction avec Robbie Savage
Avant d’être celui qui a fait retrouver à Leyton Orient un peu de ses lettres de noblesse en un an et demi, le nom de Justin Edinburgh appartenait d’abord à un latéral gauche de devoir, et de fidélité. Un homme ayant posé ses valises à White Hart Lane sur la pointe des pieds en janvier 1990 pour un prêt de quelques mois en provenance de Southend United, et qui ne quitta finalement l’endroit qu’une décennie plus tard pour quelques dernières foulées professionnelles du côté de Portsmouth. Avec, au milieu de ses quelque 258 parties disputées sous le maillot blanc londonien, des belles lignes écrites à Wembley, à une époque où Tottenham était pourtant dans le creux de la vague.
Une FA Cup (la dernière en date du club), en 1991 aux cotés de figures telles que Paul Gascoigne et Gary Lineker, après avoir sorti l’ogre Arsenal au tour précédent (3-1) ; un duel contre Forrest durant lequel Edinburgh avait d’ailleurs marqué les esprits en se payant le jeune Roy Keane. Et une League Cup gagnée au détriment de Leicester (1-0), dans une finale au cours de laquelle Edinburgh avait été exclu après l’heure de jeu (à cause d’une brouille avec Robbie Savage), laissant ses partenaires (David Ginola et Sol Campbell, entres autres) clôturer un parcours comprenant les éliminations de Man United et Liverpool. Chez les Spurs, un seul homme a fait le lien entre les deux trophées soulevés, et il porte un nom de capitale.
Le magicien des O’s
Edinburgh n’était rien d’autre que la définition du joueur de l’ombre, mais aussi celle du mec en or. « C’était une des meilleures personnes qu’il était possible de rencontrer, a notamment réagi son ancien collègue de vestiaire (pendant près de huit ans) Darren Anderton. Quand tu étais avec lui, tu riais et souriais sans cesse. » Et s’il n’a pas eu le temps d’aller aussi haut avec la casquette de coach qu’il a revêtue à partir de 2003 à Billericay Town, alors que le short n’était pas encore définitivement rangé, le garçon était en train de se construire une solide réputation, notamment lors de son passage à Newport County (qu’il avait fait monter en 2013) et même si ses aventures à Gillingham et Northampton Town s’étaient terminées en eau de boudin.
À Brisbane Road, ancien solide bastion de League One à l’agonie en cinquième division, le natif de Basildon avait ramené de la folie et de la fierté, après avoir remis tout le monde à flot à son arrivée en novembre 2017 dans un contexte angoissant de glissade sportive et de galères judiciaires : sa « plus belle réussite sportive » , avait-il déclaré. Cette année, son équipe s’était même hissée en finale du FA Trophy (défaite contre l’AFC Fylde), chose qu’il avait déjà réalisée en 2012 avec Newport. Au-delà de la ligne de palmarès, c’est dans les cœurs qu’il aura marqué tout le monde à Leyton Orient, offrant de l’amour en pagaille aux joueurs et supporters en plus de rendre sa troupe sexy et chirurgicale.
? Justin Edinburgh (1969-2019) ❤️#LOFC #OnlyOneOrient pic.twitter.com/AVVl2AtFk1
— Leyton Orient (@leytonorientfc) 9 juin 2019
Le vibrant hommage de son capitaine Jobi McAnuff en dit long : « Un homme tellement inspirant par son dynamisme, sa passion et son pur désir de gagner, un homme qui avait tellement d’amour pour le jeu et encore plus pour sa famille.[…]Tu nous as inculqué une mentalité de gagnant.[…]Tu as toujours tout fait avec le sourire et un profond respect pour les autres.[…]Tu étais toujours au milieu des plaisanteries de vestiaire avec les gars et le staff, nous avons passé tellement de bons moments, et c’est cette facette-là de toi qui me manquera le plus. »
Même son de cloche chez son président Nigel Travis : « Le succès sportif de Justin a été incroyable, mais plus important encore, l’impact qu’il a eu sur nous tous en tant que compétiteur et en tant qu’être humain merveilleux et inspirant sera son héritage. Cela sera en nous pour toujours. » Tottenham perd un bout d’histoire, Orient son guide et la pierre angulaire de son futur. De Newport à Londres en passant par Portsmouth et Grays (sa maison entre 2007 et 2008), le samedi 8 juin restera une journée noire, et l’émoi est à la hauteur de ce que cette disparition laissera dans les têtes : un vide, et un souvenir impérissable.
Par Jérémie Baron