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L’OM veut-il vraiment « dégager » ses supporters ?
Il y a un an, Jacques-Henri Eyraud conseillait aux supporters de l'OM de boire de la tisane pour se calmer. Depuis, le président marseillais a tout fait pour les énerver : hausse du prix des abonnements, huis clos, et même un hypothétique nouveau stade. Mais tout cela n'est rien comparé à sa dernière décision : exclure les mythiques Yankee Nord de la campagne d'abonnements.
« Après le plan Leproux, voilà le plan Eyraud. Et ça commence par les Yankee » , a prévenu Michel Tonini mardi dans les colonnes de La Provence, au lendemain de l’exclusion de son groupe de supporters de la campagne d’abonnements. En cause, l’affaire du tifo Netflix, celle du charbonnage autour du stade lors de Marseille-Lyon en mars, une dette auprès du club, et Michel Tonini qui aurait porté atteinte à l’image du club en se faisant escroquer par des jeunes femmes en janvier. Plus reconnus par l’OM, les Yankee symbolisent une tension grandissante entre le club et ses fidèles, entre hausse des tarifs d’abonnement, huis clos prononcés par l’OM contre ses propres supporters, et même un hypothétique déménagement dans un nouveau stade. Mais alors, l’OM veut-il vraiment « dégager les supporters » , comme le prétend Michel Tonini ?
Vers un plan Leproux bis ?
Ancien vice-président des Yankee et ex-gérant du bar qui leur servait de QG, René Malleville n’y croit pas une seule seconde : « L’OM ne veut pas tuer ses supporters. Jacques-Henri Eyraud est loin d’être con, il sait que les supporters sont l’âme du club. » Au contraire, selon lui, l’actuel président du club paierait même les mauvais choix de son prédécesseur : « C’est la politique de Labrune qui nous a amenés ici, il a
tout laissé passer en tribunes pour avoir la paix sociale. On avait les tarifs les moins chers de France, je pense. Si on veut un grand club, il faut augmenter la billetterie, c’est normal, et pas excessif. » Quant au projet de nouveau stade évoqué pour faire peur à Arema, la société exploitante du Vélodrome, personne n’y croit. « Il a raison de le tenter, mais c’est du bluff » , balaye Malleville. Jusqu’ici, pourtant, le seul véritable point de crispation était les huis clos prononcés par l’OM contre ses propres supporters. « Il veut ménager la LFP, rester dans ses petits papiers, il fait du Labrune. Il doit rester président de l’OM, pas travailler pour la LFP. Il doit défendre son club, pas l’attaquer » , peste ainsi Guillaume Barthélémy, le porte-parole des Yankee.
Car en dehors de ces épisodes, c’est bien l’exclusion des Yankee de la campagne d’abonnements qui a mis le feu aux poudres. « C’est bien évidemment une nouvelle forme de plan Leproux, quand vous avez un président qui sanctionne ses supporters indépendamment de la Ligue, quand vous avez un président qui dépose une plainte contre un président d’une association, c’est assez significatif. Il veut se débarrasser des groupes, c’est certain » , prévient Guillaume Barthélémy. René Malleville, lui, est moins catégorique : « Cette histoire me fout les boules. Ce que je reproche à Eyraud, c’est qu’il a exclu tous les Yankee pour les fautes de quelques-uns, alors qu’il sait qui sont les responsables. Il ne devrait pas mettre au pilori 5 500 personnes qui sont là depuis des dizaines d’années, pour les fautes de quelques-uns. » Avant de rappeler que Jacques-Henri Eyraud et Frank McCourt ont « sorti l’OM de la merde, même si ce ne sont pas des enfants de chœur, mais des hommes d’affaires » . Dans les faits, difficile de parler d’un plan Leproux bis qui, par définition, signifierait une reprise de contrôle totale des abonnements en virage par l’OM, alors que l’OM a précisément redonné toutes les cartes d’abonnement aux groupes de supporters, Yankee à part.
Un virage nord amputé des Yankee ?
Se pose alors la question de l’avenir des Yankee. « Jacques-Henri Eyraud résilie une convention, lui ça fait 18 mois qu’il est à l’OM, nous ça fait trente ans. On résilie une convention avec Jacques-Henri Eyraud, on ne résilie pas notre passion pour l’OM » , pose le porte-voix du groupe. Autrement dit, les Yankee seront toujours dans le bas du virage nord l’année prochaine, et ce, même si le Club des amis de l’OM a été désigné pour occuper la tribune. « D’après les infos que j’ai eu à gauche à droite, ils ne veulent pas prendre notre place » , affirme Ham, le capo du groupe, qui poursuit : « Quoi qu’il arrive, on ne lâchera rien ! La zone basse du virage Depé, c’est Yankee, et elle restera Yankee. La saison qui arrive, nos bâches seront affichées, et si je ne suis pas mort avant, je serai présent sur le perchoir avec mon micro. » Concrètement, la seule différence en septembre, c’est qu’il n’y aura plus de cartes d’abonnement estampillées « Yankee » . Pour le reste, Guillaume rejoint son capo : « Dans le fond, on a animé la tribune pendant 29 ans avec la convention, donc on continuera à le faire sans. Qu’est-ce qui nous empêche d’aller en tribunes avec un drapeau ? Les Yankee seront toujours présents en virage nord. »
C’est sur le terrain judiciaire que la bataille risque de s’éterniser, mais Guillaume n’est pas inquiet : « Le groupe n’est pas menacé, on a une réserve judiciaire pour les frais de justice. » En effet, l’OM a déposé plainte contre les Yankee et leur président Michel Tonini : « Ils évoquent 4 fautes, concède Guillaume, mais une grande partie de ce courrier est entachée de mensonges. Par exemple, ils écrivent qu’ils n’étaient pas au courant pour l’opération Netflix, or on a toute la documentation qui le prouve. Un autre exemple, c’est la dette : ils oublient de préciser que ce sont des factures que l’on se doit mutuellement, puisque l’OM a aussi une dette conséquente de 42 000 euros envers nous, liée à des aides aux déplacements et aux accords conclus en décembre 2017. »
Un président de moins en moins proche des supporters
De son côté, le club, sollicité, ne souhaite pas communiquer tant que les procédures judiciaires sont en cours. Des procédures dont Guillaume affirme n’avoir « pas la moindre nouvelle, mais pour la résiliation de la convention, on ira aussi en justice » . En attendant, la situation se crispe autour des Phocéens, et même si officiellement les Yankee n’ont pas reçu de soutien explicite des autres groupes de supporters, qui « ne se mouillent pas, parce que c’est trop politique » selon Guillaume, et qui refusent de s’exprimer sur le sujet, Jacques-Henri Eyraud semble s’être mis le public à dos : « Ça fait un moment qu’il n’y a plus de dialogue. Il peut tweeter ce qu’il veut, ce qui est clair, ce sont les faits : ses plaintes déposées, l’augmentation des tarifs, les huis clos… Les signaux positifs, ils sont où ? » achève Guillaume, avant de vite revenir à l’autre dossier brûlant de l’été marseillais, le mercato : « Et pour couronner le tout, il va nous faire quoi cet été ? Après Mitroglou, il va nous ramener Mitrogland ? » Super Mario apaisera-t-il l’été marseillais ?
Par Adrien Hémard et Salim Badiaga
Tous propos recueillis par AH et SB.