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L’OM, tout droit au but
Depuis qu'ils se sont souhaité la bonne année, les joueurs marseillais ont planté 27 buts en 8 sorties. Un rythme que, sur la scène européenne, le PSG est seul à dépasser. Simple feu de paille dans la cité phocéenne ou naissance d'une équipe historique ? Analyse.
Encore une dizaine de minutes à jouer au bucolique stade Marcel-Verchère de Bourg-en-Bresse. À la réception d’une offrande de Yusuf Sari, Konstantinos Mitroglou conclut de la tête et s’offre un triplé. Une petite revanche sur laquelle le Grec ne crache pas après plusieurs semaines de galère atténuées quelques jours plus tôt par un autre café crème, de Dimitri Payet cette fois. Avec le penalty de Clinton N’Jie, Marseille porte le score à 9-0 contre le pensionnaire de Ligue 2, et valide son accessit pour les quarts de finale de la Coupe de France. Surtout, l’OM confirme sa bonne forme et des statistiques affolantes : 27 buts sur l’année civile 2018. Le tout en 8 matchs, ce que seul le PSG – sur une autre galaxie depuis bien longtemps – regarde de haut à l’échelle européenne (34 buts depuis le Nouvel An).
L’orgie de buts marseillaise est d’autant plus remarquable qu’encore le 7 janvier, contre Valenciennes, c’est le latéral gauche Jordan Amavi qui avait dû sortir du bois pour compenser le mutisme des lignes offensives olympiennes. Mais depuis une large victoire au Roazhon Park, les hommes de Rudi Garcia facturent au moins deux buts à chaque adversaire, au grand plaisir de Christian Cataldo, président des Dodgers, groupe de supporters de l’OM. « C’est sûr, cette équipe nous plaît, car elle marque beaucoup, et puis elle dégage de la sérénité, elle sait être solide. » Surtout, elle commence à prendre de la vitesse sans avoir un numéro 9 qui enquille les buts. « Dans cette équipe, le danger peut venir de partout : Thauvin, Payet, Sanson… Et Germain commence à se remettre à marquer. Imaginez si cela repart pour Mitroglou aussi ! » Manu Amoros, taulier du grand OM des années 1990, y voit « un paradoxe, mais aussi le signe d’une équipe foncièrement aimantée par le but adverse » . Et quand Cataldo tient tout de même à relativiser « les quinze buts mis contre deux défenses poreuses(Metz 6-3, Bourg 9-0, ndlr) » , l’ancien latéral droit préfère souligner le fait que « les buts ne se marquent pas tout seul, mais avec un groupe solidaire et efficace. Ocampos et Mitroglu qui mettent chacun un triplé, c’est quand même significatif. »
Mieux que l’OM de Bielsa ou que l’OM champion d’Europe 1993
D’autant que la carburation de cet OM-là a quelques choses d’inédit dans l’histoire du club. Sur les six premières semaines de l’année civile, aucun OM n’a autant cartonné les défenses averses, pas même celui de Jean-Pierre Papin (8 buts en 6 matchs de Ligue 1 en 1992) ou celui de Didier Deschamps, champion en 2010 (19 buts en 10 matchs toutes compétitions confondues). Et pourtant, dans l’esprit de Cataldo, cette équipe a beau être talentueuse, « elle est loin d’être la meilleure des 20 dernières années, celle championne d’Europe en 1993, c’était comparable au PSG d’aujourd’hui, et celle de Courbis en 1999 était forte également. » La première avait monté la barre à 19 pions en 6 matchs de Ligue 1, la seconde à « seulement » 9 en 7 matchs toutes compétitions confondues.
L’OM de Didier Drogba en 2004 ? 9 buts en 7 matchs. Celui de Niang, Ribéry et Cissé entre 2004 et 2009 ? Record pour les 17 buts en 8 matchs de Niang, Cissé, Nasri, Valbuena et Taiwo. Pour Cataldo, même l’OM de Marcelo Bielsa c’était autre chose que celui de Rudi Garcia « sur la première moitié de saison 2014-2015. Une saison à seulement 11 buts en 7 matchs sur les six premières semaines de l’année 2015 pourEl Loco, Gignac, Payet, Thauvin et Batshuayi » . Les 23 buts en 9 matchs du Marseille de Deschamps en 2012 – quart-de-finaliste européen, mais largué en championnat – est bien seul pour titiller l’OM de 2018.
OM Champions Projet ou OM Business Project en juin ?
Mais comme le soulignent de concert Manu Amoros et Cataldo, pour faire que la belle période actuelle ne soit pas qu’une succession de chiffres sans signification, « il va falloir aller chercher la seconde place derrière le PSG » . Ce qui en soi est loin d’être gagné pour le champion d’Europe 1984, car « cela peut s’enrayer très vite » . Et surtout oublier les statistiques, car « de plus en plus d’équipes vont les affronter avec le désir de bien défendre, donc il va falloir apprendre à aller chercher des victoires 1-0 également » . À Marseille, on voit déjà plus loin que ce début de saison en fanfare, finalement « pas mal atténué par la présence du PSG. Sans cet adversaire largement au-dessus, l’OM serait en tête et peut-être champion à la fin de la saison, ce serait plus valorisant » . Pour Cataldo, il faudra surtout scruter ce que fera la direction phocéenne d’ici juin, en cas de qualification en Ligue des champions. « Est-ce que cela va être OM Champions Project ou comme Monaco, OM Business Project ? Parce que quand un club va mettre 80 millions d’euros pour Thauvin, ils vont peut-être avoir envie d’accepter. Mais la logique par rapport aux ambitions promises, ce serait de garder Thauvin et de recruter deux ou trois joueurs pour renforcer. » Qui a dit que le public marseillais était insatiable ?
Par Nicolas Jucha
Tous propos recueillis par Nicolas Jucha