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« L’OM fait partie d’un package touristique que l’on vend avec Plus Belle la Vie »

Propos recueillis par David Alexander Cassan
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Après avoir réalisé Comme un Aimant (2000) avec Akhenaton, un ami de toujours, Kamel Saleh a quitté sa ville pour s'installer en région parisienne. Un exil pas vraiment forcé pour ce Marseillais qui aime sa ville autant qu'il la déteste et porte un regard un brin désenchanté sur son club, l'OM. Où il est question de « Maradona marseillais », d'Albert Londres, d'un taxi qui roule toujours en tracteur, du Brésil 82 ou du grand frère Barresi.

Il n’y a qu’une scène de foot dans Comme un Aimant, et on n’y fait jamais directement référence à l’OM… Le problème, c’est que quand les gens font un film à Marseille, ils veulent faire un film sur Marseille. On ne s’est jamais dit qu’on avait besoin d’une scène de foot dans Comme un Aimant, parce qu’on a essayé d’éviter les clichés : Notre-Dame-de-la-Garde et l’Olympique de Marseille.

On se trompe si on dit que tu n’es pas très foot ?Plus jeune, j’étais passionné, mais je m’en suis écarté ensuite. Mes potes sont encore à fond. Mon ami Brahim Aimad, qui joue dans Comme un Aimant et mon film suivant, Plan B, c’était le Maradona de Marseille quand on était jeunes. Aujourd’hui encore, des vieux viennent le voir dans la rue pour lui dire « Aimad, t’étais un phénomène ! » Certains traversaient Marseille le dimanche pour venir le voir jouer, traverser le terrain avec le ballon collé au pied. Il a joué avec José Anigo en 4e division et d’autres qui sont partis à Lens ou ailleurs en D2 : ils reconnaissent que c’était le meilleur, mais il était trop susceptible, les arbitres devaient le calmer sans arrêt…

D’où vient le lien particulier de Marseille avec le foot ?C’est simple : Marseille est une ville pauvre, il fait chaud, il y a bien l’odeur de la mer, mais les parents ne veulent pas qu’on y aille seuls… Qu’est-ce qu’il y a d’autre à faire ? On avait besoin de se dépenser, alors on jouait sur le bitume. Pendant des journées entières, sans éducateur : on faisait les buts avec les manteaux ou les portes de garage. À l’école, on prenait du papier et du scotch et on fabriquait des balles pendant les cours pour pouvoir jouer à la récré. C’était le bonheur absolu. Et puis le foot était un sport très populaire partout autour de la Méditerranée : en Italie, en Espagne, au Maghreb… C’est normal que ça ait infusé à Marseille plutôt que le tennis ou le golf.

Pour toi, le lien est donc avec le foot plutôt qu’avec l’OM ?

S’il y a une équipe qui m’a marqué, c’est plutôt le Brésil de 82, avec Eder, Jairzinho, Alemão et Sócrates. Je me prenais pour Eder ! Cette équipe-là, elle m’a marqué comme un bouquin : le sport peut avoir cette force-là, même s’il ne remplacera jamais tout à fait la culture…

Avec Brahim et mes potes, on n’est pas des fans absolus. On est fiers, mais on ne se reconnaît pas dans la folie qu’il peut y avoir chez les vrais supporters avec leurs maillots, leurs écharpes. On ne s’en moque pas, on finit par le comprendre, mais bon… Même Chill (Akhenaton), je pense qu’il a un peu exagéré son amour pour l’OM parce que c’est un peu ce qu’on attendait de lui. Brahim et les autres sont de fins connaisseurs du Calcio, du foot anglais, ils connaissent les joueurs, les tactiques, alors que moi, je suis vite largué. Ils suivent l’OM aussi, mais c’est pas l’OM d’abord, et ils n’iront pas chanter ou insulter l’équipe adverse. Brahim et Larim, un autre ami d’enfance, ont joué à Consolat pendant de longues années, et le président est même devenu un ami. S’il y a une équipe qui m’a marqué, c’est plutôt le Brésil de 82, avec Eder, Jairzinho, Alemão et Sócrates. Je me prenais pour Eder ! Cette équipe-là, elle m’a marqué comme un bouquin : le sport peut avoir cette force-là même s’il ne remplacera jamais tout à fait la culture…

Même pas de souvenirs marquants avec l’OM ?Ça devrait être l’époque Tapie, mais mes souvenirs marquants datent plutôt de la D2, jusqu’à ce qu’ils montent en première division et que Tapie arrive. On allait au stade tous les vendredis avec les mecs de Félix Pyat (son quartier, ndlr) : on prenait le bus, on se faisait un sandwich merguez et on avait une raison d’aller au Prado et voir les meufs… Il n’y avait pas tous les groupes ultras à l’époque. On a vu tous les matchs de D2, mais après, c’est devenu une machine de guerre, et je n’y suis presque plus jamais allé après : ça s’était institutionnalisé, ça nous a dépassés. Le côté un peu artisanal du foot nous manquait, et on a préféré regarder à la télé. L’autre moment marquant, c’est en 2001 ou 2002 à Paris en fait : je venais de m’installer, un pote est monté me voir et m’a proposé d’aller voir PSG-OM au Parc des Princes. C’était ma première fois en parcage, et j’avais l’impression d’être dans la quatrième dimension : je n’avais jamais vu autant de Marseillais que je connaissais au même endroit, j’avais l’impression d’être à Marseille. Mais à la fin du match, on a reçu des bouteilles, des boulons, et heureusement que les CRS étaient là pour nous protéger.

Pas la finale de 93 ?Je m’en souviens, évidemment : c’était comme une évidence qu’ils la gagneraient, que c’était Boli qui marquerait. Le lendemain, j’avais jamais vu Marseille comme ça, en fête toute la journée : les gens klaxonnaient, les taxis avaient collé des posters de l’OM sous leurs vitres… Mais j’ai croisé un taxi qui n’avait pas mis de poster de Boli, et ça m’a fait penser à Do The Right Thing, quand le personnage de Spike ne trouve pas Malcolm X dans le restaurant italien… Il était embêté quand je lui ai dit, mais il a haussé les épaules et a dit « Allez l’OM » avant de partir. Parmi toutes les photos et les posters qu’il avait déchirés, il n’avait pas trouvé une photo de Boli ?

Tu ne considères pas que l’OM représente la ville ?

La ville est coupée en deux et ça se ressent au stade aussi : le public du Vélodrome n’est plus forcément populaire.

Vu de Paris, Marseille, c’est connoté « diversité » , sauf qu’à mon avis, c’est un mythe : Marseille est marquée par la ségrégation territoriale, et l’OM n’échappe pas à ça. L’OM fait partie d’un package touristique que l’on vend avec Plus Belle la Vie. La ville est coupée en deux et ça se ressent au stade aussi : le public du Vélodrome n’est plus forcément populaire. C’est assez familial, les gens viennent des beaux quartiers, ou de plus loin, de Martigues, d’Avignon… Beaucoup de Maghrébins par exemple vont préférer aller voir le match dans des snacks, ou autres. Marseille est une ville qui se mélange de moins en moins, et ça se voit jusqu’au stade.

Est-ce que les politiques sont responsables de cette fracture ?Deferre, Gaudin, Guérini, c’est la même chose au fond. Il y a pas de ligne politique, on n’est pas loin des galéjades de Marcel Pagnol. Avec Gaudin et Euroméditerranée, on a injecté beaucoup d’argent dans le centre-ville pour le rendre attractif et le gentrifier : on a quadruplé les salaires dans certains coins et repoussé les populations pauvres dans les 2e et 3e arrondissements. Ça devait rendre la ville plus attractive pour les touristes, mais ça ne marche pas parce que contrairement aux autres villes françaises, l’immigration à Marseille s’est faite par le centre-ville. Si on lit Marseille, porte du Sud d’Albert Londres (paru en 1927), on voit déjà les noirs, les maghrébins… C’est une tradition marseillaise à cause du port tout proche. Le centre-ville a longtemps été mal famé, et je fais toujours le rapprochement avec le New-York d’avant Giuliani, celui des putes à Times Square.

Est-ce aussi parce que l’on a préféré mettre de l’argent dans l’OM qu’ailleurs ?On a fait le choix de donner plus d’argent à l’OM et aux clubs de quartier qu’à la culture. Pourquoi ? Parce qu’une sensibilité culturelle ne s’improvise pas, et ils ont fait le choix populiste de se dire qu’ils croiseraient plus de fans de foot que de gens de culture. Il faut voir qu’ils ont un électorat de droite à satisfaire : ces gens-là n’ont aucune envie de voir une politique culturelle dans les quartiers. On regretterait presque qu’on n’ait pas eu une figure à la Jack Lang. Il y a le MUCEM, magnifique architecturalement, mais qui ne s’adresse pas au Marseillais. Il y a Plus Belle la Vie dans lequel il n’y a que des Parisiens, où personne n’a l’accent… Marseille capitale de la culture, c’était du foutage de gueule. Même IAM, ils leur ont tourné le dos dès qu’ils avaient ce qu’ils voulaient. Ils disent qu’IAM ou Comme un Aimant, c’est très subversif. La question qui les obsède, c’est « est-ce que vous l’aimez cette ville ? » Alors que c’est parce que je l’aime que je la déteste : eux voudraient qu’on n’y touche pas.

Mais est-ce que la culture est vraiment la solution ?Moi, ma chance, c’est d’avoir découvert la culture : l’Adagio de Samuel Barber, un tableau de Caravage, Arthur Rimbaud… Même si la vie est dure, c’est tellement beau que ça te sauve ! La politique de la ville, ça aurait dû être ça : on devait donner de l’argent à des associations pour agir dans les quartiers. Mais ce sont les élus qui ont la main sur le pactole, il n’y a pas de décision collégiale : certains élus, dont Sylvie Andrieux, ont monté des associations bidons pour que l’argent leur revienne. Et la politique de la ville a été un échec.

On en revient aux politiques, qui semblent tout proches du fameux « milieu » …

J’ai participé à une réunion il y a très longtemps avec Muselier, le chauffeur de Tapie qui devait être revenu à l’OM à l’époque, et l’aîné des Barresi, le grand frère de l’agent. Il n’avait pas dit un mot, mais il était très imposant, il n’avait pas besoin au fond…

À l’échelle nationale, ce qu’ils font ressemble à ce que fait Sarkozy finalement : ils trouvent leur clientèle, créent des connivences, puis ils donnent et ils reçoivent. Et personne ne peut toucher à ce système-là, personne ! Pour ce qui est des liens avec le milieu, j’ai participé à une réunion il y a très longtemps avec Muselier (ex-dauphin de Gaudin, ndlr), le chauffeur de Tapie qui devait être revenu à l’OM à l’époque (période directeur sportif, ndlr), et l’aîné des Barresi, le grand frère de l’agent. Il n’avait pas dit un mot, mais il était très imposant, il n’avait pas besoin au fond… Muselier s’entourait de ces mecs-là parce qu’ils assuraient sa protection, c’est aussi simple que ça.

Lorsqu’on grandit à Marseille, on grandit entouré de ces figures du milieu ?J’ai grandi rue Félix Pyat : c’est aussi où ont grandi Francis le Belge et Dédé le Chinois, alors que Gaëtan Zampa venait de Saint-Morond, juste à côté. Je sais précisément dans quels immeubles ils ont grandi, parce qu’il y a une proximité, mais aussi une forme de fascination pour ces gens-là, qui partaient des bas-fonds, mais ont pu devenir des « messieurs » . Le mythe du grand banditisme fait rêver les politiques, les journalistes jusqu’à Paris : Guillaume Durand adorait rencontrer le Belge à Paris, au Fouquet’s. Mais les gamins des quartiers n’ont pas compris les codes, et les tueries dans les quartiers nord sont beaucoup plus mal vues. Certains en sont à regretter les anciens truands, ces mafieux qui te mettaient quatre balles dans le dos, mais le faisaient bien, de façon presque « sympathique » , avec un code de l’honneur ! C’est du racisme, évidemment.

Et pour finir, tu en penses quoi de cet Américain qui débarque à l’OM ?Quand le maire lui a dit sur le ton de la rigolade qu’il doit mettre de l’argent, moi j’étais super mal à l’aise. Je me suis dit : « Toi, soit tu vas marcher comme on te dit, soit tu vas déchanter. » S’il ne plaît pas, si certains se sentent lésés, ils vont lui faire savoir. Là où il y a de l’argent, il y a de la violence… Le mec n’achète pas Marseille, hein : il investit dans un club avec des objectifs, mais il a intérêt de revoir les contrats avant d’apprendre tout ce qui n’y est pas, dans les contrats. À ses dépens, je pense.

Retrouvez un dossier spécial OM dans le So Foot n°140, actuellement en kiosque

Dans cet article :
Roberto De Zerbi : « Si le problème c’est moi, je suis prêt à partir »
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Propos recueillis par David Alexander Cassan

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