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L’OM et le destin de Liza
Avec Bielsa, Bixente Lizarazu est l’un des seuls à avoir connu Bilbao et l’OM. Avec des hauts, mais surtout beaucoup de bas. À Marseille, ça n’aura duré que quelques mois. Liza était en fin de carrière. L’OM, en fin de cycle. Et ça n’a pas collé. Mais alors pas du tout.
Pas de bonne soirée sans grosse gueule de bois. Si Mister Cocktail a longtemps essayé de nous persuader du contraire, à Marseille, c’est bien comme ça que cela fonctionne. Les plus belles heures du club sont toujours suivis de vides intersidéraux. La preuve en 2004. Pendant un an, Marseille vibre au son des « Didier Drogba la la la la… » et pense même atteindre les nuages le 19 mai au soir. Mais c’était sans compter sur Collina, Vicente et Mista. Les trois compères s’entendent pour couper la musique brutalement et précipiter la fin de la soirée. Marseille va devoir se réveiller, digérer, mais surtout pleurer le départ de son Ivoirien et se reconstruire avec un mal de tête à 37,5 millions d’euros. Le choix de José Anigo et du club se veut alors ambitieux et éclectique. Du vieux briscard, du connaisseur de Ligue 1 et du jeune espoir : Steve Marlet, Koke, Habib Bamogo, Benoît Pedretti, Bruno Cheyrou ou encore Bixente Lizarazu, libre de tout contrat. Et on connaît la suite.
Amour public, haine privée
De son côté, le Basque est sur la même longueur d’ondes.
Après avoir passé une majeure partie de sa carrière au Bayern, il veut terminer sa carrière en France et transmettre sa sagesse. Jean-Philippe Durand, adjoint du club à ce moment-là : « Il avait un peu de retard sur la préparation, parce qu’il a eu une longue coupure, mais ça ne l’a pas empêché de bien se fondre dans le collectif. Et puis, même si ce n’était pas trop son genre de se mettre en avant, on pensait que son expérience pouvait nous apporter. »
Bref, tout est censé se passer comme sur des roulettes. Sauf qu’à Marseille, rien ne se déroule jamais comme prévu. Le mardi 23 novembre, José Anigo démissionne, « à court d’arguments » après deux contre-performances face à Paris et Ajaccio. Et c’est le début de la vraie gueule de bois. Pour le club, déjà : l’OM est bien loin des ambitions initiales avec une cinquième place lors de la trêve hivernale. Mais aussi pour Bixente qui s’est confié en 2010 au Parisien : « J’ai bien apprécié la période avec José Anigo. Après, j’ai eu un problème avec une personne. »
Une personne ? Philippe Troussier, recruté fin novembre 2004, alors qu’on parle aussi de Rudi Völler ou de Jean Tigana. Avec lui, tout part en sucette. En privé, en tout cas. Car en public, pour le globe-trotter, tout se passe à merveille. La preuve avec un extrait du Parisien de l’époque et de ce qu’il pense de Lizarazu : « C’est un joueur d’expérience. Physiquement, il est en pleine santé. Il peut jouer à plusieurs postes à gauche. Il traverse peut-être une crise de confiance, mais il est présent. C’est un joueur sur lequel je compte. » Un discours boisé qui contraste avec celui du Basque quelques années plus tard dans L’Équipe : « Quarante-huit heures après son arrivée, lors du stage de Caen, j’avais compris que je ne jouerais pas. »
« Si j’étais resté, je l’aurais emplâtré »
En plus d’un temps de jeu inexistant, Bixente se plaint surtout du traitement dont il fait l’objet. Philippe Troussier cherche à créer un électrochoc et pousse Lizarazu dans ses retranchements.
Si c’est censé booster le patient, la méthode psychologique est perçue comme de la provocation par le vétéran : « Si j’étais resté, je l’aurais emplâtré » , explique-t-il à froid à L’Équipe. « Je me suis dit que je ne pouvais pas en arriver là, car je n’avais jamais ressenti cela dans ma vie. Il valait mieux arrêter les conneries et passer à autre chose.(…)S’il n’y avait pas eu cet entraîneur, l’aventure aurait pu continuer à Marseille. »
Du coup, lors de la trêve hivernale, Bixente prend ses cliques et ses claques et retourne à la maison, au Bayern : « J’ai compris que nos modes de fonctionnement, à Philippe Troussier et à moi-même, n’étaient pas compatibles. C’était plus que cela, c’était une incompatibilité de caractères qui se traduisait par des accrochages verbaux. En fait, nous n’avions rien en commun. » De son côté, Philippe Troussier continue de faire comme si de rien n’était en conférence de presse : « On perd un joueur sur lequel je comptais puisqu’il appartenait au groupe, même si malheureusement je n’ai pas pu remettre ce joueur en selle. Je lui souhaite bonne chance, bon courage, et que tout se passe bien pour lui. » Le fameux déni post-cuite.
Par Ugo Bocchi