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L’OM et la hauteur de la marche
Sèchement battu par l'Atlético mercredi soir à Lyon (0-3) au bout d'une finale de Ligue Europa réglée à l'expérience et à la différence de niveau, l'Olympique de Marseille doit maintenant se servir de cette défaite pour construire l'avenir de ce groupe. L'Atlético de Simeone a ses cicatrices, l'OM de Garcia tient sa balafre : le début d'une histoire.
Chaque fois, le même processus : le rêve que l’on se fabrique, la réalité qui vient le démonter, la balle tirée dans le cœur de la fierté, l’appel des autres à relativiser. Facile à dire, c’est impossible : une extrême ne se nuance pas, elle se vit, se souffre, se digère. Mercredi soir, sur les bords de la piste du Groupama Stadium, on a ainsi vu Florian Thauvin, vingt-cinq piges et une saison débordante dans les poches, personnifier la chose et arriver au micro de beIN Sports avec les yeux éclatés par la désillusion, vieille broyeuse à fantasmes : « Cela me fait mal au cœur. On a fait un très beau parcours. On aurait aimé être récompensés. Mais c’est le foot. Face à des équipes comme ça, on n’a qu’à apprendre et tirer des conclusions. »
Une finale est une voie à deux issues : l’une débouche sur un toboggan vers le panthéon, l’autre est une porte ouverte vers l’apocalypse. En venant à Lyon disputer la cinquième finale européenne de son histoire, sa troisième de C3, l’Olympique de Marseille s’était promis de ne pas rêver. C’était une consigne de son entraîneur, Rudi Garcia, et une invitation à croquer dans la réalité tout en préférant la carte du jeu à celle de l’enjeu. Au fond, son OM n’avait rien à perdre, et en début de semaine, le boss du club, Jacques-Henri Eyraud, ne disait pas autre chose, sifflant à toutes les oreilles « l’avance » prise par son Champions Project et le fait que ce groupe avait, de toute façon, déjà « tellement gagné cette saison » .
La chance qui passe
Alors, que retenir de ce saut dans le vide ? Le fait que, comme Garcia l’a expliqué face à la presse après la rencontre, ses joueurs ont « laissé passer [leur] chance en première période » , Valère Germain balançant notamment dans le kop madrilène une cuillère tendue par Dimitri Payet au bout de quatre minutes seulement ? L’histoire d’une équipe qui a démarré sa campagne européenne le 27 juillet dernier, qui dégueule de matchs joués et qui est arrivée à cette finale avec des cadres (Rolando, Payet, Mitroglou, Sarr) dont il était difficile d’estimer le réel pourcentage de capacités ? Ou plutôt le tableau froid qui nous rappelle que la France du foot court toujours derrière un troisième titre européen, là où l’Espagne en a avalé quinze, rien que depuis 2005 ? Un peu tout ça, finalement, même si l’on se dit surtout que cette finale, facilement remportée par un Atlético largement supérieur, aura surtout fait ressortir les deux faiblesses principales de la version 2017-2018 de cet OM : son manque de banc et l’absence d’un vrai tueur devant, là où Antoine Griezmann a plié deux buts sur deux frappes cadrées.
« On va devoir se servir de ce match »
Chaque défaite en finale ressemble à la dissipation d’un mirage, à la fugue d’un rêve. Tout ça est brutal, fait ressortir le désenchantement émotionnel inhérent à la cruauté du sport, et le supporter de foot y est préparé. Aimer son club, c’est accepter de tomber avec : on connaît le contrat. Mais ce matin, c’est peut-être autre chose qu’il faut voir, et les joueurs de l’OM, du gosse Maxime Lopez à Bouna Sarr, qui aura été l’un des rares Marseillais à se débattre à Lyon, l’ont bien dit en zone mixte : ce qui compte aujourd’hui, c’est le souvenir qu’il va falloir entretenir. Avant la rencontre, Diego Simeone avait souligné l’importance des chutes dans la construction de l’esprit de son Atlético. Si le club espagnol sait gagner, c’est qu’il a appris à souffrir avant. « L’expérience » , élément sorti de la mêlée par Rudi Garcia après le match au moment d’évoquer la principale raison de la bascule, c’est apprendre à perdre. Et face à l’Atlético, l’OM aura « énormément appris » , assez pour voir Adil Rami tracer le sens de l’avenir : « Le plus important va être de se servir de ce match pour progresser. »
Parce qu’on a envie de se dire que ce n’est qu’un début, que tout ça n’a rien d’éphémère et que si cette fois, « la marche était trop haute » , demain elle pourrait être à la bonne hauteur. Interrogé il y a quelques années par So Foot, Fernando Torres, qui a dit mercredi soir au revoir au club de sa vie, racontait ceci : « On passe notre vie à perdre. Tu peux perdre, tu peux gagner, mais tu n’as pas le droit de baisser les bras. Il faut toujours se battre. Le plaisir est beaucoup plus important quand tu t’es battu sans relâche pour quelque chose qui paraissait, au début, inaccessible. C’est comme la vie. » La vie, avec ses cicatrices et ses blessures. L’OM doit s’en inspirer, car si cette fois encore, il a beaucoup perdu, il a aussi beaucoup appris. Car au fond, la beauté ne réside pas dans le succès, mais dans la route empruntée pour y arriver. Voilà Marseille lancé sur son chemin.
Par Maxime Brigand, à Lyon