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L’OM contre le reste du monde

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L’OM contre le reste du monde

Marseille ne cohabite pas dans le même championnat que les autres pensionnaires de la Ligue 1. Pour cohabiter, il faut des concurrents. L'OM n'a pas de concurrents, il n'a que des ennemis. Petit rappel des faits.

L’histoire même de la ville le justifie sans doute. Les Marseillais kiffent la paranoïa. Ils n’ont pas attendu l’alliance Tapie-Canal Plus de 1991 -et la rivalité objective qui en découle- pour se reconnaître des ennemis. Saint-Étienne et Nice dans les années 70, Bordeaux dix ans plus tard, voire même Lyon à l’aube du nouveau siècle. « Dis moi qui tu hais, je te dirai qui tu es… » pourrait remplacer avantageusement le présomptueux « Droit au but ». Vingt ans avant la rivalité Paris-Marseille, les Phocéens en décousaient déjà avec l’autre club dominant de l’époque, l’AS St Étienne. « C’était avant que l’ASSE ne brille en Coupe d’Europe se souvient Bernard Bosquier, défenseur vert avant de partir à l’OM. On venait de gagner quatre titres d’affilée (1967/1970) et Marcel Leclerc a décidé de faire signer Carnus et moi-même (le gardien et un central de l’équipe de France) pour la saison suivante à Marseille. Roger Rocher a appris en avril ce transfert et nous a suspendus jusqu’à la fin de l’exercice. La rivalité s’est alors envenimée… » »

Résultat : les Verts perdent l’occasion de réussir un quintuplé historique et le titre échoit à Marseille en mai 71. Une année fastueuse lors de laquelle Josip Skoblar, l’avant-centre olympien, inscrit quarante-quatre buts. L’année d’après, flanqués d’une escadrille de haut vol (Magnusson, Gress, Novi ainsi donc que Carnus, Bosquier et Skoblar), les Marseillais réussissent le doublé. Marcel Leclerc, une manière de Tapie avant l’heure, propriétaire du journal But, se voit plus beau qu’il n’est. Le club ne sera pas champion avant dix-sept ans. Il n’empêche : le phare phocéen recrute Jaïrzinho et Paulo Cesar, deux champions du monde de 1970, deux ans plus tard. Une pantalonnade qui ne durera même pas une saison. Les sudistes veulent en découdre avec le tenant du titre stéphanois qui brille en Coupe d’Europe des Clubs Champions. En vain. Tandis que les Verts se font sortir en demi-finale de la C1, ils atomisent l’OM dans le chaudron (4/1) et les laissent à bonne distance. Se quicher avec le club dominant devient alors un sport majeur à Marseille. « C’est notre transfert qui a mis le feu aux poudres et surtout la personnalité des deux présidents. Rocher et Leclerc ne pouvaient pas se piffer. Les successeurs de Leclerc ont continué dans cette voie-là » , poursuit Bernard Bosquier. Les minots Anigo et Di Meco

Quand St-Etienne musarde en chemin, on pouvait alors compter sur Nice pour gambader largement devant jusqu’à la trêve. Champions d’automne presque à tout coup, la salade niçoise finissait par dépérir en plein hiver pour sauver les meubles au printemps. La plupart du temps, les hommes de Roger Loeuillet, le président mégalo et caractériel (pour sûr) de l’OGCN, récupéraient quelque accessits au printemps et rapinaient une place en Coupe de l’UEFA. Les Verts intouchables, ils braconnaient sur les mêmes terres que leurs cousins provençaux. Pire : la proximité géographique pouvait conférer à l’affrontement de faux airs de derby. « Entre les joueurs, il n’y avait pas d’hostilité particulière, c’était presque un match comme un autre. Au début, les dirigeants marseillais allumaient toujours les premiers mais ils avaient trouvé à qui parler avec Roger Loeillet, le patron de l’OGCN » , détaille Jean-Noël Huck, une des nombreuses recrues symbolisant le recrutement dispendieux du club niçois. S’il conserve des souvenirs de matchs houleux, l’affrontement contre les dames de la côte ne dispense pas les mêmes saveurs que le clash contre l’ogre stéphanois (six titres entre 1967 et 1977 et cinq Coupes de France, sans compter les épopées continentales). Même s’il n’y a pas de match en termes de chiffres et d’impact dans l’imaginaire collectif, Leclerc, arrivé en 1965, a réussi son pari en raflant deux coupes et deux titres. Il plonge même dans le vieux port après la coupe de 1969 avant d’être viré fin 72 pour détournement de fonds. Un destin original que les dirigeants français majeurs dupliqueront à l’avenir : Hechter, Rocher, Bez, Tapie… « Pour exister, les Marseillais avaient besoin de se comparer à ce qui faisait de mieux, en France comme à l’étranger. C’était le cas de Saint-Étienne détaille Bosquier. Dans la tête de tous, l’OM ne pouvait pas se résoudre à jouer les seconds rôles. Défier l’incontestable club phare, c’était une manière d’exister » . Une façon de se surestimer également. En 1976, les sudistes remportent une neuvième Coupe de France, ce sera leur chant du cygne avant que Tapie ne vienne au secours de la PME en difficulté dix ans plus tard. Dans l’intervalle, les futurs champions d’Europe connaissent une relégation en 1980 (malgré Trésor, Six ou Berdoll). Les minots Anigo, Di Meco et autres de Bono doivent ferrailler… quatre longues années au sous-sol du foot hexagonal, évitant même de peu l’humiliation de descendre derechef en troisième division en 1981. Une vraie cure d’humilité si on n’était pas à Marseille… En 1984, Saint-Étienne subit les séquelles de l’affaire de la caisse noire pendant que Nice entame un long bail d’austérité. Le Bordeaux de Claude Bez tient le haut du pavé et flirte avec une finale de coupe d’Europe qu’il n’atteindra jamais (deux demi-finales, une pile de quarts). Il gagne des titres mais emmerde le reste du pays. Pendant ce temps-là, Marseille reconstruit. Gaston Deferre, « le maire de l’OM », décide de rebooster le volcan endormi et deale avec le nouveau wonderboy de l’époque, Bernard Tapie, qui doit reprendre durant l’été le recordman des victoires en coupe. En mai 86, Tapie s’invite quand même à la finale de ladite coupe, Bordeaux-Marseille, pour « prendre ses quartiers » et humer l’odeur des sommets. « Tout de suite, on a senti que Marseille allait bénéficier d’un nouvel élan. Claude Bez, notre président, aussi. Du coup, la rivalité s’est instaurée très vite entre les deux clubs, entre les deux boss. Le transfert de Gigi (Alain Giresse), le joueur emblématique des Girondins, en a aussi rajouté une couche » , détaille Thierry Tusseau, l’ancien défenseur bordelais. Entre Bez et Tapie, le clash est frontal. Un choc de deux mondes qui s’abhorrent, celui de l’expert-comptable de la grande bourgeoisie bordelaise qui investit sa fortune gagnée dans l’immobilier et celui du gamin du Bourget parvenu au sommet en empruntant l’escalier de service. Le petit gros moustachu qui bégaie et le play-boy de la libre entreprise. Si les deux trajectoires se croisent, Marseille veut se colleter d’emblée avec le ténor du moment.

[page] « La rage s’est déplacée »

En 1987, la même finale de coupe, Bordeaux-Marseille, donne le même résultat. Les destinées s’inversent et les deux présidents s’invectivent par voie de presse. Bez ne baisse pas la garde, vient au Vélodrome en voiture de luxe, escorté par des gardes du corps. Il n’a peur de rien, ni de personne. En 1988, sous son amicale (!) pression, la FFF limoge Henri Michel et il devient l’intendant de l’équipe de France. Tapie ne cesse de le harceler, le menaçant d’un contrôle fiscal que diligenterait son ami Michel Charasse, ministre du Budget. L’expert-comptable se noie bien avant dans les comptes (36M d’euros de trou) et le club sera relégué administrativement l’année où l’OM jouera sa première finale de C1, en 1991. « Assez vite, entre les deux clubs, l’ambiance est devenue irrespirable même si les Girondins commençaient à décliner. Les présidents ne pouvaient pas se voir en peinture. Ensuite, la rage des Marseillais s’est déplacée vers les Parisiens » , conclut Thierry Tusseau.

Avant même son entrée dans le capital du PSG, Canal Plus entretenait d’excellentes relations avec l’Olympique de Marseille de Bernard Tapie. Entre gens du monde, entre dirigeants aux intérêts communs. Le diffuseur exclusif du championnat de France a tout intérêt à ce qu’un (ou des clubs) joue(nt) les premiers rôles en Europe et dans l’Hexagone. L’OM doit trouver des rivaux à sa hauteur pour maintenir le suspense en première division et pouvoir ferrailler sur le continent. Saint-Étienne, Bordeaux, Nice retournés à l’anonymat; Nantes, trop intermittent et Lyon encore pré-pubère : Tapie voit tout de suite d’un bon œil l’arrivée d’un grand groupe industriel à Paris. Cette fois-ci, Marseille ne défie plus le cador de la ligue, il est celui-là. Ce sont les intérêts stratégiques, économiques, voire sportifs bien compris des deux clubs qui président à la querelle. « Cette rivalité s’est construite quand Canal Plus a pris le contrôle du club parisien. Pourquoi ? Parce que ce sont les deux clubs français qui possèdent l’impact médiatique et sportif le plus fort ; les deux seuls clubs à avoir gagné une Coupe d’Europe. Ensuite, leurs résultats en dents de scie ont permis de l’enraciner au point de l’enraciner dans le temps et de devenir ce qu’on appelle aujourd’hui le Clasico » , justifie Luis Fernandez (1). Les ultras des deux camps ont donc fait là où leurs dirigeants leur ont dit de faire. Après, comme à la Guerre de Cent Ans, on ne sait plus qui a commencé, ni comment mais l’essentiel est ailleurs, il faut que le conflit perdure. Au reste, on n’est plus dans la tarte à la crème du « Paris contre la province » mais plutôt dans le « Marseille contre le reste du monde ».

Quid de l’OL ?

Le énième ennemi héréditaire des Phocéens se trouve être le septuple champion de France, le club émergent des années 2000, l’Olympique Lyonnais. Canal, toujours lui, a essayé d’en faire un concept, « l’Olympico », le combat entre la deuxième agglomération et la deuxième ville de France. En vain. Quand le marketing vient d’en haut, il s’impose rarement aux foules. Les supporters marseillais lui préfèrent le Clasico, plus ancré dans les mœurs, plus lisible comme affrontement manichéen. Peu importe qu’il ait été créé de toutes pièces par des dirigeants cyniques, la mémoire n’a jamais été le fort des fans, parisiens comme marseillais. Ils n’oublient jamais de siffler les joueurs qui ont contribué à la légende de leurs propres clubs quand ils reviennent sous d’autres couleurs (de Heinze à Weah, de Deschamps à Papin). A Marseille, ce n’est pas un problème puisque les Phocéens n’ont pas de concurrents, ils n’ont que des ennemis…

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(1) : in « Le Bêtisier PSG/OM », Jean-François Pérès, Editions du Rocher

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