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Loïc Badé : « Je suis passé de l’ombre à la lumière en un éclair »

Propos recueillis par Thomas Broggini, à Séville
10 minutes

Révélation des Bleuets lors des Jeux olympiques, le défenseur central savoure sa décision d’avoir rejoint le Séville FC il y a deux ans après son échec en Angleterre. Et comme chaque match, le derby de dimanche contre le Real Betis sera un étape en plus vers son retour avec les Bleus de Deschamps.

Loïc Badé : « Je suis passé de l’ombre à la lumière en un éclair »

Tu es arrivé au Séville FC comme un inconnu en janvier 2023 après une demi-saison au placard à Nottingham Forest. Deux ans plus tard, tu es un titulaire indiscutable et un leader de cette équipe. En quoi es-tu devenu un meilleur défenseur, à bientôt 25 ans ? Beaucoup de choses ont changé. J’ai plus d’expérience, je fais moins d’erreurs et je connais beaucoup mieux le championnat, puisque j’ai joué contre quasiment toutes les équipes, dans tous les stades. Ça aide. Et dans l’équipe, j’ai désormais plus de responsabilités, ce qui me permet de prendre les choses en main quand les circonstances le demandent. J’ai aussi progressé mentalement.

Dans quel état d’esprit étais-tu après ton échec en Angleterre ? Je n’avais qu’une envie : accumuler du temps de jeu. Je ne pensais d’ailleurs pas que ça se ferait aussi vite, car il y avait une grosse concurrence en défense à Séville – encore plus qu’en Angleterre où je n’avais joué aucun match –, mais c’était évidemment mon grand objectif. J’ai « profité » de certaines blessures pour être titulaire plus rapide que prévu. Et une fois que j’ai eu ma chance, je n’ai rien lâché.

As-tu le sentiment d’avoir perdu du temps en quittant Rennes pour rejoindre une équipe promue en Premier League ? Non car, même sans avoir joué un seul match, je pense avoir appris des choses là-bas. D’ailleurs, sans ce passage en Angleterre, je n’aurais pas rejoint Séville. Bien sûr, c’était une expérience très compliquée, qu’aucun footballeur n’aimerait vivre. Mais je peux dire avec le recul que ça m’a servi. J’ai appris à me connaître. Ça m’aide aujourd’hui à mener une réflexion plus approfondie sur mes choix de carrière.

À ce propos, Aston Villa était chaud pour te faire venir lors du mercato d’hiver. Pourquoi être finalement resté ? C’est un très gros club anglais qui joue la Ligue des champions, donc ça m’a fait réfléchir. Mais j’avais vraiment à cœur de terminer la saison à Séville. J’ai besoin de jouer. Par rapport à notre début de saison, je savais qu’à moins d’une blessure, j’allais normalement avoir du temps de jeu. C’était une forme de sécurité. Mentalement, c’est compliqué de passer d’un championnat à un autre comme ça en plein milieu de saison. Je pense que ce n’était pas le bon moment. Je me sens à 100 % investi dans le projet sévillan. (Il a prolongé en septembre son contrat jusqu’en 2029, avec une clause de départ à 50 millions d’euros.)

Est-ce que la question se reposera cet été ? Peut-être. Je ne sais pas. De nouvelles propositions peuvent arriver à chaque mercato. Tout dépend du projet sportif. Il faut toujours réfléchir.

À Nottingham Forest, non seulement je ne jouais pas, mais je n’étais même pas dans le groupe. Quand ça se passe comme ça, on repense à la carrière qu’on avait imaginée, on abaisse ses critères, on doute… Cette Ligue Europa a refermé ce chapitre.

Loïc Badé

Mais accepterais-tu de jouer une deuxième saison de suite sans Coupe d’Europe ? Avec Séville, bien sûr. J’ai des objectifs élevés, donc j’aimerais évidemment jouer l’Europe. Si ça se passait mal sur la deuxième partie de saison et qu’on n’atteignait malheureusement pas cet objectif, je pourrais avoir cette sensation de ralentir sans Ligue Europa ou Ligue des champions, mais Séville reste un club qui a le potentiel pour y accéder. Si j’ai encore plus de responsabilités au sein de l’équipe… Ça pourrait être un beau challenge quand même.

Comment juges-tu la saison de Séville jusque-là ? On manque de régularité dans les résultats (le Séville FC est 10e de Liga à 16 points de la 4e place). Dans le jeu, on est intéressants, on fait parfois de très bonnes choses et on essaye de toujours avoir de la personnalité, de jouer avec nos principes. On a fait de très beaux matchs qu’on a fini par perdre, contre l’Atlético de Madrid par exemple (défaite 4-3 avec un but d’Antoine Griezmann à la 90e+4, le 8 décembre). Sur le papier, il y a une différence entre notre équipe et ce genre d’armada, comme le Real et le Barça. On est moins expérimentés, plus jeunes. On n’a pas le droit à l’erreur contre eux. On parle du très haut niveau. Mbappé, Griezmann, Yamal, Álvarez…  Ça va très vite. Tu progresses forcément en affrontant ces grands joueurs. On est dans le ventre mou du classement, mais il reste encore pas mal de matchs pour finir plus haut.

En 2023, cinq mois après ton arrivée dans un club en crise, relégable en Liga, tu remportais la Ligue Europa. Plutôt dingue, non ? (Sourire.) L’histoire est magnifique. Je suis passé de l’ombre à la lumière en un éclair. J’essaye de m’en souvenir quand je traverse des moments plus compliqués. C’est ce qui fait la beauté du football : rien n’est jamais fini. Ça a été une leçon de vie. La preuve qu’il faut toujours travailler et y croire, qu’un match raté peut être suivi d’un autre réussi. Que tout n’est pas noir ou blanc. J’ai savouré cette aventure du premier au dernier moment, avec ce but inoubliable que je mets contre Manchester United (en quarts de finale retours) pour pimenter le tout. Finalement, ce titre, c’était beaucoup d’émotions, comme une revanche personnelle après mon expérience en Angleterre. À Nottingham Forest, non seulement je ne jouais pas, mais je n’étais même pas dans le groupe. Quand ça se passe comme ça, on repense à la carrière qu’on avait imaginée, on abaisse ses critères, on doute… Cette Ligue Europa a refermé ce chapitre. J’ai maintenant conscience que les choses peuvent très vite changer. Je vais toujours de l’avant.

Restons sur les émotions fortes. Que retiens-tu du parcours de l’équipe de France aux Jeux olympiques ? (Son visage s’illumine.) Au-delà du résultat (une médaille d’argent), j’ai vraiment été marqué par l’aventure humaine. Un truc extraordinaire. On a kiffé du début à la fin. On a créé des liens très forts. C’est d’autant plus fou que je n’étais même pas censé y participer. J’étais parti en vacances à Cancún (au Mexique) avec des amis. Au bout d’un jour, le team manager de la sélection m’appelle et me dit que le coach (Thierry Henry) aimerait me parler. Ça s’est fait rapidement. Je m’étais un peu préparé car, en voyant sur les réseaux sociaux qu’untel ou untel avait refusé, je m’étais dit que mon nom pouvait peut-être sortir à un moment donné. Pour moi, c’était clair, je n’avais même pas besoin de réfléchir. Le lendemain, j’étais dans l’avion.

Le secret des Bleus aux JO ? La cohésion au sein du groupe. C’était notre grande force.

Loïc Badé

Quel était le secret de cette équipe ? La cohésion au sein du groupe. C’était notre grande force. On n’hésitait pas à se dire les choses. On travaillait vraiment dur pendant les séances d’entraînement, mais toujours dans la bonne humeur. On savait quand on pouvait rigoler et quand on devait vraiment se mettre au boulot. À l’image de Thierry Henry en fait, qui savait switcher. Il était à la fois très chambreur et très travailleur. Il savait comment nous dire les choses. Et vu son expérience, on l’écoutait tous très attentivement. Il a eu un rôle très important dans ce parcours.

Comment as-tu vécu le quart de finale sous haute tension contre l’Argentine ? (Sourire.) On a mis tout notre cœur dans ce match, car on connaît la rivalité qui s’est développée entre les deux pays depuis la Coupe du monde. Et encore plus avec ce qui s’était passé dans le car des Argentins (le chant raciste entonné par Enzo Fernández et ses coéquipiers après la finale de la Copa América, deux semaines plus tôt, NDLR). C’était l’occasion de prendre une petite revanche et de montrer qu’on avait du caractère. On devait ça à nos supporters. On était en mission.

Tu penses encore à la finale perdue contre l’Espagne (5-3 après prolongation) ? Parfois, oui. Ça reste une défaite amère parce qu’on avait égalisé à la toute fin du temps additionnel. On avait fait tellement d’efforts… D’un côté, j’ai des regrets quand je vois à quel point on était proches de cette médaille d’or. D’un autre, je me dis qu’on a vraiment tout donné du début à la fin. Je pense aussi que l’Espagne a été meilleure que nous sur certains détails. Elle n’a pas volé sa victoire.

Comment avez-vous vécu les heures suivant cette défaite ? Il y avait beaucoup de déception. Mais le coach nous a remis les idées au clair en nous rappelant la beauté de notre aventure. On a réussi à profiter un peu entre nous à Clairefontaine, où les familles sont venues nous rejoindre. On a quand même fait vibrer les gens, c’est ce qu’il faut retenir. L’ambiance était vraiment ouf dans tous les stades. C’est inoubliable.

Dans le prolongement de cet été magique, tu as connu ta première convocation chez les A en septembre, avant de quitter le rassemblement sur blessure, puis d’être rappelé en octobre. Comment as-tu été accueilli ?  L’intégration s’est faite naturellement, c’était top. C’est un groupe jeune, on se connaît tous plus ou moins. Ça facilite les choses. Encore plus avec les arrivées dans le groupe de Michael Olise et Manu Koné, avec qui j’ai vécu les JO. C’est une grande fierté d’être appelé en équipe de France. Ça donne la sensation d’avancer, d’être récompensé de ses efforts. Je sens que je progresse, que je franchis les étapes à mon rythme. Après, évidemment, il y a toujours cette envie d’aller plus haut. J’ai eu la chance d’intégrer deux fois le groupe. Maintenant, je voudrais bien sûr revenir, puis un jour jouer et être performant. Je me fixe des objectifs petit à petit.

J’ai envie de revenir en équipe de France. Avant chaque match en club, je me dis qu’il faut être encore plus performant dans l’optique du prochain rassemblement.

Loïc Badé

Quel discours t’a tenu Didier Deschamps ? Il m’a surtout dit de ne pas me mettre de pression. On a la chance d’avoir un groupe extraordinaire en équipe de France, sportivement et humainement. Le niveau est très, très élevé, tous les gars jouent dans les plus grands clubs européens, donc on peut ressentir cette pression en arrivant. Mais il m’a dit de faire ce que je savais faire, d’être moi-même, de prendre du plaisir et de profiter.

Que change ce nouveau statut d’international ? Il me motive encore plus. J’ai envie de revenir en équipe de France. Avant chaque match en club, je me dis qu’il faut être encore plus performant dans l’optique du prochain rassemblement. La Coupe du monde 2026, j’en rêve, bien sûr, mais je ne me projette pas aussi loin. Pour faire partie de ce groupe, il va falloir travailler très dur au quotidien.

D’autant plus que tu évolues à un poste où la concurrence est féroce en équipe de France… J’en ai conscience. On a les meilleurs défenseurs du monde. Se mettre à la hauteur de ces joueurs-là, c’est un vrai défi. Une motivation supplémentaire. Je n’ai pas un modèle particulier à mon poste. J’aime m’inspirer des tout meilleurs. J’ai eu notamment la chance de jouer avec Sergio Ramos ici (lors de la saison passée)… J’ai beaucoup appris de lui, notamment de son leadership, sa manière de diriger la défense, de prendre ses responsabilités. C’est un exemple à suivre.

Loïc Badé forfait pour France-Italie ?

Propos recueillis par Thomas Broggini, à Séville

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