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L’Odyssée lisboète de Vlachodimos
Les vents de la mer Égée menèrent Ulysse d’île en île pendant près de dix ans. Le mal nommé Odysseas Vlachodimos, lui, s’accroche solidement à un rocher lisboète depuis cinq ans, sans qu’aucun vent fort ne cherche réellement à l’en éloigner, malgré des performances souvent contestables.
Souffrant d’un grand vide laissé dans ses buts depuis le départ d’Ederson à Manchester City un an plus tôt, Benfica recrute à l’été 2018 un gardien inconnu du grand public. Il porte le nom d’Odysseas Vlachodimos, est né et a été formé à Stuttgart et joue au Panathinaïkós, au pays de ses parents. Cinq ans plus tard, le gardien grec cumule près de 220 apparitions avec le club lisboète, faisant de lui le gardien de but le plus représenté au club sur le siècle actuel. Un constat saisissant qui contraste avec l’avis de nombreux observateurs et supporters du SLB, jugeant que le n°99 des Aigles n’est pas à la hauteur du club qu’il représente.
Une tragédie grecque dans les buts benfiquistas ?
Il y a quelques jours, l’ancien pensionnaire des buts benfiquistas Artur Moraes critiquait directement celui que l’on appelle aussi bien par son nom que par son prénom. « Pour quelqu’un qui est à Benfica depuis cinq ans, Vlachodimos devrait être meilleur, confiait-il à SportTV+. Il doit apporter bien plus de présence. » S’ils émanent d’un joueur qui ne fit jamais l’unanimité non plus, ces propos résonnent avec des critiques qui se font de plus en plus pressantes autour du gardien grec. Ses relances souvent approximatives et son jeu au pied sont régulièrement pointés du doigt. Des lacunes d’autant plus mises en évidence lorsque le gardien d’en face, lors de la double confrontation européenne en cours face à l’Inter, se nomme André Onana. Sur les ballons en profondeur, les sorties rarement bien calculées et trop tardives d’Odysseas ont souvent été préoccupantes, bien qu’il ait progressé sur cet axe de jeu ces derniers mois. Enfin, c’est surtout sa faiblesse dans le jeu aérien qui est mise en exergue. Comme Ulysse face à Charybde et Scylla, Odysseas sort rarement vainqueur de ses joutes aériennes face aux attaquants qu’il affronte. Côté statistique là encore, Odysseas Vlachodimos ne convainc pas. Les buts encaissés prévus – calculés sur la base des Expected Goals subis – ne le mettent pas à l’honneur en championnat, avec un résultat négatif (-0,4). En d’autres termes, il n’a pas aidé son équipe à éviter le moindre but cette saison en championnat. Dans les sept meilleures ligues européennes, tous les gardiens de l’équipe en tête de son championnat affichent quant à eux des résultats positifs, à l’exception d’Aaron Ramsdale (Arsenal) qui accuse un résultat neutre. Marc-André ter Stegen (FC Barcelone) a ainsi sauvé au moins 5 buts contre 4 pour Justin Bijlow (Feyenoord). Si Benfica est la meilleure défense nationale avec seulement 16 buts encaissés, c’est donc surtout grâce au travail de la charnière Nicolás Otamendi-António Silva.
Sur penalty, ce n’est guère mieux. Odysseas n’a arrêté que 4 tirs au but durant toute sa carrière à Benfica. C’est autant que son compère du FC Porto Diogo Costa, uniquement sur la saison actuelle. Autant dire que mardi dernier, Romelu Lukaku n’a pas réellement tremblé face à l’ancien Athénien pour lui inscrire un penalty assommant. Malgré cela, tout n’est pas à jeter chez le gardien grec, capable d’être à lui seul l’élément clé de l’équipe sur certains matchs. « Si l’on se fie au championnat, il offre toutes les garanties, juge Luís Cristóvão, commentateur portugais de la SIC. Mais si l’on se place sur une échelle européenne, il est très probable que personne ne le mette parmi les meilleurs joueurs, ni du Benfica, ni de l’ensemble des gardiens de but. » Par ailleurs, certains supporters de Benfica ne comprennent pas la pluie de critiques visant le gardien. C’est le cas de Nelson. « J’ai du mal à tirer sur un joueur qui nous a sauvé les fesses à plusieurs reprises ces dernières années. Aujourd’hui, il est moins bien, mais c’est l’un des gardiens les plus réguliers qu’on ait eus depuis dix ans », commente-t-il. « Il y a des critiques compréhensibles à son égard parce qu’il y a un haut niveau d’exigence, mais on peut difficilement dire que Benfica a beaucoup souffert d’avoir ce gardien ces dernières années », ajoute Luís Cristóvão.
Une odyssée de circonstances
Aussi clivant soit-il, Odysseas est titulaire depuis cinq saisons dans un club affichant de plus en plus haut ses ambitions européennes. En mars, il a même été prolongé jusqu’en 2027, devenant le quatrième joueur le mieux payé de l’effectif devant le capitaine Nicolás Otamendi. Les explications à ce phénomène sont multiples. D’abord, un vide à combler après le départ d’Ederson à Manchester City en 2017. Aucun des autres gardiens passés par le SLB entre-temps n’a plus donné satisfaction qu’Odysseas. Aussi, le manque d’intérêt à l’étranger. Les prétendants d’Odysseas ne se bousculent pas autant que pour Pénélope à Ithaque. Le joueur n’a que brièvement intéressé le LOSC à l’été 2021. En août 2022, c’est l’Ajax qui a failli l’accueillir, ses documents ayant été envoyés quelques minutes trop tard lors de la dernière journée du mercato. Un manque d’intérêt qui confirme des impressions visuelles. Statistiquement, Odysseas était pourtant le second meilleur gardien lors de la Ligue des champions 2021-2022, derrière Thibaut Courtois. « Je pense que Benfica est dans un certain confort avec ce gardien et a compris qu’il ne tirerait pas de lui une somme assez conséquente pour compenser son départ », pense Luís Cristóvão. En prolongeant Odysseas, la volonté implicite du club est aussi de laisser Samuel Soares et André Gomes – deux jeunes gardiens issus du centre de formation – grandir dans l’ombre du Grec. En allant au bout de son nouveau contrat, Vlachodimos poursuivrait son odyssée lisboète sur près de dix ans, passant autant de temps qu’Ulysse loin de sa Grèce chérie.
Par Amaury Gonçalves