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Lloris, Hugo boss
L’équipe de France s’avance au pied de l’Euro avec un capitaine nommé Hugo Lloris qui, de loin, ressemble trop à un choix par défaut pour être un vrai bon choix. Sauf qu’en s’équipant d’une loupe, l’idée est loin d’être aussi vide de sens que ça.
Comme pour tout président, les intentions d’hier deviennent les reniements d’aujourd’hui. Laurent Blanc n’échappe pas à cette règle. Même si, en l’occurrence, personne n’aurait envie de lui faire le procès d’avoir finalement opté pour Hugo Lloris comme capitaine de l’équipe de France, après avoir expliqué dans tous les sens que, pour lui, le porteur du brassard devait davantage être un joueur de champ plutôt qu’un gardien coincé géographiquement dans ses propres cages. Non, personne ne songerait vraiment à dénoncer cette volte-face du sélectionneur, car, la vérité, c’est qu’aucun joueur ne s’est réellement imposé comme une évidence et, plus que le cas du portier lyonnais, c’est cet élément qui nous interpelle. Et, pourquoi ne pas le dire, nous inquiète même. Car ce capitanat donné à l’ancien Niçois dit surtout quelque chose du reste du groupe où l’absence de leadership figure une empreinte de faiblesse.
Le favori s’appelait bien Éric Abidal, mais quelques vilaines tâches sur son foie ont mis le Barcelonais sur le flanc, et il se murmure que, de toute façon, le latéral gauche blaugrana n’aurait pas été chaud-bouillant à l’idée d’être le fer de lance de la sélection, après avoir contribué à la planter, il y a deux ans, du côté de Knysna, où le brave « Abi » aurait eu un rôle essentiel dans la mutinerie. Il y avait bien une autre option nommée Philippe Mexès, mais, avec le recul, on se dit que Blanc, qui a gardé une sacrée vision du jeu, a bien fait de laisser le Milanais s’occuper de ses bourrelets sans lui donner, en plus, le leadership du navire. Et on passera pudiquement sur le cas Alou Diarra, tellement contestable sportivement que l’affaire aurait fait passer Blanc pour un animateur de colo qui récompense ses chouchous. En revanche, dans un avenir plus ou moins lointain, un Yohan Cabaye, encore trop « neuf » pour postuler, pourrait bien avoir l’allure d’un vrai chef. À suivre…
L’homme sans lèvres mais pas sans verbe
Ne restait donc dans l’immédiat que le choix Lloris. Un choix par défaut, mais un vrai choix quand même. Car on a tôt fait de conclure que l’homme sans lèvres serait un homme sans verbe. Or, ce n’est pas tout à fait exact. Au vrai, Lloris est sans doute devenu capitaine un soir d’avril 2011, quand, devant les caméras indiscrètes, il avait pété un câble et quelques portes après une cagade de Lyon face à Nice. Bien sûr, ses cris de rage volaient un peu trop haut dans les aigus, mais l’énergie était réelle et le message clair : ce soir-là, Hugo a fendu l’armure. Même si ceux qui le pratiquent depuis longtemps ont toujours connu la moelle de ce drôle d’oiseau, bien élevé, bien coiffé, bien né, même (papa banquier à Monaco), mais sacrément déterminé. « Tout le monde parle du mental de Mandanda, nous narrait en 2008 Franck Raviot, alors entraîneur des gardiens en sélection de jeunes.Mais on sous-estime le mental et le leadership d’un Lloris dans le contexte niçois qui est très compliqué, tant sur le terrain qu’en coulisses. »
Et il faut bien admettre que le sage Hugo est devenu à Lyon celui qui dit les choses, notamment en interview, où il pointe régulièrement ce qui ne va pas, à sa manière bien à lui, tranquillement, sereinement, mais efficacement, et ils ne sont pas nombreux à pouvoir se permettre ça quand le patron s’appelle Jean-Michel Aulas. Aujourd’hui, que ce soit à l’OL (lui aussi privé de leaders) ou en Bleu, Lloris en impose, irréprochable sportivement et humainement. Une denrée pas si fréquente depuis six ans, en équipe de France. On a connu les leaders absolus (Platini), les leaders mentaux (Deschamps), les leaders techniques (Zidane). Peut-être est-il venu le temps du leader par l’exemple, une idée comme une réponse aux tourments vécus par le football français dernièrement. Et si Lloris était un capitaine de son temps ?
Dave Appadoo