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Llorente, une star est née ?
C'est bien connu. Après une coupe du monde, les champions ne sont jamais à la fête. Villa est fantomatique, Torres déprimé, mais l'Espagne s'est déjà trouvé un nouveau goleador des surfaces en la personne du géant Fernando Llorente. L'ex-enfant de chœur est devenu le killer le plus fashion du moment. Portrait de l'avatar basque.
Fernando Llorente l’a appris récemment : il n’est pas un enfant de l’amour. « Mon grand-frère Jesus Miguel a 15 ans de plus que moi et ma sœur Aitzabel, 13. Mes parents m’ont dit qu’ils n’avaient pas du tout prévu de concevoir un troisième enfant… Pour eux j’étais simplement un heureux accident ! » . L’enfant non désiré est pourtant devenu la fierté de la famille en devenant champion du monde avec la Roja. Le Mondial, le grand blond aux yeux bleus a pourtant bien failli le regarder à la télévision. Avant de partir pour l’Afrique du Sud, le coach espagnol souhaitait disposer d’une alternative sérieuse au tiki-taka léché de ses cadres en sélectionnant des joueurs de côté capables de pratiquer un football direct (Pedro, jesus Navas) et d’envoyer des ballons dans la boite. Avec son physique d’équarrisseur, son mètre 93, ses 85 kilos et son jeu de tête superlatif, Llorente s’est imposé comme une évidence aux yeux du coach moustachu.
Sélectionné in extremis à la place d’un Negredo catastrophique en fin de saison, l’option Llorente a pourtant été mal perçue par les puristes les plus pointilleux. Nombreux étaient ceux qui faisaient en effet l’amalgame entre le physique pataud du Basque et le retour de cette immonde furia dénuée de talent mais gavée de testostérone. Ce “délit de faciès”, Llorente va s’en défaire lors du huitième de finale contre le Portugal. Lancé de manière surprenante par Del Bosque alors que tout le monde s’attend à voir Fabregas remplacer le fantôme de Torres, Llorente dynamise à lui seul l’attaque de la Roja, martyrise la défense portugaise et fait également taire ses détracteurs grâce à son excellente prestation. C’est également lui qui sera à l’origine de l’action du but vainqueur de Villa et permettra à l’Espagne de poursuivre sa marche en avant vers le titre suprême. Depuis, Llorente a aligné 4 buts lors des quatre derniers matchs de la Roja et claqué 6 pions en 8 matchs pour les Leones de Bilbao. Des stats qui ne sont pas passées inaperçues dans le bureau du directeur sportif du Real Madrid, Jorge Valdano : « Il y a quelques mois Llorente était une promesse, mais désormais c’est un killer en pleine confiance. Le Mondial l’a aidé à murir. Ce n’est pas le typique grand joueur qui sait uniquement utiliser son corps, c’est plus que cela. Il a de la classe. D’ailleurs je crois que le temps est venu pour lui d’intégrer un grand club » . Pour la première fois de sa vie, Fernando Llorente est l’objet de tous les désirs. Problème : les strass, les paillettes et les Galacticos, c’est pas vraiment son truc.
Né à Pampelune, le grand blond a passé toute son enfance à Rincon de Soto, un bled de la Rioja de 3500 âmes, réputé pour son vin et son saucisson. C’est sur la place du village que Llorente a commencé à tâter le cuir avant d’intégrer la modeste équipe de Funes. Il a 10 ans quand José Maria Amorrortu, le responsable du centre de formation de l’Athletic, débarque pour lui proposer d’intégrer Lezama (nom de la cantera des Rojiblancos) : « Il était plus grand, plus fort et plus doué que les autres, mais le problème, c’est que le Barça nous avait déjà devancés. J’ai appris quelques jours plus tard que son oncle était socio de San Mames et je lui ai demandé de convaincre ses parents pour que Fernando signe à l’Ahtletic… Heureusement, le lobbying a fonctionné ! » A 12 ans, l’adolescent quitte le foyer familial pour Arenas, dans la banlieue de Bilbao, où l’attendent Benito et Maité sa famille d’accueil. « Sans eux je n’aurais pas tenu, se souvient Llorente. Ils m’ont donné beaucoup d’affection et de confiance pour continuer » . Malheureusement, sa mère “adoptive” décède deux ans plus tard, ce qui précipite le départ de Llorente à Deusto, la ville qui accueille le centre de formation de l’Athletic. Sur place, il fait la connaissance de certains de ses futurs coéquipiers chez les pros, et notamment d’Amorebieta le boucher, mais néanmoins ami : « J’ai passé ma vie à recevoir des coups d’Amorrebieta. Il était déjà dur sur l’homme… Quelque part c’est aussi grâce à lui que j’ai appris à me servir de mon corps. Avant de le connaitre, j’étais innocent, limite insouciant » . Grand fan des “Simpsons” et d’“Alerte à Malibu”, Llorente passe définitivement à l’âge adulte lorsque son entraineur décide de le titulariser pour la première fois en Liga contre l’Espanyol suite au forfait sur blessure du mastodonte Urzaiz. Trois jours plus tard, Llorente débloque son compteur buts avec un triplé contre Las Palmas. Ernesto Valverde, aujourd’hui coach de l’Olympiakos, ne tarit pas d’éloges sur celui qu’il a lancé dans le grand bain : « Il a un physique exceptionnel ; dans les airs il est tout simplement imparable, mais attention il est très fin techniquement. C’est quelqu’un d’intelligent, il sait qu’il a un physique formidable, donc il ne s’est pas arrêté à ça. Quand j’étais à Bilbao, je me souviens qu’il insistait pour affiner sa technique, sa précision. C’est un gars de la campagne et ça se voit. Le travail ne lui fait pas peur » . Llorente, l’Ibrahimovic espagnol ? Faut pas déconner, même si le garçon a quelques prétentions techniques stylistiques : « Les coups du foulard, les elasticos comme Ronaldinho et tout ce genre de trucs… je sais faire. Les gens croient que les joueurs grands sont juste bons à marquer de la tête : c’est n’importe quoi ! Moi ce que j’aime par-dessus tout, c’est les double-contacts, par exemple. C’est pas encore les même que ceux d’Iniesta mais je ne désespère pas » .
Surnommé “prince Filipe” par ses coéquipiers de l’Athletic à cause de sa ressemblance avec l’héritier du trône d’Espagne, Llorente a pourtant passé son enfance de roturier dans les champs jouxtant Rincon de Soto. « J’ai visité beaucoup de pays depuis que je joue au football mais je n’ai jamais goûté des poires aussi juteuses que celles de mon village. Elles sont uniques » , se régale l’intéressé qui avoue également avoir côtoyé plus d’animaux que d’humains durant son adolescence : « Je donnais à manger aux cochons, j’accompagnais les bergers de mon village, je ramassais les œufs des poules de ma mère, et puis j’ai élevé des chats. J’en ai même appelé un Flipper » . Cet amour pour les bêtes lui est néanmoins passé, selon lui. « Mon père travaillait dans un abattoir. J’en prenais soin et lui il les tuait. Ça m’a fatigué » . Et si finalement ce n’était pas ça “l’heureux accident” qui avait provoqué l’éclosion du buteur le plus hype de la Liga ?
Athletic Bilbao/Getafe, aujourd’hui à 21h
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