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Liverpool doit-il virer Brendan Rodgers ?
Des buts à gogo, du jeu vers l'avant, des joueurs de classe : un cocktail explosif qui a failli faire sauter tout le Royaume. L'an passé, Liverpool échoua à quelques points d'un titre de champion historique - attendu par tout un peuple depuis 1990. L'entraîneur à l'origine de cette équipe flamboyante, c'est Brendan Rodgers. À l'heure de la confirmation et malgré des investissements conséquents, ses Reds ne parviennent pas à satisfaire les espoirs (trop ?) placés en eux. Alors que la valse des entraîneurs débutera d'ici quelques semaines, le board de Liverpool doit-il se séparer de Rodgers ? Éléments de réponse, en quatre poids quatre mesures.
Oui, car les objectifs sont ratés
Comment reprocher à Liverpool de ne pas être aussi excellent en Premier League par rapport à la saison dernière ? Avec la Ligue des champions dans les jambes et les chamboulements de l’intersaison, rajoutez-y des blessures, il était prévisible que la tâche s’avérerait plus corsée. De là à observer les Reds éjectés de la course au top 4 à sept journées de la fin – après la claque reçue à Arsenal… La (très) mauvaise passe automnale aura donc été un boulet insurmontable pour les joueurs de la Mersey. La même période où Liverpool s’est fait botter le cul en C1, dans une poule à sa portée avec le Real Madrid, FC Bâle et Ludogorets. Le salut aurait pu arriver des coupes « mineures » , mais là aussi, l’aventure s’est achevée prématurément. En Ligue Europa, le parcours s’est interrompu sur un coup du sort : un tir au pigeon labellisé Dejan Lovren, au bout d’une séance de tirs au but, au stade Atatürk, un lieu pourtant béni du peuple scouser. En League Cup, avec des joueurs mis au repos, les protégés de Brendan Rodgers ont fait ce qu’ils ont pu en demi-finale face aux solides Blues de José Mourinho. En vérité, les regrets sont surtout à sonder en Cup avec une défaite aux portes de la finale devant Aston Villa – qui lutte pour le maintien en Premier League. En se qualifiant pour la finale à Wembley, les Reds auraient pu offrir une ultime sortie en grande pompe à leur captain chéri, avant son départ pour les États-Unis et la MLS.
Non, car son bilan sportif est loin d’être risible
En signant pour le Merseyside Red à l’été 2012, Rodgers sait alors qu’il s’embarque dans une tâche loin d’être aisée : rendre ses lettres de noblesse à un monument du football européen en perdition. Liverpool sort alors de deux saisons noires en championnat – une 6e, puis une 8e place en PL, avec une League Cup au passage. Trois exercices plus tard, les coéquipiers de Steven Gerrard ont renoué avec la coupe aux grandes oreilles et se sont battus sans relâche cette année pour s’immiscer dans le « Big Four » . Entre-temps, l’acquisition d’une Cup aurait sans doute permis au coach Rodgers d’éviter bon nombre de critiques. Le fait est que l’ancien technicien de Swansea n’a pas à rougir des résultats obtenus. Et cela même si ses joues ont la fâcheuse tendance à virer couleur tomate au moindre rayon de soleil.
Oui, car la salle des trophées prend la poussière
« J’aurais aimé rencontrer Brendan quand j’avais 24 ans parce que je pense que je serais assis ici en train de parler des nombreux titres que nous aurions gagnés ensemble. » L’éloge est signée Steven Gerrard, en janvier dernier. Où comment donner une crédibilité sans limite à son manager Brendan Rodgers. Si Rafael Benítez a « offert » une C1, une Supercoupe de l’UEFA, une Cup et un Community Shield – le tout en six saisons – à Gerrard, sous la houlette de Brendan Rodgers, Stevie-G n’a jamais soulevé le moindre trophée depuis l’arrivée de ce dernier en 2012. Pire, Rodgers est le seul entraîneur de l’histoire du club à avoir tenu trois ans sur le banc d’Anfield sans glaner le moindre titre. Une véritable anomalie au sein de l’institution du Merseyside.
Non, car il symbolise la renaissance de la « Sainte Trinité »
L’analogie était trop criante pour passer inaperçue. Expression apparue à l’époque où Bill Shankly faisait de Liverpool l’un des clubs les plus performants du Royaume (1959-74), la « Sainte Trinité » représente le lien sacré entre les joueurs, le manager et les supporters. Une relation de confiance perdurable, transparente même, où les questions de contrats et de millions de livres sterling n’entrent pas dans ce cercle vertueux. Dès son accession au pouvoir, le tacticien nord-irlandais n’aura cessé de donner aux Scousers l’impression d’être la réincarnation de Shankly sur les bords de la Mersey. Aussi bien par de poignants discours sur le drame d’Hillsborough, qu’en prenant la défense des supporters boycottant par exemple le déplacement des Reds à Hull City (du fait de places hors de prix pour la working class), Rodgers a acquis le respect et l’amour – et évidemment une chanson – des fans de Liverpool. Ces derniers voient en lui un véritable protecteur de la ville et ses habitants.
Oui, car le recrutement est un flop saisissant
Le départ de Luis Suárez ne masque pas l’investissement record consenti l’été dernier. Adam Lallana, Dejan Lovren, Lazar Marković, Alberto Moreno, Mario Balotelli, Divock Origi (prêté ensuite au LOSC), Emre Can, Rickie Lambert : voilà pour les arrivées du dernier mercato estival – sans compter les prêts et retours de prêt – dans l’ordre décroissant du prix de la transaction. Le tout pèse 150 millions d’euros, ce qui a fait du LFC le troisième plus gros dépensier de l’intersaison 2014-15. Près d’une saison plus tard, le retour sur investissement se fait attendre. Au mieux, le prix d’achat paraît disproportionné (Can, Lallana), au pire, l’échec est évident (Balotelli, Lovren). Les autres (Marković, Moreno) sont un pari sur l’avenir encore au stade de l’expectative.
Non, car il a d’ores et déjà annoncé un recrutement taille XXL
S’attacher à une philosophie est une chose, être borné en est une autre. Habitué à recruter de jeunes joueurs très prometteurs (Marković, Can, Allen, Moreno…), Brendan Rodgers paraît décidé à repenser sa théorie. Exit le long terme, le Nord-Irlandais veut désormais engager des hommes déjà confirmés. « Nous devons améliorer l’équipe, comme chaque gros club le ferait, avouait fin avril le principal intéressé. Pour les supporters et le groupe, c’est bien d’avoir des joueurs de renom. Mon défi pour la saison prochaine sera de construire une équipe capable de traverser les tempêtes. » Avec des cadres engagés pour de longues années (Henderson, Coutinho) et la carte bleue option gold venue du board du club, il ne reste plus qu’à convertir ces paroles en actes. Sans forcément faire appel à David Pujadas.
Oui, car des grands entraîneurs sont sur le marché
« Rodgers out, Rafa in » , la bannière qui survolait Anfield Road samedi dernier, lors de la rencontre entre LFC et QPR, était l’œuvre de quelques plaisantins mancuniens. Une farce qui ne masque pas cependant la grogne d’une partie du peuple scouse à l’encontre d’un coach arrivé de Swansea en 2012… et la nostalgie envers Rafael Benítez, toujours une figure légendaire dans les mémoires des Reds. En fin de contrat à Naples, le nom du technicien espagnol circule avec insistance dans les médias pour un retour à L’pool. Sauf que l’agent de Benítez a rencontré le président du Napoli, Aurelio De Laurentiis, en vue d’une prolongation de contrat. Et le bon Aurelio a un carnet de chèques très persuasif. Du côté des bookmakers, Jürgen Klopp, Frank de Boer, et dans une moindre mesure Ronald Koeman, sont les autres prétendants sérieux à la succession de Rodgers. Il y a aussi cet entraîneur français basé à Saint-Étienne qui aurait bien envie de venir : on parle là d’un homme co-élu meilleur entraîneur de la Ligue 1 en 2013, aux côtés de Carlo Ancelotti, et nommé en 2015, c’est dire s’il est fort !
Non, car Liverpool tient enfin une parcelle de stabilité
Deux managers en 12 ans (Houllier 1998-2004, Benítez 2004-10), puis trois en autant de saisons (Hodgson, Dalglish, puis Rodgers à partir de 2012, donc). Sans pérennité depuis le départ de Rafa Benítez, Liverpool semble renouer avec une certaine constance. La saison précédente montrait enfin les fruits d’une logique sur le long terme, après deux premières saisons de restructuration en profondeur. En cas de rupture entre les deux parties, le quintuple champion d’Europe repartirait alors dans une phase de transition, où de nouveaux joueurs, amenés par un nouvel entraîneur, devraient trouver leur place dans un effectif qui commence enfin à prendre de la bouteille. Ou comment répéter les erreurs passées. Christophe Galtier attendra.
Par Florian Lefèvre et Eddy Serres