- Euro 2012
- Groupe C
- Italie/Croatie (1-1)
L’Italie fait le point
Un match nul, parfois, c’est tout de même trois points à se partager. Soit le match de Mario, celui de Cesare et puis celui de Prandelli. Prandelli qui avait donc choisi de titulariser à nouveau Mario, afin de lui donner une seconde chance, de ne pas le culpabiliser plus que de raison. Et comme, en plus, le rôle de joker va généralement très bien à Di Natale… Une sage décision et un Mario qui s’est montré fidèle à ce que l’on attendait de sa part, c’est-à-dire imprévisible. Parce qu’un match, pour Mario Balotelli, se joue avant tout contre lui-même. Puis, parfois, contre l’adversaire.
Mario tennis
De la défense croate, Mario a franchement vite pris la mesure : une première bonne frappe en pivot du gauche, juste à ras du poteau ; un bon appel dans l’espace entre le central et le latéral gauche ; une frappe qui a, certes, mis un peu de temps à venir, avant d’être malheureusement contrée ; une remise, sur une superbe ouverture de Pirlo, vers Cassano, alors que la frappe sans contrôle était bien tentante ; une balle perdue, puis récupérée dans la surface adverse, histoire de gratter un corner… Balo était de toutes les actions pendant la première demi-heure. Malheureusement, ses choix ne furent pas forcément toujours les bons. Plus que les défenseurs adverses, ce sont ses décisions qui lui ont compliqué la vie, ce qui n’est pourtant pas vraiment le genre de la maison. Mario en aura donc à nouveau déçu certains, contenté d’autres et peut-être même satisfait quelques-uns de par sa disponibilité, sa puissance et sa volonté de jouer, pas toujours juste, certes, mais juste de jouer.
Pour son compère de l’attaque, la vie aussi est un jeu et le football maintenant sans doute un peu plus une question de vie ou de mort. Croquant la défense croate à pleines dents, Antonio Cassano a passé son temps dans les intervalles, à créer, dévier, contrôler, orienter. Et à parfois se montrer trop gourmand aussi, comme sur ce centre en retrait, après avoir éliminé deux croates sur la droite de la surface. D’un côté, Bali et Balo se sont peut-être un peu trop complus dans la prise de risques. De l’autre, l’essentiel a été fait : ils se sont montrés dangereux, plus pour leurs adversaires que leurs coéquipiers, et l’Italie menait au score au moment de la sortie de Balotelli. Et c’est juste après sa sortie que la Croatie a égalisé, et ça, Mario non plus n’a pas pu s’empêcher de le remarquer…
Un plan tombé à l’eau
Pourtant, tout était bien parti. Une première mi-temps très accomplie pour l’Italie, avec un plan qui se déroulait sans accroc. Des efforts et de l’application dans la relance, et ce, depuis la base arrière, notamment via un Bonucci n’hésitant pas à faire le lien entre la défense et le milieu, plus encore que De Rossi. Un Marchisio toujours aussi utile, à la fois par son marquage au slip de Modrić et ses percussions couillues plein axe. Un Pirlo au four et au coup franc, magistral, une fois de plus, dans sa gestion des angles et des lucarnes. Et une ouverture du score logique, avant le choix, au moins aussi logique, de gérer le but d’avance. Pile-poil comme selon le cahier des charges. Ainsi, en première mi-temps, les troupes de Cesare avaient déjà accepté de connaître un certain temps faible, dix minutes de flottement durant lesquelles elles prenaient un peu l’eau sur les côtés, mais elles avaient su faire le dos rond, voire apprécier cette période de détente.
D’ailleurs, le break fut presque fait pendant cette période, avec cette double occasion de Marchisio sur laquelle toute l’Italie avait cru au but. En seconde, après avoir remis un coup pour essayer de faire le break, l’équipe a alors cru bon de vraiment reculer, vers la soixante-dixième minute de jeu donc, pour mieux gérer les Croates et, si possible, la leur faire à l’envers. Parce que la gestion du timing d’une rencontre, c’est quand même la grande spécialité maison. Réalismalitalienne pendant les temps forts, réalismalitalienne pendant les faibles, et tant pis pour les gouttes de sueur qui sont censées aller avec. Car, en Italie, les gouttes de sueur sont dues à l’effort plus qu’au stress, comme le prouve cette remise de la tête tout en douceur pour son gardien de Bonucci, pourtant pressé par le danger. Une fois encore, la Squadra semblait être de ses équipes qui sait plier sans rompre.
Il faut rendre à Cesare…
En seconde mi-temps, la Prandellitalia a donc d’abord continué à jouer. Et haut en plus, comme l’aime son Mister. Puis, avec un but d’avance, il a choisi de complètement reculer, mais tout en restant en 3-5-2. Pendant ce temps, les Croates, eux, sont passés d’un 4-4-2 à un 4-2-3-1, avec Modrić en dix et Mandžukić ailier ou plutôt attaquant droit. Dès lors, plus encore qu’en première mi-temps, Giaccherini et Maggio se sont retrouvés complètement noyés. Il faut croire que la Croatie avait, elle aussi, un plan, celui d’avoir toujours un joueur de plus que son adversaire sur les côtés, les flancs constituant souvent la faille d’un 3-5-2. Comme tous les schémas, il contient en lui-même ses propres risques, mais bien défendre, c’est avant tout choisir ce qu’on laisse à son adversaire. Et le choix de Prandelli, pas si dupe, était sans doute de laisser la Croatie prendre les côtés pour mieux l’y attendre et la contrôler. Maggio et Giaccherini hauts placés (en tout cas, plus hauts que dans un traditionnel 4-4-2), ce furent les doublettes Marchisio/Bonucci à droite et Motta/Chiellini à gauche qui étaient chargées de gérer les Croates, le temps que ça passe.
Tant que le damier était en 4-4-2, ça allait à peu près, mais une fois en 4-2-3-1, les Croates y allaient franchement (Modrić, protégé par deux milieux centraux, pouvant alors apporter le surnombre définitif sur les côtés) et les centres de commencer à vraiment à se multiplier. Et sur un ballon venu de l’aile gauche, un de plus, un de trop, et une erreur de marquage, ou disons plutôt un temps de retard de Chiellini, le ballon a fini là où il devait finir, c’est-à-dire au fond des filets de Gianluigi Buffon. Et comme l’Italie ne parviendra jamais à reprendre ce petit but d’avance qui aurait changé la face du groupe C, il est maintenant temps de rendre à Cesare ce qui appartient à Prandelli. Parce que la Prandellitalie, la volonté de jouer, tout ça, c’est bien. C’est très bien même. Mais savoir conserver un résultat, c’est mieux. Parce que jouer aussi bien qu’en première pour ne récolter qu’un nul, c’est quand même Balo…
Par Simon Capelli-Welter