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L’Italie en chute libre ?
Naples éliminé de la C3, l'Inter, Milan et la Roma mal barrés pour se qualifier : le football italien est sur une pente glissante et la chute va coûter une place qualificative en C1. C'est ça que de vouloir faire du hors-piste.
Trois défaites et une élimination. On ne peut pas faire plus simple comme bilan. L’Italie vient de vivre une semaine abominable, qui a redimensionné une bonne fois pour toutes ses ambitions européennes. En Ligue des Champions, les trois représentants, Milan, l’Inter et la Roma ont tous été battus à domicile, rendant leur qualification plus que compromise. Pourtant, lors du tirage au sort des huitièmes de finale, les médias italiens s’étaient félicités d’avoir évité le Barça, Manchester United, Chelsea et le Real Madrid. Comme quoi… En Europa League, l’hécatombe avait débuté au mois de décembre, avec les éliminations de la Juve, Palerme et la Sampdoria. Le dernier représentant, Naples, a chuté hier sur la pelouse de Villarreal, après un match sublime où l’une et l’autre auraient mérité de se qualifier. Pas de chance, on ne retient guère le mérite, mais bien le vainqueur. Conséquence immédiate de cette élimination : l’Italie perd officiellement sa quatrième place qualificative pour la Ligue des Champions, à compter de la saison 2012-13. C’est l’Allemagne qui la récupère. Paradoxalement, cela faisait longtemps que la Serie A n’avait pas été aussi attrayante.
Lorsqu’au mois de décembre, la Juve se fait sortir par le Lech Poznan, la Samp par le PSV et Palerme par le CSKA Moscou, les médias italiens minimisent la déconvenue. « Aujourd’hui, l’Europa League est considérée comme une compétition secondaire, une Serie B européenne » disait-on du côté des journalistes turinois, « l’Italie est dans une phase de transition, il faudra encore deux ans pour que les grands clubs soient de retour » analysait-on de celui de la Samp. En résumé : une Europa League snobée au profit du championnat, avec un seul objectif : la qualif’ en Ligue des Champions. Bon. L’argument est un peu bancal mais tient éventuellement la route. Pourtant, Naples en est l’antithèse. Hier soir, les joueurs de Mazzarri ont donné leur âme, leurs tripes et leur volonté pour sortir indemnes du Madrigal. Même si Cavani était initialement sur le banc, préservé pour le choc de lundi face au Milan AC, Naples se présentait avec tous ses cadres. Pas question de snober. A Naples, l’Europe est un Saint-Graal, surtout depuis que Maradona a ramené la C3 dans la ville où le linge pend aux balcons. Et pourtant, Naples est out. La tête haute, certes, mais out. Mazzarri pourra invoquer la chance qui n’a pas tourné en faveur des siens. Et il n’aura pas tort. Cavani a frappé le montant. Lavezzi aussi. Giuseppe Rossi a marqué sur un frappe improbable qui, déviée, est devenue un lob. La chance se provoque aussi, mais, lorsqu’elle fuit, elle n’est que le reflet d’une spirale négative.
En Ligue des Champions, c’est une autre histoire. Sans vraiment briller, les trois clubs italiens s’étaient qualifiés. Tottenham, Shakhtar Donetsk et Bayern Munich, le tirage était, sur le papier, plutôt clément comparé à un Arsenal qui se tape le Barça. Pourtant, trois défaites à domicile plus tard, le constat est accablant : les Italiens ont une jambe et un pied dans le précipice, et il ne manque plus qu’une petite pichenette pour qu’ils y chutent. Pire encore, tous ont pris une leçon de réalisme incroyable, comme si les hiérarchies s’étaient inversées. Milan a dominé stérilement et s’est fait enfiler en fin de match, l’Inter a manqué des occasions pour plier à la dernière minute, et la Roma s’est fait renverser en dix minutes par les Brésiliens de l’Est. En Italie, les explications sont déjà toutes trouvées : les clubs ne misent pas sur les jeunes joueurs italiens. Vrai d’une part, mais un peu simpliste. De l’équipe d’Arsenal qui a battu le Barça, seul Wilshere sort du centre de formation. Van Persie n’est ni anglais, ni tout jeune, Arshavin non plus. Au Shakhtar, la moitié des joueurs sont Brésiliens, et ce sont d’ailleurs trois Brésiliens qui ont terrassé la Roma. Sans parler de Chelsea, qui hypothèque déjà sa qualification avec trois Anglais dans son équipe, et aucun joueur en-dessous de 24 ans. « L’histoire des joueurs trop vieux est un alibi. Manchester United joue et gagne avec des gens comme Scholes, Giggs et Ferdinand. La crise italienne est transitoire : il y a peu d’investissements, aucun lot de talents, beaucoup de difficultés pour la Nazionale. Autrefois, la tactique italienne faisait la différence. Aujourd’hui, les autres nous ont rejoint » analyse durement Carlo Ancelotti, coach de Chelsea, dans le Corriere dello Sport. « Le problème, ce sont les stades. Ils sont vieux, peu accueillants et vides. C’est un désastre » , commente pour sa part Michel Platini. Mais là aussi, l’argument ne peut devenir un alibi. Si elle se confirme en championnat, la thèse s’écroule en Ligue des Champions. Pour ces huitièmes de finale de C1, les deux plus grosses affluences reviennent à l’Inter Milan et au Milan AC, respectivement 80.000 et 74.000 spectateurs. Sans parler du San Paolo de Naples, plein à craquer face à Villarreal.
Alors quoi ? Qu’est-ce qui cloche ? Les champions sont cependant là. Eto’o, Ibrahimovic, Maicon, Cavani, Pato, Del Piero, Totti, Hernanes… La Serie A n’a pas à rougir face à ses homologues. Pourtant, depuis le scandale Calciopoli lors de l’été 2006, tous s’acharnent à dire, en s’appuyant sur les mauvais résultats, que les clubs italiens ont perdu de leur crédit et de leur aura. Alors oui. Cette semaine, les clubs italiens ont tous perdu, se sont fait avoir sur le plan tactique et risquent une disparition totale dès les quarts de finale. Et puis l’an prochain, Milan gagnera la C1. Ou la Juve la C3. Une hérésie ? Pas vraiment. Car la statistique est là : depuis ce fameux été 2006, début de la “grande chute”, quatre Ligue des Champions ont été attribuées. Une pour les clubs espagnols. Une pour les clubs anglais. Et surtout, deux pour les équipes italiennes. Drôle de déclin.
Eric Maggiori
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