- Euro 2012
- Groupe C
- Espagne/Italie (1-1)
L’Italie dans de beaux Squadra
L'équipe d'Italie a réussi son entrée dans la compétition, en emmerdant au moins autant l’Espagne qu’à l’Euro 2008. Juste avant que cette dernière ne commence son cycle infernal.
Belle performance, quand même, que d’avoir regardé, pendant quatre-vingt dix minutes et quelques grains de sable, un champion du monde et d’Europe en titre les yeux dans les yeux. Que d’être passé, à une décision de Balotelli, voire de l’arbitre, près, à peu de choses de l’emporter. Parce qu’entre nous, le jaune de Torres suite à son coup de coude sur De Rossi pouvait tout aussi bien s’avérer orange très foncé. Simples faits de jeu, toutefois, pour un match nul logique et aussi passionnant qu’un 1-1 puisse l’être. Car il s’agissait sans doute là du meilleur match depuis le début de la compétition. Et surtout du plus divertissant, Mario oblige.
Why always him?
Parce que. Parce que franchement, cet atermoiement est venu un peu gâcher la fête. Certes, cette prise de tête prouve, d’un côté, que Balotelli voulait bien faire et sûrement fixer Casillas, en essayant de voir de quel côté le portier du Real allait anticiper, histoire de la lui faire à l’envers. Mais, de l’autre, elle va peut-être coûter à Mario sa place de titulaire. Prandelli aurait peut-être pu le laisser quelques minutes supplémentaires sur le pré, afin que son remplacement n’apparaisse pas de manière évidente pour ce qu’il était : une sanction. Car, quelque part, Balo a vraiment essayé de donner le meilleur de lui-même et a même donné l’impression de se sentir vraiment impliqué dans le destin de son équipe. Un rappel, d’ailleurs : c’est suite à son amour de contrôle tout en aile de pigeon que Motta fut à deux doigts de Casillas et d’ouvrir la marque.
Cassano, de son côté, s’est montré plus à son avantage. Ou, en tout cas, moins à son désavantage. Actif, juste techniquement et très entreprenant pour un mec qui a failli y passer il n’y a pas si longtemps, il a toutefois laissé comme un impression mitigée. Aussi, au regard de sa décisive entrée, il est au moins envisageable de penser Antonio Di Natale tel un titulaire. Surtout que Cassano, voire Mario, pourraient justement en être les principaux bénéficiaires. Car folie et folie, c’est comme moins et moins en maths : ça s’annule un peu. L’un des deux loustics pourrait ainsi pas mal gagner à être aligné aux cotés d’une tête bien faite comme celle de Toto. L’association Cassano-Balotelli est donc à revoir un peu. Mais à revoir aussi, parce que c’est toujours un plaisir d’admirer ces deux fanfarons ; avec eux, l’attaque italienne sera toujours un ravissement. Et peut-être qu’un jour, quand la Terre tournera rond et eux avec, elle s’avérera même à la hauteur de son meneur de jeu.
Les affaires du milieu
Le milieu, en Italie, c’est toujours une question d’honneur et de style. Autrement dit, il y a Pirlo et les autres. Depuis George Harrison, on n’a pas vu beaucoup de types mieux gérer le tempo. Jeu long, passes courtes, cheveux longs, cours de chant : le maestro a une fois de plus livré un véritable récital. Forcément, à côté, Motta est apparu au moins aussi juste qu’au PSG. Nocerino pourrait ainsi finir par lui prendre sa place. Marchisio, en revanche, a bien validé la sienne : Petit Prince est déjà devenu grand. Mais pas encore immense, et c’est peut-être ça le plus bluffant chez lui : sa marge de progression, notamment en terme de compréhension avec son ailier droit, Maggio. Le Napolitain fut d’ailleurs quelque peu en dedans, limite décevant, pendant qu’en face, Giaccherini a bien assuré son couloir gauche. Une belle performance que celle du tout nouveau sélectionné. Et une vraie belle surprise, ou plutôt confirmation des espoirs placés en lui, que ce module en 3-5-2. Un grand bravo à Prandelli pour avoir, semble-t-il, choisi le bon système au bon moment et pour avoir présenté une Squadra tout en cohérence et projet de jeu, tout en contrôle et en sueur. Parce que derrière, franchement, ce fut plus que rassurant.
De Rossi et d’os
Pour son plus grand plaisir, la défense italienne l’a joué au courage et en déviations avec, pour venir barrer la route des Espagnols, toujours un pied, une cuisse, un dos et, surtout, une barbe. Celle de Daniele De Rossi bien sûr, superbe dans ce rôle de libéro à la Clint Eastwood, impitoyable. Bonucci, en revanche, ne s’est pas toujours montré plein de sang froid, et le but de Fàbregas est justement venu de l’une de ses mauvaises relances, relance qui est tout de même censée constituer l’un de ses points forts. L’espéré retour pour le troisième match de Barzagli pourrait ainsi coïncider avec sa mise en touche et, surtout, avec le replacement du barbu de Rome au milieu. Le chantier reste donc ouvert.
En attendant, la défense italienne a tout de même affirmé une solidité toute transalpine, mais devra toutefois se montrer vigilante contre la Croatie, puisque les trois titulaires de la défense plus Maggio ont été avertis. Reste que, derrière eux, veille un homme nietzschéen. Que dire qui n’ait pas déjà été écrit sur le gardien du temple, Gianluigi Buffon ? Rien, alors autant lui laisser la parole : « Lorsque j’ai empêché Torres de marquer ? Je me suis souvenu de l’époque où je jouais libero. » Gigi pète donc la forme, comme il le prouve avec cette autre sortie aérienne : « Ce soir, je suis fier. Nous avions oublié que, parmi nous, il y avait des champions du monde. » Et, en bons champions du monde 2006 qu’ils sont, il leur a suffi d’un match pour le rappeler à tout un continent.
Par Simon Capelli-Welter