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L’Islande, la piqûre de rappel de 1998

Par Mathieu Rollinger
5 minutes
L’Islande, la piqûre de rappel de 1998

Il y a un petit peu plus de 20 ans, une équipe de France championne du monde s’était déjà coltiné des Islandais dans les mois suivant son sacre. En septembre 1998, la bande du capitaine Deschamps avait concédé à Reykjavik un nul (1-1), qui sonnait comme une exhortation à reprendre ses esprits. Une bonne leçon pour les hommes du sélectionneur Deschamps avant de recevoir les coriaces Nordiques ce lundi.

Difficile d’effacer le sourire du visage d’une France triomphante. L’été s’étire, et l’euphorie n’est toujours pas retombée depuis 55 jours et une certaine victoire au Stade de France contre le Brésil. Si bien que c’est hilares que les Bleus retournent au boulot. Attendus de pied ferme sur le caillou islandais pour leur premier match de qualification pour l’Euro 2000, les titulaires s’étouffent dès les hymnes dans leur maillot. En rang d’oignon, Barthez, Zidane, Thuram et Lizarazu, eux, fixent le sol, pouvant difficilement retenir leur fou rire à l’écoute d’une Marseillaise interprétée de manière originale par un ténor local.

Une attitude goguenarde qui avait été perçue comme un profond manque de respect par les Scandinaves, blessés dans leur orgueil jusqu’à en tenir rigueur à Didier Deschamps plusieurs années plus tard, quand le capitaine avait enfilé la casquette de sélectionneur. « Je me rappelle, oui, mais vous faites une mauvaise interprétation, calmait-il en conférence de presse avant le quart de finale de l’Euro 2016. À aucun moment, on ne s’est moqués de l’Islande ou de son hymne. C’est juste que celui qui était censé chanter l’hymne français était… différent de d’habitude. Ça avait amené un fou rire des joueurs, mais c’était pendant notre hymne, pas le vôtre. » Surtout que le match qui a suivi a rapidement effacé les ricanements incontrôlés.

Retour sur terre

Face au mur défensif islandais, l’offensive formation française (avec le seul Deschamps à la récupération, derrière l’attelage Djorkaeff-Pirès-Zidane-Laslandes-Dugarry) tombe sur un os et se fait surprendre à la demi-heure de jeu. Sur un long coup franc, Krinstinsson dépose le ballon sur la tête de Dadason. Fabien Barthez a beau s’agacer et dire avoir été gêné dans son intervention par Sverisson, le champion du monde est alors en train d’être mené par la 64e nation au classement FIFA de l’époque. Alors qu’il a déjà été accroché quelques semaines plus tôt en Autriche (2-2) pour son premier match en tant que sélectionneur, Roger Lemerre pointe les raisons de ce début de match laborieux. Ses Bleus « n’ont pu résoudre le problème posé » , à savoir « éliminer un bloc » , avant de remettre sur le tapis l’excuse de la déconcentration après le massacre des hymnes, qui « ne sont pas une blague » . Touchés dans leur orgueil, les Bleus répliqueront trois petites minutes plus tard. Après une percée de Zidane et une première frappe de Pirès, Christophe Dugarry égalise à bout portant. Le reste de la partie ne sera qu’une attaque-défense, où les vagues françaises se brisent sur la digue islandaise.

L’honneur était sauf, mais la contre-performance bien présente. Surtout qu’à l’époque, une statistique inquiète : à chaque fois que les Bleus avaient buté en Islande, en 1975 et 1986, ils avaient ensuite manqué les phases finales de l’Euro (1976 et 1988). Si l’Islande a certes drastiquement changé en l’espace de 20 ans, n’étant plus ce petit Poucet des latitudes polaires d’alors, la mésaventure peut tout de même servir aux successeurs de France 98. Si les champions du monde 2018 ont entamé avec sérieux leur campagne qualificative en allant s’imposer de manière autoritaire en Moldavie (4-1), ils sont avertis du piège que sait tendre l’Islande. Surtout que quelques similarités sont à pointer. Roger Lemerre comme Didier Deschamps ont tous deux misé sur la continuité, en n’apportant des modifications au groupe qu’aux marges. Ainsi, lors de ce déplacement en septembre 1998, 14 des 22 champions du monde étaient convoqués et 10 d’entre eux étaient titulaires à Reykjavík (avec Lilian Laslandes pour seule nouveauté). Pour sa rentrée 2019, Didier Deschamps a lui appelé 17 des 23 joueurs sacrés, alors que 10 de ceux qui avaient commencé la finale contre la Croatie étaient sur le pré au coup d’envoi contre la Moldavie. On ne change pas un groupe qui gagne, certes, mais cette stabilité peut aussi inciter certains éléments à se reposer sur leurs lauriers et à tomber dans l’excès de confiance.

L’effet post-it

Car la suite des éliminatoires verra une équipe de France laborieuse, devant attendre les dernières longueurs pour aller décrocher son ticket pour la Belgique et les Pays-Bas, malgré un groupe à sa portée. Accrochés en Ukraine, défaits par la Russie à domicile, une victoire arrachée dans les quatre dernière minutes en Andorre, et incapables de signer une victoire par plus de deux buts d’écart face à l’Arménie, les Bleus ont dangereusement ronronné. « Il faut savoir passer du caviar au pâté » , soufflait Youri Djorkaeff. Une baisse de régime qu’expliquait récemment Vincent Candela à Ouest-France : « On conserve un sentiment d’invincibilité pendant plusieurs mois. Après avoir été sacré champion, c’est difficile de rêver plus loin, parce qu’on atteint le maximum. C’est le plus beau trophée auquel peut prétendre un joueur de football. »

Pourtant, pas mal de critères laissent penser que la génération 2018 a toutes les clés en main pour éviter de se retrouver dans un tel bourbier. Déjà parce que les précédents sont là pour les rappeler à l’ordre, et Didier Deschamps pourra leur reparler de cette campagne pour l’Euro 2000, et de la Coupe du monde 2002. Mais aussi parce qu’après la Russie, les Bleus ont déjà eu l’occasion de redescendre sur terre. La nouvelle Ligue des nations est passée par là, avec la déception de ne pas se qualifier pour le Final Four, aux bénéfice des Pays-Bas. Si le statut de champion du monde est là pour apporter des garanties et des attentes légitimes, il est aussi assumé avec pas mal d’humilité. Il n’y a qu’à entendre le patron des Bleus à la sortie du match à Chișinău : « Sur le papier, ça semblait logique(de gagner en Moldavie). Chacun a fait ce qu’il fallait faire. Mais il reste neuf matchs, c’est beaucoup. On en aura un dans trois jours. On va essayer de remettre ça face à l’Islande. » La route est toute tracée, les obstacles identifiés, il n’y a plus qu’à suivre scrupuleusement le plan.

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