- International
- Amical
- France-Islande
L’Islande est-elle en train de rentrer dans le rang ?
Intrus désigné de la division A en Ligue des nations, l’Islande a entamé la compétition et le mandat d’Erik Hamrén par deux fessées, en Suisse (6-0) et contre la Belgique (0-3). Deux revers qui posent la question du niveau réel de la sélection islandaise : surcotée ou essoufflée ? Plus que l’amical à Guingamp, ce jeudi soir, la rencontre de lundi face à la Suisse pourrait bien sonner le glas de l’âge d’or du foot islandais.
Un mois. C’est le temps qu’il aura fallu à Erik Hamrén, nommé sélectionneur de l’Islande le 8 août en remplacement d’Heimir Hallgrímsson, pour mettre fin à l’état de grâce entourant traditionnellement tout début de mandat. Un score de tennis en Suisse pour commencer (6-0), le 8 septembre, une claque à la maison face à la Belgique pour enchaîner (0-3) le 11, et voilà la sélection islandaise reléguée au rang de spectateur dans son groupe. Déjà condamnée, aussi, à la relégation en Division B lors de la prochaine Ligue des nations. Sa place réelle ?
La conquête du monde, avec un réservoir de mob’
Journaliste pour le quotidien Morgunblaðið, Skapti Hallgrímsson n’est pas de cet avis : « Au complet, l’équipe a le niveau de la division A. » C’est bien là le problème : en Suisse comme contre la Belgique, Hamrén était privé dans l’entrejeu de son capitaine Aron Gunnarsson et de Johann Gudmundsson, et d’Alfred Finnbogason aux avant-postes. Ajoutez-y un Gylfi Sigurdsson dans le creux de la vague, et vous obtenez, pour celui qui la suit depuis 36 ans, une sélection tout juste bonne à jouer les sparring-partners avec le gratin mondial. Un argument pas recevable partout, et certainement pas en France, mais qui l’est dans un pays comptant trois fois plus de moutons – un bon million – que d’habitants. Avec ses 335 000 âmes, l’Islande dispose d’un vivier particulièrement limité.
Y compris en matière de talent, si la génération actuelle, qui surperforme depuis quelques années, doit tenir lieu d’unité de référence. Cela n’empêche pas Skapti Hallgrímsson et les suiveurs des Strákarnir okkar d’y entrevoir quelques promesses. L’une d’entre elles faisait d’ailleurs partie des 23 Islandais présents en Russie cet été, dont il était à 20 ans le plus jeune : Albert Gudmundsson. Un « fils de » comme on les aime au pays : il est celui de Gudmundur Benediktsson, commentateur des rencontres de l’équipe nationale et révélé en même temps qu’elle lors de l’Euro 2016. Capitaine des U21 islandais, il est aussi l’arrière petit-fils d’Albert Gudmundsson, le premier joueur professionnel islandais qui, après des passages chez les Rangers, à Arsenal ou à Milan, a fait les beaux jours du RC Paris et Nice, au carrefour des années 1940 et 1950.
Le révélateur suisse
Pas de doute, donc, le gamin est né avec un ballon entre les pieds. Mais puisqu’il est question de football international, un rapide examen de son CV suffit à déceler un sérieux manque d’expérience professionnelle : 12 matchs en pro la saison dernière avec le PSV Eindhoven, qui l’a vendu cette saison à l’AZ Alkmaar où il gratte plus de temps de jeu (déjà 7 matchs). Le problème est le même pour Jon Dagur Thorsteinsson. Propriété de Fulham, l’attaquant de 19 ans n’est jamais apparu en pro avec les Cottagers, qui l’ont envoyé faire ses gammes à Vendsyssel (D1 danoise). Il n’empêche que prêts ou non, les jeunes doivent jouer. Car en plus de dépendre de ses tauliers, l’Islande n’a pas plus trouvé le remède contre leur vieillissement que contre la pluie, et doit donc préparer leur succession. « C’est là tout le défi d’Erik Hamrén, estime Hallgrímsson. Il a du boulot pour faire prendre la mayonnaise entre ces jeunes qui arrivent et les cadres qui vieillissent. »
Et tant pis s’il doit pour cela préserver, à Guingamp, Sigurdsson et Gudmundsson, revenus à leur meilleur niveau avec Everton et Burnley, ou Finnbogason, quatre buts en deux matchs avec Augsburg. Et transformer ainsi le Roudourou en vulgaire laboratoire : dans cette trêve internationale, la date surlignée dans l’agenda islandais est celle du lundi 15 octobre, date de la réception à Reykjavik de la Suisse en Ligue des nations. « Là,promet Hallgrímsson, nous verrons si l’équipe est suffisamment forte pour rivaliser avec les tout meilleurs. » Et si la place de l’Islande est plutôt à la table de l’Autriche, de la Slovaquie ou de l’Irlande du Nord, plutôt qu’à celle de la France, de l’Allemagne ou l’Espagne. Bref, si le miracle du football islandais est bel et bien terminé, ou s’il peut s’étirer au moins jusque 2020.
Par Simon Butel