- Euro 2012 – Groupe C – Irlande
L’Irlande et la rigueur de Trapattoni
Présente en phase finale pour la première fois depuis une décennie, l’Irlande mise sur un calcul simple pour espérer créer la surprise : additionner l’ancestral fighting spirit local avec la grande rigueur tactique de son sélectionneur, Giovanni Trapattoni. Le résultat donne une équipe peu spectaculaire, mais ultra chiante à jouer. Présentation.
Le parcours
On peut dire qu’il y a une justice. Cruellement éliminée lors des barrages de la dernière Coupe du monde par la fameuse main de Thierry Henry, l’Irlande a hérité de tirages favorables pour, cette fois, enfin revenir sur le devant de la scène internationale. Deuxièmes d’un facile groupe B derrière la Russie, mais devant l’Arménie, la Slovaquie, la Macédoine et Andorre, les Verts n’ont pas trop eu à forcer pour ensuite écarter l’Estonie en barrage (4-0, 1-1). Il va s’agir de leur première phase finale depuis la Coupe du monde 2002, qui s’était conclue par un 8e de finale perdu face à l’Espagne (1-1, 3-2 tab). Depuis, ça n’avait été qu’une succession de contre-performances en qualification, à tel point que la sélection avait plongé au-delà du 50e rang Fifa en 2007. Aujourd’hui classée 18e, l’Irlande se présente en outsider, seulement devancée par le Danemark chez les bookmakers amateurs de grosses cotes.
Le jeu
Aah, le fighting spirit irlandais… Une fameuse image d’Épinal de la football-sphère, encadrée aux côtés de la grinta argentine ou de la rigueur allemande. Et c’est vrai qu’ils se battent les Irlandais, ils ne sont pas du genre à donner leur part au chien, habitués qu’ils sont à se jeter sur les maigres restes laissés par les gros de Premier League dans leurs modestes clubs : Sunderland, Aston Villa, Wolverhampton, Fulham, Hull City, WBA… Depuis 2008, il faut ajouter à cet ancestral état d’esprit une implacable organisation tactique mise en place par l’un des maîtres du genre : Giovanni Trapattoni. À 73 ans, l’un des entraîneurs les plus titrés du football n’est toujours pas rassasié. En Irlande, il a trouvé un terreau fertile à ses méthodes rigoureuses, un collectif plein de bonne(s) volonté(s), qui ne demandait qu’à mieux se discipliner. La France avait déjà failli en faire les frais en 2009, les Verts de Trappatoni, c’est un bloc-équipe ultra chiant à jouer, qui s’occupe d’abord de bien défendre. Devant l’inamovible gardien Shay Given, on retrouve un quatuor défensif, puis deux récupérateurs (Glenn Whelan, Keith Andrews et Darron Gibson en balance), deux ailiers (Duff, McClean, McGeady et Hunt en concurrence) et enfin deux attaquants : Kevin Doyle ou Shane Long associé à l’inamovible Robbie Keane.
La star
Robbie Keane, justement, est, avec Shay Given, Richard Dunne et Damien Duff, l’un des survivants de la dernière campagne de l’Irlande en phase finale internationale, en 2002. Il faut ajouter à ces « vieux » le solide John O’Shea. Ces cinq-là ont plus de 30 ans, une centaine de capes chacun en moyenne et forment toujours l’ossature de l’équipe actuelle. Robbie Keane reste la meilleure arme offensive des Verts, avec ses plus de 50 buts en sélection et sa grande expérience en Premier League, notamment avec Leeds, Tottenham et Liverpool. Aujourd’hui en MLS au LA Galaxy avec Beckham et Donovan, le puissant attaquant n’a pas connu un début de saison 2012 flamboyant avec sa franchise, loin s’en faut, mais il débarque en Pologne avec forcément beaucoup d’envie et un état d’esprit revanchard, lui qui était déjà capitaine de sa sélection lors de la double confrontation fatale face à la France en 2009.
L’espoir
Au cœur d’un effectif expérimenté où le collectif prime, un grain de folie s’est immiscé depuis le début de l’année. Son nom : James McClean. Né à Derry en Irlande du Nord, il a débuté dans le club de sa ville jusqu’à son départ pour la Premier League et Sunderland, il y a un an. D’abord peu utilisé par son entraîneur Steve Bruce, il a profité du limogeage de ce dernier en décembre et de l’arrivée de Martin O’Neill pour gagner une place de titulaire sur le flanc gauche de l’attaque. Grosse révélation des Black Cats, il a été élu meilleur espoir du club pour sa première saison (23 matchs de PL, 5 buts, 3 passes déc’). Éligible en sélection pour l’Irlande du Nord et la République d’Irlande, il a finalement répondu favorablement à l’appel du pied de Trapattoni en début d’année. Annoncé comme l’une des possibles révélations de cet Euro, le jeune talent a dû néanmoins composer récemment avec des menaces de mort sur Twitter rédigées par des intégristes nord-irlandais, qui n’ont pas goûté son choix de rejoindre « l’ennemi » insulaire. Couvé par son sélectionneur, il va toutefois devoir se battre pour gagner une place de titulaire convoité, notamment, par Stephen Hunt et Aiden McGeady.
Par Régis Delanoë