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Lionel Messi parasite-t-il la carrière de Paulo Dybala ?
On les compare et c’est logique : en plus de jouer au même poste, Lionel Messi et Paulo Dybala ont des styles similaires. Si pour le Bianconero, le parallèle est à première vue flatteur, il est peut-être aussi un frein à son ascension personnelle.
Il est argentin, petit, gaucher, vif, décisif, et n’est jamais aussi fort que lorsqu’il part du côté droit pour rentrer dans l’axe et enrouler un ballon au second poteau… Et pourtant, Paulo Dybala ne voit pas bien pourquoi on le comparerait à Lionel Messi, comme il l’a fait savoir en conférence de presse au printemps en marge du dernier quart de finale de C1 entre la Juve et le Barça : « Les gens doivent savoir que je ne suis pas Messi. Je suis Dybala et je veux simplement être Dybala, même si je comprends que l’on nous rapproche. Il n’y a qu’un seul Messi, comme il n’y avait qu’un seul Maradona. Vous ne pouvez pas remplacer ce genre de joueurs. Les gens ont placé de grandes attentes en moi, et ce genre de comparatifs, ça me met trop de pression. » L’histoire ne dit pas si les carrières de Camel Meriem, Marvin Martin ou Mourad Meghni l’ont inspiré, mais le lutin de la Juve sait que les qualificatifs de « nouveau + patronyme d’un monstre sacré » desservent plus souvent les jeunes espoirs qu’ils ne leur donnent des ailes. À l’exception près qu’en ce qui concerne les trois Français censés lui succéder, Zinédine Zidane a eu la décence de ne pas être l’un de leurs contemporains, ou alors très brièvement. En d’autres termes, il n’a pas court-circuité leur carrière. Ce n’est pas vraiment la même chose ici.
La puce et le pou
Voilà comment l’histoire aurait pu s’écrire : avec 220 millions en poche à dépenser, le Barça aurait dû logiquement se positionner sur le natif de Laguna Larga. Jeune, brillant, en pleine progression tout en disposant déjà d’une belle expérience en Ligue des champions, Dybala était LE joueur idoine, alors que dans le même temps, pour le Turinois, le club catalan aurait pu représenter le dernier cap à franchir pour rentrer définitivement dans le cercle fermé des très grands joueurs hypermédiatisés. D’autant qu’il est clairement toque-compatible. En soi, il apparaît bien plus safe de miser 150 millions sur un homme qui a mis la Serie A à ses pieds à 23 ans que sur un Dembélé qui, malgré son talent indéniable, n’a que le statut de « jeune à fort potentiel » . Mais le problème avec les joueurs similaires, c’est qu’ils sont rarement complémentaires. Aussi magique que soit Dybala avec la Vieille Dame, le Barça compte déjà un joueur de ce profil dans l’effectif. Et, manque de pot, c’est celui qui fait la pluie et le beau temps au club depuis belle lurette. D’ailleurs, l’homme aux protège-tibias minuscules en a remis une couche en conférence de presse, juste avant le remake de ce soir : « Nous jouons au même poste et je peux apprendre un maximum de choses de sa part. Comment interpréter les mouvements des partenaires, comment penser le jeu. Ça peut m’être utile dans le futur. Mais c’est aussi dur de jouer avec lui vu que j’occupe la même position. » Si seulement celui que l’on présente comme peut-être le plus grand joueur de l’histoire était un tant soit peu polyvalent et complet… Mais non, Messi est incapable de jouer côté gauche (ça voudrait dire sacrifier quelques buts) pour laisser la place à son cadet dans sa zone de prédilection.
L’eau et l’huile
Que Messi empêche l’épanouissement absolu de Dybala en club, passe encore. Après tout, devenir une légende à la Juve et y endosser le numéro 10 à vie, c’est bien aussi, même si le catalogue de moves que l’on compte exécuter chaque week-end existe déjà en Catalogne depuis dix ans. Mais le vrai obstacle à l’explosion du Turinois, c’est son passeport. En plus d’avoir le même jeu, il a fallu que Messi et Dybala héritent de la même nationalité. Autant dire qu’on n’est pas près de voir le second briller dans son autre maillot rayé. Les performances catastrophiques de l’Albiceleste en éliminatoires du Mondial sont d’ailleurs un bon moyen d’illustrer que les deux joueurs sont aussi compatibles dans un collectif que de l’eau et de l’huile dans une casserole. Après ses échecs répétés dans la quête d’un titre avec son équipe nationale, Messi aurait pu tirer sa révérence et laisser les clefs à plus jeune que lui. Mais non, il a fallu qu’il sorte de sa retraite internationale au bout de deux mois. Ça dessert la sélection ? Et alors ? Plutôt parasiter l’équipe que de voir un autre réussir où il a échoué. Après tout, le rôle d’un capitaine, c’est de couler avec son navire.
Par Marc Hervez