- Argentine
- 30 ans de Lionel Messi
Lionel m’a tuer
Ce samedi, Lionel Messi souffle ses 30 bougies. Pour l'occasion, trois gardiens se sont rappelé les souvenirs et le plaisir d'avoir affronté le meilleur joueur de la planète. La parole est à la défense.
Rémy Vercoutre, gardien de Lyon lors de la campagne de C1 2007-2008
« Si je l’ai joué, ça ne peut être qu’en Ligue des champions (rires) ! Je le joue deux fois de mémoire, mais je ne me souviens pas de lui au match aller… Au retour en revanche, si. Au match aller, on fait un bon match, mais ils ne gagnent vraiment la partie qu’en fin de rencontre (3-0, ndlr)… On n’avait pas fait spécialement un mauvais match, même si on avait pris le tarif habituel. Au match retour en revanche, il me marque un but sur penalty. Il avait 20 ans à cette époque, mais quand il est venu frapper, c’est comme s’il était au quartier. Décontraction, tranquillité, il attend que je parte d’un côté et puis il tire de l’autre. C’est un beau souvenir, car tout le monde n’a pas la chance de jouer face au Barça et encore plus contre Messi. Et puis ça fait la fierté de mon grand garçon, qui est tout content que son père ait pris un but de Messi !
Quand tu le joues, tu essaies d’occulter que tu joues contre un grand joueur. Sinon, le match, tu ne le joues pas (rires). Tu cherches à prétendre à être dans la même dimension que lui, mais dans les faits, tu cherches juste à exister. Quand tu le vois, tu as l’impression de voir un joueur très détaché, transcendé par ce qu’il fait. Le stress et la pression, on a l’impression que ce sont des choses qu’il ne connaît pas. Il diffère de nous, joueurs lambda. Quand on avait joué ce Barça-là, ce qui nous avait marqué dans les vidéos étudiées avec Alain Perrin, Joël Bats et Bruno Génésio, c’est qu’ils avaient un jeu de passe même dans la surface adverse. Et ça c’était fou… Mais à cette époque-là, y avait du monde avec lui : Ronaldinho, Thierry Henry, Samuel Eto’o, Deco, même le Mexicain qui était très prometteur (Giovani dos Santos, ndlr)… Mais il arrivait déjà à jouer ! Ensuite, l’imaginer capable de gagner cinq Ballons d’or, c’est juste impossible de l’envisager. Mais bousculer cette hiérarchie, ça voulait dire qu’il avait des qualités au-dessus de la moyenne. Mais il mérite tous ces Ballons d’or, tous les vainqueurs du Ballon d’or le méritent. Si je lui ai déjà parlé ? Non, on n’est pas vraiment dans la même galaxie, hein. Et puis c’est un joueur concentré sur ce qu’il fait, sur sa carrière. Éric Abidal, un bon ami, ne m’a dit que du bien de lui. Je veux bien le croire. Après, quand je vois qu’on cherche à dire que Messi est sur la fin, je me dis que ce genre de réflexion va continuer à le motiver pour prouver à tous quel immense joueur il est. Plus on va dire qu’il est sur le déclin, plus il va nous surprendre. Mon fiston, il joue avec les chaussures de Messi depuis ses 10 ans. Aujourd’hui, il en a 13, et il l’adore toujours autant. Même si ce n’est pas le joueur que je préfère, on est obligé d’être fan de lui parce qu’il est toujours tout en haut, et ça fait dix ans que ça dure. Quand je vois la Coupe du monde qui se profile en Russie, je lui souhaite vraiment de gagner ce trophée. Son absence de titres en sélection, c’est la seule chose qui lui fait défaut. Le voir gagner un titre continental, pour tout Argentin, c’est quelque chose de magique. Il le mériterait. Ce serait un point final à une carrière magnifique. »
Santiago Cañizares, gardien du FC Valence de 1998 à 2008
« La première fois que je le croise sur un terrain, c’était encore un gamin de 18 ans en pleine formation. Nous étions au Nou Camp, et déjà il démontrait un grand talent, un style bien particulier. Il n’était pas encore arrivé à son explosion complète, au leader qu’il est devenu aujourd’hui. Par chance, je n’ai pas eu à l’affronter quand il s’est mis à devenir un énorme joueur, c’était juste la période où il était encore enfant (rires) ! Il fait partie de ces footballeurs à analyser en permanence. C’est un joueur beau à regarder jouer, un génie peut-être jamais vu dans l’histoire du football. Il est différent des autres. Quand les défenses se lèvent pour le petit-déjeuner, lui est déjà en train de préparer à manger. Il pense et exécute beaucoup plus vite que n’importe quel autre footballeur.
Quand je le voyais sur le terrain, son âge peu avancé faisait qu’il dégageait une certaine timidité, mais c’était une timidité normale. Après, c’est vrai qu’il n’a jamais été très généreux dans le dialogue. Mais malgré cela, c’est aujourd’hui un joueur avec une grande personnalité, et un vrai leadership. Ensuite, le voir gagner cinq Ballons d’or, c’est juste inconcevable quand tu le vois démarrer. Son talent était évident et il allait finir par devenir plus fort. Mais pour être franc, je crois que nous avons tous été surpris par son évolution si importante. Dans ses prises de décisions, sa faculté à enchaîner les buts, c’est juste incroyable. En Espagne, nous voyons Messi comme une sorte de monstre. Tout le monde le voit comme le plus grand de tous, même si Cristiano Ronaldo est aussi considéré comme un immense champion. En vérité, cette comparaison entre Messi et Cristiano ne m’a jamais parue valable. On parle de deux joueurs avec des styles de jeu différents, des caractéristiques propres, deux leaders certes, mais mieux vaut profiter de ces deux joueurs et arrêter de chercher à savoir lequel des deux est le meilleur. Ce sont tous les deux des cracks. Pour moi, Messi pourra dépasser les 30 ans, son talent ne va pas partir avec son âge. Nous l’avons vu changer de position, être capable de jouer sur l’aile comme en numéro 10. Mais la qualité qu’il possède, il va encore la garder longtemps dans ses pieds, je n’ai aucune inquiétude là-dessus. Le meilleur est peut-être à venir. »
Andrés Palop, gardien du FC Séville de 2005 à 2013
« Pour nous les gardiens, ce joueur vient vraiment d’une autre planète. Il possède une mentalité, une capacité de réflexion beaucoup plus rapide que la normale, et il trouvait toujours des solutions. C’est la marque des joueurs venus d’un autre univers, avec une facilité exceptionnelle. J’ai pu le voir évoluer toutes ces années en Liga, je crois que sa montée en puissance est vraiment arrivée de façon naturelle. Et puis c’était une période où le Barça se cherchait aussi un nouveau leader d’attaque, une star qui pourrait sublimer le club. Quand cette opportunité de voir un joueur de la Masia exploser tous les records du club est apparue, la machine était lancée.
On voyait déjà la progression de cette équipe, et l’arrivée de Messi impulsait encore plus le rendement de l’équipe. D’abord, il jouait sur le côté. Sa capacité d’accélération, de percussion, de dribbles, c’était vraiment quelque chose d’insensé. Son rendement s’est ensuite amélioré au centre de l’attaque, avec du travail et de la confiance accumulés. En matière de qualité et de compétitivité, je crois que le niveau de Messi sur toutes ces années était quelque chose d’incomparable. Tu penses toujours que gagner des titres n’est pas simple dans le football, parce que cela ne dépend pas que d’un seul joueur. C’est un sport collectif, et tu dois compter sur les autres pour réussir. Remporter des titres en équipe, cela t’aide ensuite à gagner des récompenses individuelles, notamment des Ballons d’or. Mais jamais tu ne peux penser qu’un joueur, aussi fort soit-il, soit capable d’en remporter cinq. Si je dois te dire la vérité, je suis un compétiteur. Me confronter à lui sur chaque match face au Barça, c’était un défi, une énorme joie. Je me souviens d’une confrontation en Coupe du Roi, à une époque où ils remportaient vraiment tout leurs matchs. Lors d’un match, j’avais sorti l’un de mes plus grands matchs face à lui, j’avais réalisé un paquet d’arrêts et nous avions éliminés le Barça. Le fait de ressentir que le meilleur joueur du monde ne peut pas te marquer un but sur un match, c’est un sentiment indescriptible. Pour le faire, il faut du respect envers Messi, mais surtout de la détermination et une bonne communication avec ta défense pour l’empêcher d’agir comme il le souhaite. Chaque fois que je sortais vainqueur contre le Barça de Messi, c’était une joie immense. Voilà pourquoi j’aimais jouer contre le meilleur joueur du monde. »
Par Antoine Donnarieix
Tous propos recueillis par AD