- C1
- Bayern/Inter (0-2)
L’Inter Milan, Mesquin club ?
L'Inter pue de la gueule... Cherchez pas ! L'Inter est en route vers un sextuplé aussi historique que le Barça, mais contrairement au club catalan, on n'en fera pas tout un foin. On loue l'Inter en se signant, en brandissant un crucifix et en agitant des gousses d'ail. Rien à voir avec le Barça, le (Nou) Camp du Bien... Pourquoi tant de haine ? Retour sur la controverse intéristo-catalane...
L’Inter pue de la gueule. Un indice : avec tous les autres grands clubs, on parle facilement des Blaugrana, des Rossoneri, des Bianconeri, des Meringue, des Reds, des Blues, des Gunners, des Red Devils. Avec l’Inter, c’est… l’Inter. Prononcé « Inter » ou « Ine-ter » . On parle souvent des Intéristes, un sobriquet glacial, indifférencié, technocratique (les « Spécialistes » ?). Or, l’Inter c’est les Nerazzurri ! Avouez qu’on utilise assez peu cette appellation plus familière, celle qui entretient la connivence. C’est comme ça : l’Inter pue de la gueule. Pourquoi ? Essentiellement pour trois raisons : le souvenir du catenaccio d’Helenio Herrera dans les années 60, le fric de la famille Moratti (beurk ! Le pétrole !) et la longue lose sportive (17 ans de disette dans le Calcio entre le titre de 1989 et 2006). Tout ça, c’était les trois péchés capitaux éternels qui plombaient le club depuis un bon bout de temps. Même en étant pourtant champion d’Italie 5 fois de suite depuis 2006, l’Inter puait de la gueule quand même et toujours. Mais à ces trois tares est venu s’ajouter un crime encore plus horrible : l’Inter a remporté la Ligue des Champions 2010, mais pas à la manière du Barça ! Impardonnable…
Le dogme du « Barça tout puissant »
Manchester United avait aussi subi les foudres des juges suprêmes du foot actuel. Avec la défaite de MU en finale de C1, l’année dernière, beaucoup avaient considéré que la victoire barcelonaise était le triomphe du « beau jeu » , point-barre. Traduction : MU, équipe pourtant très offensive et très marqueuse de buts, ne développait pas le même jeu que le Barça donc ne pratiquait pas le « beau football » . Même Johan Cruyff était tombé dans le panneau en plaçant über Alles le toque blaugrana … Attention ! Depuis quelques saisons, le club catalan produit, c’est vrai, un football magnifique qui fait de notre époque actuelle une période bénie du foot, nous transformant souvent en spectateurs privilégiés devant nos écrans. Mais, quoi ? Un autre football est-il « tolérable » ? Et si globalement, comparé au Barça, Man-U préfère le 4-4-2 au 4-3-3, le jeu parfois long au jeu court et le jeu aérien parfois plutôt que le jeu systématiquement à terre ? Faut-il brûler Ferguson, malgré ses succès et son incroyable efficacité offensive ? Il faut croire que oui…
L’idéologie « Barça tout puissant » écrase tout sur son passage : tout le monde doit jouer en 4-3-3 en passes redoublées. On rappellera aux jeunes internautes les effets pervers du style du grand Ajax des années 70. Oui, l’Ajax était merveilleux. Le problème, c’est que le football total était devenu un dogme, une obligation de faire que tous les autres clubs devaient copier et adopter sans discussion. Dans son roman « Fever pitch » , Nick Hornby avait décrit de façon ultra tordante comment l’Arsenal du début des années 70 s’était aussi converti du jour au lendemain au football total de l’Ajax. Après quelques victoires encourageantes, les Gunners s’étaient fait bananer tous les samedis à force de vouloir imiter un schéma de jeu qui n’était pas le leur et dont il ne disposait pas la culture de base (néerlandaise en l’occurrence)… Avec le Barça actuel, même reggae pour mon chien : le Barça, c’est in ! Donc l’Inter, c’est out (l’Out-er Milan ?). Parce que le procès en sorcellerie fait à Manchester, c’est rien à côté de celui de l’Inter de Mourinho…
L’Inter, « l’anti-Barça » ou un « autre Barça » ?
Quelques considérations tactiques… Le Barça prend systématiquement le jeu à son compte et garde au maximum la possession du ballon. Pas l’Inter. Et alors ? Pas obligé de « faire le jeu » . Et puis quand on a d’excellents techniciens (ben, oui : les Nerazzuri savent très bien jouer au ballon !), pas besoin de 1 000 échanges : en trois passes bien ajustées, on peut éventrer une défense. Voir le but de Eto’o à Chelsea sur un service ultra-laser de Sneijder ! Au Barça, le gardien relance court, toujours au pied, vers ses défenseurs, pour faire démarrer le jeu blaugrana. Pas l’Inter. Julio Cesar aime dégager le plus loin possible pour porter le danger dans le camp adverse. Résultat : le premier but intériste en finale contre le Bayern sur un long dégagement du gardien. A la chute du ballon : Sneijder puis Milito qui plante. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Le Barça joue sur un rythme régulier, ponctué de fulgurances signées Messi. Pas l’Inter. Les Nerrazzuri jouent sur un rythme plus heurté, en allongeant les phases dites « passives » , sans ballon, dans l’attente de placer des offensives souvent létales. Et alors ? C’est interdit ? Les Nerazzuri sont aussi concentrés sur le jeu que les Blaugrana, ils possèdent la même intelligence tactique du soutien offensif et de la couverture défensive, mais dans un style différent.
Le Barça défend haut, dès la perte du ballon. Pas l’Inter. Les Intéristes défendent plus bas, mais contrairement à ce qu’on pense, ils défendent en mouvement ! L’Inter c’est pas un système défensif figé : Cambiasso ou Zanetti patrouillent entre les lignes, Maicon monte souvent, Samuel sort de son bloc. On croit aussi toujours l’Inter ne marque « que » sur contre : c’est faux. Le jeu offensif des Nerazzuri, c’est à la fois un mix plus subtil de contres classiques et d’attaques placées (voir les trois buts contre le Barça à Giuseppe Meazza). Cette approche offensive originale basée et qu’on ne souligne pas assez est rendue possible grâce à une défense « en mouvement » , avec des joueurs prêts à jaillir de n’importe où et servis, on le répète, par une technique individuelle irréprochable : un Pandev à la récup joue juste, comme Thiago Motta, Stankovic, Cambiasso ou Zanetti ! Un bémol : au Nou Camp, réduit à 10, l’Inter est resté bien campé dans ses 16 mètres. Autre bémol : l’Inter défend très bien et ne concède que très peu de fautes occasionnant penaltys ou coups-francs ultra dangereux, signe d’intelligence et de maturité. Reste que les ceinturages de Samuel dans la surface… Voilà, c’est dit.
Mourinho brise les codes…
Le procès fait à l’Inter, c’est aussi bien évidemment celui fait à une bande de mercenaires coachés par un autre mercenaire. Traduction : au Barça, la plupart des joueurs sont formés à la Masia et Guardiola est issu du sérail et imprégné de la culture-maison. D’où la supériorité de Barcelone sur le Real, club bling-bling qui ne gagne jamais plus rien… Mourinho a fait exploser ce dogme : on peut être coach de passage, sans esprit-maison (y’en a-t-il un à l’Inter ?) et réussir avec un effectif savamment bricolé. D’après le Barça, il faut que les joueurs aient trempé dans le jus blaugrana pendant des années pour se comprendre… Pas de pot ! Avec Mourinho, ça va beaucoup plus vite. Cette saison, l’Inter a recruté Milito, Sneijder, Lucio, Pandev (en janvier) et Eto’o (on en reparlera plus loin), soit une bonne moitié de l’équipe. Résultat ? Et ben ça a collé tout de suite, avec triplé historique ! Preuve que José est bien le « Special One » , capable d’amalgamer rapidement un groupe autour de quelques principes forts… Comment ? Quoi ? L’argent qui permet d’aligner pareil effectif ? Les recrues de l’Inter étaient « disponibles » sur le marché, accessibles à tous les grands clubs. Qui voulait de Sneijder ou de Lucio ? Pas grand monde… Qui plus est, faire jouer tous ces talents ensemble n’était pas à la portée du premier venu : Mourinho, lui, a réussi pareil prodige.
Autre argument à charge : aucun Italien au club. Sauf bien sûr Materazzi ou Balotelli. Et alors ? On n’a jamais critiqué trop sévèrement Liverpool qui n’alignait pas beaucoup d’Anglais, hormis Gerrard et Carragher. Ou bien Arsenal… Qui en France en a voulu au club londonien qui accueille Wenger et beaucoup de Frenchies ? Le succès de l’Inter, c’est celui de la Mondialisation qui marche. Attention ! On ne dit pas que l’Inter c’est l’exemple à suivre. Que l’avenir, c’est les clubs de mercenaires, des clubs entièrement coupés de leur environnement culturel, local et de ses traditions. On dit simplement que le football mondialisé, que ça plaise ou non, est capable d’accoucher de belles équipes pratiquant un football pas crade.
Enfin, un dernier mot sur la controverse Inter-Barça… C’est le Barça qui s’est délesté de sa perle, Samuel Eto’o, au profit du club milanais. En échange de Zlatan. Et dire que le Barça a carrément payé pour avoir Ibra et larguer Sam Fils (50 millions d’Euros, même si pour l’instant les pro-Barça parlent de 20 millions). C’est le Barça qui a subventionné l’Inter. Un beau geste de fair-play des Blaugranas, sans doute lassés de dominer trop facilement le foot mondial. Pareille générosité atteste donc bien que le Barça est le club le plus… sympa du monde ! Y’a même écrit Unicef sur son maillot.
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