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- Colombie-Brésil (0-2)
L’insupportable Monsieur Neymar
Décisif par deux fois contre un Mexique de croqueurs, Neymar va encore une fois faire la Une pour une prestation d’acteur que ne renierait pas De Niro. Mais comment un tel génie peut-il devenir l’homme que tout le monde adore détester ?
La dernière friandise à avoir autant fait débat, c’est la pizza hawaïenne. Faut-il associer de l’ananas et du jambon ? Le sucré-salé est-il de bon goût ou infiniment surcoté ? Neymar est-il un génie, un homme insupportable, ou bien les deux ? Après un match complet face au Mexique, force est de constater en un scrollsur les réseaux sociaux que la toile débat encore une fois bien plus des talents d’acteur de l’attaquant de la Seleção que de son bilan comptable. Pourtant, il est éloquent : un but pour débloquer la rencontre, puis une accélération dans les dernières minutes pour offrir du bout du pied le break à Firmino, tout juste entré.
C’est devenu une habitude, comme celle de souffler sur sa calzone avant même d’y avoir posé la langue : après un match du Brésil, Neymar est moqué. Critiqué. Détesté. Une drôle de situation dans laquelle le Parisien s’est fourré tout seul, à en croire le peuple qui ferme bien souvent les yeux sur le matraquage physique dont il est victime depuis le début du Mondial. Parce que oui, une réputation, cela se construit à deux.
« C’est aux arbitres et à la FIFA de le juger »
À l’heure des Oscars, lorsque les nommés pour la petite statuette dorée sont annoncés par la meilleure actrice de l’an passé, il est ce petit cérémonial bien rodé qui consiste à passer un court extrait de la performance dudit acteur sur le grand écran du Dolby Theater. Si l’on devait résumer celle de Neymar, donc, on montrerait probablement cela : un ballon entre les jambes, le cul posé à terre, et Layún qui s’approche avec une douceur apparente. Gros plan sur le pied droit. Les crampons écrasent en macro la cheville du Brésilien dans un plan-séquence parfaitement exécuté. Puis visage tordu de douleur, spasme de Magicarpe en pleine attaque Trempette, hurlement de loup, et… coupé ! Le public adore. Internet aussi, qui se bidonne sur des détournements il faut le dire foutrement inventifs, notamment après les quinze roulades en vingt secondes du Ney contre la Suisse.
Puisqu’il faut en parler, tout le monde en parle. Lothar Matthäus, pour commencer, à la Deutsche Presse-Agentur : « Il n’est pas nécessaire qu’il provoque autant, qu’il cherche toujours à obtenir un penalty ou qu’il fasse cinq ou six roulades après chaque faute subie. Il devrait arrêter ces sottises… » Puis Cantona, Pelé et Andrès Guardado, histoire de bien préparer son huitième en conférence de presse vendredi dernier : « On connaît tous Neymar, mais ce n’est pas à moi, ou à mon équipe, de le juger, mais aux arbitres et à la FIFA.(…)Maintenant qu’il y a la VAR, ils doivent analyser son jeu et savoir comment le gérer. On sait qu’il aime exagérer les fautes et se jeter au sol. Mais c’est son style de jeu, et la personne qui doit arrêter ça est l’arbitre, pas nous. » Neymar, c’est un joli cinéma. Mais aussi un record de dix fautes subies contre la Suisse. Du jamais-vu depuis dix ans et Alan Shearer contre la Tunisie. Cette saison avec le PSG, c’est un schéma qui est d’ailleurs arrivé plusieurs fois : Neymar subit, Neymar se fait rentrer dedans, et Neymar pète souvent un plomb en fin de rencontre.
Éric Cantona compares Neymar to a yellow luggage bag… and has some acting advice for the Brazilian ?Full show on England, Messi and ‘faithful players’ ➡ https://t.co/AR3IMavIn6 pic.twitter.com/MN4bMX9zuj
— Eurosport UK (@Eurosport_UK) 30 juin 2018
À la merci de sanctions
Alors quoi ? Faut-il le vilipender ? Faut-il profiter du spectacle avec un sourire en coin ? Faut-il continuer à s’en moquer ? Les deux dernières solutions, pour commencer. On peut aussi se poser la question des sanctions a posteriori à infliger pour des simulations qui, à défaut d’être inventées (sauf contre le Costa Rica, où il avait pris un jaune), sont exagérées à n’en plus pouvoir.
Le joueur, lui, a donc qualifié son pays pour les quarts de finale du Mondial après avoir été le joueur qui perdait le plus de ballons du premier tour (84), et l’on se dit que ce Brésil-là sera difficile à sortir de la compétition. Juste une info, puisque le mal revient toujours à la gueule de ceux qui en sont à l’origine : Sam Panopoulos, le créateur de la pizza hawaïenne, est décédé le 10 juin 2017. Karma, bitch.
Par Théo Denmat