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L’instant Pavard

Par Maxime Brigand
L’instant Pavard

Fautif sur le deuxième but argentin, Benjamin Pavard est revenu dans son match en claquant le premier but international de sa carrière d'une frappe délicieuse. Parfait, ça a libéré tout le monde.

Le football va vite. Un éclat majestueux est tombé à la 57e minute de l’épuisante victoire des Bleus face à l’Argentine (4-3) samedi, à Kazan, alors que l’équipe de France semblait être tombée dans un piège tenu par les dents d’une Albiceleste qu’on sentait pourtant facilement décrochable : Blaise Matuidi se balade dans le rond central, ouvre le jeu côté gauche, laisse la mobylette Hernández prendre de la vitesse et finaliser la séquence. Une respiration et voilà la petite troupe embarquée à bord d’Air Pavard dans un concentré de pureté technique et d’adrénaline qui vient décapiter seize jours de compétition.

Didier Deschamps avait prévenu avant le huitième : il fallait tout oublier, ranger les bouliers et taper fort, vite et bien. En résumé, « ça passe ou ça casse » . Finalement, c’est passé, mais avec aussi un peu de casse. Reste qu’avant l’heure de jeu, Benjamin Pavard a surtout rappelé au monde entier qu’il ne sert à rien, parfois, de chercher à tout comprendre et prévoir : un match de foot sert justement à nous révéler des choses que l’on ne sait pas et que les piles de statistiques ne peuvent pas prédire. Le foot, à l’état brut, n’est ainsi pas une équation et avance parce qu’il a des moments de génie, d’imprévisible, d’éruption. Samedi, tout ça a pris la forme d’une demi-volée fouettée de l’entrée de la surface argentine jusqu’à la lucarne opposée de Franco Armani, qui, en se relevant, s’est contenté d’ouvrir ses paumes face à son but.

Les yeux dans le gazon

Oui, tout ça ne s’explique pas toujours (Thuram, la Croatie, tout ça…) et c’est très bien comme ça. Ce qu’il faut retenir, maintenant : au moment où le latéral tricolore de 22 ans, une version moderne de Tom Sawyer, a brisé les cordes qui tenaient les Bleus, tout a basculé. L’équipe de France s’est ainsi libérée, a planté dans la foulée deux nouveaux buts et a logiquement marché sur une équipe d’Argentine inférieure, symbolisée par une défense percée au moindre coup de reins. Elle revenait là de l’enfer, une vieille habitude qui veut que ce groupe s’arrête de jouer lorsqu’il mène au score et est le plus clair de son temps incapable de maintenir la pression sur quatre-vingt-dix minutes. Alors, samedi, il a parfaitement attaqué la rencontre, puis a ouvert la porte, comme souvent, à l’adversaire : Angel Dí Maria a égalisé avant la pause sans être attaqué par le milieu français, et Benjamin Pavard a traîné après la mi-temps, laissant Mercado tromper Lloris. Sur le moment, le gosse de Maubeuge a planté ses yeux dans le gazon. On connaît la suite, confirmant la théorie du joueur qui saute les difficultés comme des haies et se remet rapidement dans une rencontre, malgré la faute.

Chez lui, c’est une ligne de conduite. « Si j’arrête de bosser, je peux disparaître » , explique-t-il souvent. Fini de rire : après avoir laissé Djibril Sidibé croquer dans les rencontres face aux jeunes du Spartak, à Istra, Pavard a surtout confirmé samedi une certitude. Le bonhomme n’est pas en Russie pour blaguer ou pour qu’on se paie sa pomme. Adil Rami a déjà été publiquement prévenu dans une récente conférence de presse tartinée à l’assurance : depuis le début de son aventure chez les Bleus, Deschamps cherche à le décoincer, le faire sortir du cadre, le pousse à aller voir ce qu’il se passe du côté des offensifs, et il est déjà un tout autre joueur là où de l’autre côté, Lucas Hernández confirme aussi qu’il ne laissera aucun espace d’expression à Benjamin Mendy. Il n’y a plus de stress, juste du plaisir et l’histoire d’un type, dont la coiffure ressemble de plus en plus à une éponge de bain, qui vient d’insérer ses boucles parmi les belles lignes de ce Mondial avec un trio magique : équilibre, trajectoire, audace. Le compte est bon.

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