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Lineker : « À l’époque, tu pouvais donner un coup de pied sans prendre de carton »
Cette saison, la Premier League souffle ses vingt bougies. L'occasion de s'offrir un voyage dans le temps avec l'ancien attaquant de Leicester, Tottenham, Barcelone ou de l’Angleterre, qui punissait toujours les défenses avec le plus grand respect: Gary Lineker, 52 ans depuis vendredi.
La création de la Premier League a-t-elle changé la façon de jouer en Angleterre ?Nous avons toujours eu une forte identité de jeu, donc cela n’a fait que la mettre plus en avant. Le vrai changement, cela a surtout été l’influx d’argent amené par les droits télé signés avec Sky. La First Division n’était pas si éloignée que ça de la Premier League en termes de football.
Cette arrivée d’argent a-t-elle changé le comportement des joueurs ?Non, pas fondamentalement. Cela a surtout permis de faire venir des étrangers. Beaucoup d’argent a été dépensé dans ce but, cela a été le premier effet de la création de la PL.
Ces étrangers ont-ils changé la façon de jouer en Angleterre ?Pas autant qu’on pourrait le penser. Nous avons toujours pratiqué un football basé sur la vitesse et le physique, et comparé aux autres grands championnats, c’est toujours le cas. Notre championnat est toujours plus rapide et plus divertissant que les autres. En revanche, techniquement, on s’en rend compte en Ligue des champions, on accuse toujours du retard par rapport aux grandes équipes espagnoles. Nous pouvons combler ce retard en recrutant des top-players, mais les étrangers qui sont arrivés aux débuts de la Premier League n’ont pas apporté grand-chose. On a tout à coup eu tellement de choix qu’on a fait venir n’importe qui.
Le jeu était plus dur à l’époque de la First Division ?Oui, parce que le règlement a évolué. Aujourd’hui, les joueurs reçoivent des cartons jaunes pour des fautes qui à l’époque passaient presque inaperçues. À mon époque, tu pouvais donner un coup de pied à un gars sans prendre de carton. Aujourd’hui, les joueurs modèrent leurs ardeurs dans les duels parce qu’ils savent que sinon ils risquent de suivre la fin de la rencontre depuis les vestiaires.
Vous n’avez jamais pris de carton durant votre carrière. Vous pensez que cela aurait été le cas avec les arbitres actuels ?Bien sûr. Aujourd’hui, c’est impossible de jouer sans prendre un carton de temps en temps.
L’ambiance dans les stades a-t-elle changé avec la disparition des tribunes debout et l’augmentation du prix des places ?Ce changement dans les stades a avant tout été dicté par les évènements ignobles survenus à la fin des eighties, notamment à Hillsborough. Ensuite, il y a eu l’énorme succès du Mondial 90, qui a probablement plus changé le football que quoi que ce soit d’autre en Angleterre. Et puis avec l’argent perçu grâce aux droits télé, la Premier League a aidé les clubs à améliorer leurs stades, à les rendre le plus agréable possible pour les spectateurs. C’est sûr que c’est un spectacle qui est devenu cher, mais il y a beaucoup moins de hooligans qu’auparavant et les conditions sont bien meilleures.
Vous ne trouvez pas dommage que les classes les plus populaires n’aient plus accès au stade ?Si vous voulez emmener votre famille au stade, cela vous coûtera 300 livres (370 euros, Ndlr), ce qui est inabordable pour un grand nombre de personnes. Le foot est devenu un big business, que ce soit pour le regarder à la télévision ou au stade. Bien sûr que c’est dommage.
Ce changement de population dans les stades a-t-il modifié les rapports entre les joueurs et les fans ?Quel que soit votre portefeuille, vous attendez toujours beaucoup de votre équipe. Je ne pense pas que cela ait changé dans ce sens. En revanche, le fait que les joueurs gagnent désormais d’énormes sommes d’argent fait que les fans attendent plus d’eux. Ils se sentent le droit de se plaindre si le jeu pratiqué ne leur convient pas.
La préparation des équipes a-t-elle été modifiée avec l’arrivée massive des médias et de l’argent ?Oui, mais c’est surtout parce qu’aujourd’hui, nous sommes plus au courant des méthodes pour se préparer au mieux. D’un point de vue diététique, physique, manière de vivre… Il y a beaucoup plus de discipline.
Les joueurs avaient-ils plus l’amour du maillot avant la création de la Premier League ?Il y avait peut-être moins de transferts, mais les joueurs ont toujours voulu jouer pour les meilleurs clubs pour gagner des trophées. Maintenant, les top-players sont tellement bien payés que s’ils débutent dans un grand club, ils n’ont aucune raison de bouger. À mon époque, le meilleur moyen de gagner beaucoup d’argent était d’être souvent transféré pour toucher les primes à la signature. Maintenant, ils n’ont plus besoin, à l’image de Gerrard à Liverpool ou Terry à Chelsea. Même chose à l’étranger, j’imagine mal Messi changer de club. Si tu es dans un grand club, tu n’as aucun intérêt à être transféré pour toucher une part du transfert, tu es déjà payé incroyablement bien là où tu es.
Avec toutes ces caméras, les joueurs se comportent-ils différemment ?Cela dépend des individus. Certains vont faire les malins devant les objectifs, notamment en célébrant leur but. D’autres vont davantage réfléchir avant d’agir, sachant qu’ils sont filmés. Mais honnêtement, sur le terrain, tu es tellement concentré sur ton match que tu oublies les caméras.
L’aspect médiatique fait désormais partie du boulot de footballeur…Certains joueurs ont compris qu’il était dans leur intérêt d’entretenir de bonnes relations avec les médias. Cela peut les aider à se promouvoir et à promouvoir leur sport. Mais là aussi, cela dépend des individus. Certains aiment pavaner, d’autres sont plus timides.
Vous regrettez de n’avoir jamais joué en Premier League (Gary Lineker s’est engagé avec les Japonais de Nagoya en 1992) ?Je suis parti au Japon l’année précédant sa création, j’étais sur la fin à ce moment-là. Cela aurait été sympa de jouer en PL, mais elle est arrivée un peu tard pour moi.
Propos recueillis par Mathias Edwards