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L’indésirable Monsieur Higuaín

Par Adrien Candau
5 minutes
L’indésirable Monsieur Higuaín

Ballotté comme un vulgaire poids mort de prêt en prêt par la Juventus, Gonzalo Higuaín ne serait pas davantage désiré aujourd’hui par sa direction, qui ne rêverait plus que de le refiler à la Roma d'ici la fin de l'été. Problème : l'ancien Madrilène aurait envie de ré-ancrer ses crampons dans le Piémont et de renaître auprès de Maurizio Sarri, le coach qui a fait de lui le meilleur buteur de l'histoire sur une saison de Serie A. Un dénouement aux contours improbables, alors que le statut comme la carrière de l'avant-centre bianconero semblent dangereusement piquer du nez.

Difficile de démêler les fils. D’anticiper dans quelle direction se profile cette carrière-là. Voilà une saison que la destinée sportive de Gonzalo Higuaín emprunte des chemins improbables. À coups de zigzags qui ne semblent déboucher nulle part. À Milan, où il fut d’abord prêté six mois, il a laissé un souvenir dénué d’émotions. Incolore, inodore, vierge de sensations fortes, seulement ponctué de six buts anecdotiques en Serie A. Son passage à Chelsea (cinq buts en quinze matchs de Premier League) ne fut pas davantage mémorable. Le rôle de Gonzalo dans la seule grande satisfaction annuelle des Blues, la conquête de la C3, s’avérait même mineur, l’Argentin ayant dû s’effacer derrière Olivier Giroud en pointe, aussi exemplaire que brillant tout le long de la compétition. Et alors ? Alors Higuaín est revenu cet été la queue entre les jambes à la Juventus, puisque personne n’était manifestement prêt à lâcher les millions nécessaires pour l’acquérir définitivement. Triste tour de manège, pour un type qui était pourtant au sommet de l’Italie trois ans plus tôt. À moins que Maurizio Sarri, nommé à la tête de la Juve cet été, ne décide que son poulain vaut la peine de se voir offrir un dernier tour de piste.

Sarri compatible

Higuaín, lui, semble en tout cas vacciné contre l’idée de retenter sa chance ailleurs. Ce qui n’était pas forcément le cas en avril dernier, où il déclarait être « venu pour rester à Chelsea. C’est une bonne ville, tu vis bien, tu peux te relaxer, mais aussi en profiter, donc mon intention est de rester. Après, tout dépend de Chelsea. Je veux terminer la saison de la meilleure façon possible. » Sauf que le paysage londonien a significativement changé depuis. Sarri, le chaperon d’Higuaín, s’est envolé pour Turin, où Pipita n’avait plus d’autre choix que de revenir. Un mal pour un bien, à première vue : dans le Piémont, il retrouve l’entraîneur qui avait redimensionné sa carrière, faisant alors de lui l’idole du Napoli, où il plantait 36 pions en Serie A, un record historique, lors de l’exercice 2015-2016.

Officiellement, Sarri ne serait d’ailleurs pas opposé à l’idée de relancer Higuaín sur les bons rails : « Si Higuaín peut rester ? Vous connaissez ma relation avec lui, déclarait le Mister mi-juin dernier. Quand il reviendra, nous pourrons parler. Gonzalo a la capacité de jouer avec n’importe qui et je ne vois pas de problème dans sa silhouette. Mon sentiment est qu’il a eu une mauvaise période après la Juventus… Il a été secoué par le club, il sort d’une saison où il a dû composer avec une sorte de traumatisme émotionnel… Ce sont des choses qui arrivent. Mais s’il a une forte réaction, il peut faire deux ou trois ans à un très haut niveau. » Depuis, Higuaín est revenu à Turin et a même marqué lors du match de préparation disputé par la Vieille Dame à Singapour ce dimanche, face à Tottenham. Un bon signe ? Pas forcément. Car Sarri avait surtout précisé dans son intervention qu’il avait « l’obligation d’écouter les dirigeants de la Juve qui sont là depuis plus longtemps. Et j’obéirai. On prendra une décision ensemble. »

Le hic, c’est la tactique

De subtiles précautions rhétoriques, qui dissimulent sans doute une réalité plus brutale : la direction de la Juve, elle, ne veut purement et simplement plus de l’attaquant argentin. Une décision qui relève du pragmatisme le plus élémentaire. Du temps de ses années madrilènes, Higuaín n’a jamais fait état d’une grande complémentarité avec Cristiano Ronaldo devant. Le 4-3-3, système chéri de Sarri, permettrait pourtant sur le papier d’aligner les deux joueurs dans le onze type juventino. Sauf que le Portugais aime permuter pour régulièrement repiquer dans l’axe, ce qui le rend plus compatible avec des avants-centres enclins à « dézoner » (Benzema), ou prêts à sacrifier leur rendement individuel pour les besoins de l’équipe (Mandžukić). S’il n’est pas le dernier à faire les efforts pour donner un coup de patte au collectif, Pipita reste un finisseur au sens plus classique du terme, qui préfère être servi plutôt que donner des munitions à ses équipiers. Dans cette optique, son association avec Paulo Dybala, installé en rôle de neuf et demi derrière lui, avait d’ailleurs dessiné le début d’une connexion prometteuse, la finition du premier s’accordant bien avec les qualités de création du second.

C’est même avec ce duo que la Juve avait atteint la finale de la C1 en 2017. Sauf que le statut de la Joya à Turin a connu une sévère dégradation depuis l’année dernière, même si Sarri voudrait selon les médias italiens remettre Dybala au centre du projet de jeu juventino. Dans l’ensemble, il reste pour le moins hasardeux de voir en Higuaín un cadre en puissance de la Juventus new look que doit construire l’ex-gourou napolitain. La perte de son numéro de maillot, le 9, lui qui endosse désormais le 21, est révélatrice de la considération toute relative que lui porte la Vieille Dame. De fait, cette dernière souhaiterait vendre son attaquant à la Roma, rapporte unanimement la presse transalpine, qui fait état d’un possible jeu de chaises musicales entre Pipita, Edin Džeko (qui partirait pour l’Inter) et Mauro Icardi (qui rejoindrait la Juventus). De quoi donner un solide mal de crâne à la direction turinoise, qui va sûrement devoir jouer serré pour arriver à ses fins. En attendant, Higuaín, massivement soutenu par les tifosi bianconeri sur les réseaux sociaux, s’accroche fort logiquement à son bout de bifteck. Reste encore à savoir si l’Argentin aura réellement l’appétit nécessaire pour rattraper le temps perdu, à Turin ou ailleurs.

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