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Lindelöf, the Iceman
Débarqué lors de l’été 2012 à Lisbonne alors qu’il venait juste d’avoir dix-huit ans, le Suédois Victor Lindelöf a progressivement joué des coudes pour devenir le bras armé du vieux Luisão au cœur de la défense de Benfica. Au point de devenir un potentiel héritier de Rio Ferdinand à Manchester United, mais avant toute chose un homme courtisé, bien que bloqué par quelques détails de son passé. Récit d’un talent certain devenu figure d’une bataille juridique.
Pour lui, c’est peut-être là que tout a basculé. Un changement de costume ne tient pas à grand-chose dans le foot, changer de statut non plus. Dans les couloirs de l’Estádio de la Luz de Lisbonne, sur les coups de 23 heures, Robert Lewandowski débarque ce soir-là avec le visage marqué, épuisé. Une soirée d’avril 2016, une nuit de Ligue des champions, une bataille où tout se devait d’être possible. Huit jours plus tôt, à Munich, le Bayern a souffert, mais a fait un premier pas vers les demi-finales de la C1 en s’imposant grâce à un but précoce d’Arturo Vidal. Pour le retour, Rui Vitória, le technicien couillu du Benfica, avait alors promis « l’enfer de la Luz » tout en demandant à ses hommes de jouer jusqu’à leurs limites. Au bout, les Águias ont montré ce qu’ils avaient dans le crâne et dans le short : un nul solide 2-2, avec des décisions arbitrales critiquables et sans Mítroglou, Jonas et Gaitán. Costaud donc et le constat que Benfica a « rivalisé » avec le Bayern sur 180 minutes. Lewandowski, sur le banc avant d’entrer une poignée de minutes à Lisbonne, veut, lui, parler d’autre chose et de ce qu’il a mangé pendant cet aller-retour : « Sur cette saison, je ne pense pas avoir joué contre une meilleure paire que le duo Jardel-Lindelöf. Oui, on a souffert. » Victor Lindelöf vient d’être adoubé par le gratin, sur un match européen, et ce, à une période où le jeune souffle suédois n’est alors qu’un patient appelé à pallier les failles physiques du vétéran Luisão et du fragile Lisandro López. Depuis, le jeune Victor est devenu Lindelöf, ce mec que tout le monde veut prendre dans ses bras et qui ne bouge plus. Voilà pourquoi.
La caution de la survie
Comprendre le cas Lindelöf, c’est avant tout remonter sur les bords du lac Mälar, à Västerås, cinquième ville de Suède, mais aussi terre d’où est sorti l’ancien champion olympique de kayak Markus Oscarsson. Là aussi où le défenseur de Benfica a été éjecté au milieu des années 90. Son explosion s’est faite en deux temps, à l’IK Franke d’abord, au Västerås SK ensuite, club qu’il a rejoint à l’âge de treize ans. Rapidement, chez les dirigeants, on comprend qu’un cas à part cavale dans les équipes de jeunes, mais le constat devient le suivant : posséder une pépite, c’est bien, la vendre et pouvoir vivre avec, c’est mieux. Voilà le jour où tout a changé pour Victor Lindelöf. Après plusieurs mois de drague, Benfica finit par recruter le jeune défenseur central suédois le 1er décembre 2011. Qu’a-t-il fait jusqu’ici ? Il a impressionné sur le terrain, évidemment, après des débuts chez les pros à seize ans, a aidé le club à grimper en Superettan (D2) une saison, mais est aussi devenu un nom sur lequel on a sécurisé l’avenir. Notamment dans la tête du proprio, Bengt-Åke Nilsson, qui doit aujourd’hui gérer la dette immense d’un club qui galère en troisième division nationale et qui fait face à la désertion de sa Solid Park Arena.
Le phénomène et le conflit
Vendre Victor Lindelöf aussi rapidement était une évidence et le faire à Benfica était cohérent. La suite a donné raison à Nilsson : celui que l’on surnomme aujourd’hui Iceman a appris avec la réserve du club lisboète, a progressivement été intégré à l’équipe première – via quelques minutes d’abord à la fin de la saison 2013-14, puis une installation sur mesure à partir de février 2016 – et a été balancé titulaire lors du huitième de finale aller de C1 l’an passé face au Zénith (1-0). Entre-temps, Lindelöf était devenu champion d’Europe espoirs avec la Suède en Tchéquie contre le Portugal où il avait inscrit le tir au but vainqueur au cours d’une compétition passée arrière droit et où il n’aurait jamais été présent sans une blessure de dernière minute. Depuis, c’est l’histoire d’une progression intelligente, faite d’une justesse technique rare et d’un sens du placement aiguisé, au cœur de la défense de Benfica avec laquelle il a notamment gratté un titre de champion l’an passé. Au point d’attirer encore, forcément, surtout avec un Euro traversé en France dans la peau d’un titulaire.
C’est là que Bengt-Åke Nilsson est revenu via une bataille juridique lancée contre le club portugais. La raison ? Initialement, Benfica s’était engagé à verser 250 000 euros au Västerås SK après dix titularisations de Lindelöf en équipe première. Ce que les Lisboètes ont refusé de faire, expliquant que la prolongation de contrat signée par le défenseur en 2015 annulait l’accord. L’affaire a depuis été portée devant la commission du statut du joueur de la FIFA et rien n’a encore été réglé entre les deux parties. Un détail qui a notamment empêché Victor Lindelöf de rejoindre Manchester United cet hiver où on parle d’Iceman comme de l’héritier possible de Rio Ferdinand. D’autant que selon les accords initiaux, le Västerås SK pourrait toucher 20% de l’indemnité de transfert de son ancien joueur, soit une belle enveloppe qui pourrait lui permettre d’éponger sa dette. D’ici l’été prochain, l’affaire pourrait être réglée et Lindelöf devrait aller voir ailleurs, pour franchir un nouveau palier. La réception de Dortmund mardi doit être la nouvelle preuve de la singularité du talent du jeune Suédois de vingt-deux ans, entre un potentiel confirmé et une personnalité dessinée pour briller.
Par Maxime Brigand