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L’Inde du football tire ses premiers bilans
Au pays du cricket, le football est né en octobre 2014. Pour se développer et gagner en popularité, il pourra s'appuyer sur cette première édition de l'Indian Super League, dans laquelle Edel et Mendy se sont fait remarquer, contrairement à Trezeguet et Del Piero.
Samedi soir, une vague jaune, couleur des Kerala Blasters, déferle sur le DY Patil Stadium de Mumbai pour assister à la première finale de l’Indian Super League. Entre la franchise de Cochin et celle de Calcutta, le choix des habitants de la plus grande métropole indienne est vite fait. Pourquoi ? Tous répondent inlassablement la même chose. « On supporte Kerala à cause de Sachin ! » , s’enflamme Rane, la vingtaine, pancarte à l’effigie de son héros en main. Sachin Tendulkar, légende vivante du cricket indien récemment retraité, est le co-propriétaire des Kerala Blasters. Cette anecdote résume à elle seule ce que fut cette Indian Super League : un gigantesque mélange des genres. La moindre apparition d’acteurs de Bollywood ou de joueurs de cricket sur les écrans des stades déclenchait l’hystérie des supporters. Le football, moins.
Pourtant, cette première édition de l’ISL a offert un spectacle étonnant. Bernard Mendy (Chennai FC) s’est affirmé comme l’un des tout meilleurs joueurs de la compétition et a inscrit le but de sa vie d’un magnifique retourné acrobatique en début de tournoi. Apoula Edel a lui été le grand artisan du sacre de l’Atlético Calcutta grâce à des parades phénoménales tout au long de la compétition. En finale, il a sauvé les siens à de multiples reprises, avant d’être porté aux nues par ses coéquipiers à l’issue de leur victoire étriquée. De quoi faire sourire tous les supporters parisiens.
Les stars européennes à la peine
Cette compétition aura également été l’occasion de voir que, même dans un championnat « très loin du niveau Ligue 2 » , selon Apoula Edel, les anciennes gloires européennes n’ont pas su se mettre en valeur. On a surtout vu David Trezeguet (2 buts), Robert Pirès (1 but) ou encore Alessandro Del Piero (1 but) chauffer le banc des remplaçants. « Cette compétition a permis de mettre en valeur la qualité des jeunes joueurs indiens, se félicite Luis García, ancien international espagnol, et marquee player de Calcutta. Je suis fier que l’un d’eux ait marqué le but de la victoire » , en référence à son coéquipier Rafique Mohammed, 22 ans.
« Les joueurs indiens ont énormément appris au contact des étrangers, assure Antonio Lopez Habas, entraîneur de Calcutta. En seulement trois mois, ils ont beaucoup progressé techniquement et tactiquement. » Au vu des contrôles approximatifs et passes ratées tout au long de la compétition, on se demande bien à quoi pouvait ressembler le premier entraînement. Selon Habas, pour que le football indien quitte sa piètre 171e place au classement FIFA, « il faut bien sûr investir dans la formation, mais aussi que le football indien se professionnalise en faisant venir des kinés, des préparateurs physiques… » « Il faut également former des entraîneurs » renchérit David James, l’entraîneur-joueur de Kerala, qui a réussi à hisser son équipe en finale pour sa première expérience sur un banc de touche.
« Très éprouvant pour les organismes »
Le grand succès de cette première édition de l’Indian Super League, c’est d’avoir ouvert les yeux aux Indiens : eux aussi peuvent, s’ils s’en donnent les moyens, devenir une nation de football. Cependant, pour améliorer la qualité du spectacle, les organisateurs devront prendre en compte la critique faite par les étrangers : le calendrier des matchs. Le football n’est pas le cricket, sport pour le moins peu « fatiguant » . Jouer tous les trois jours pendant deux mois, c’est possible quand on s’appelle le Real Madrid ou le Paris Saint-Germain, c’est plus difficile pour des joueurs en fin de carrière et des Indiens qui savent à peine ce qu’est une préparation physique. « Cette compétition a été très éprouvante pour les organismes, résume Luis García, 36 ans. Avec des rencontres tous les trois jours et des trajets en avion, il était impossible de se reposer. » Ajouter à cela des heures passées dans les cars pour se rendre aux terrains d’entraînement… Le résultat : des dizaines de blessures et beaucoup de matchs sans rythme.
Ces reproches, les autorités indiennes et les organisateurs de la compétition les ont entendus. « Les franchises vont investir pour améliorer les infrastructures, quasi inexistantes pour l’instant » assure l’ancien gardien de l’équipe d’Angleterre. Surtout, l’ISL devrait débuter au mois de septembre et s’étendre sur plus de trois mois, pour espacer les rencontres. Ce qui est certain, c’est que l’on n’a pas fini d’entendre parler de cette compétition. La ligue indienne de football a signé, avec les groupes IMG et Reliance Industries, un contrat d’exclusivité de 15 ans pour organiser l’ISL. De quoi s’imaginer un Brésil-Inde en match de poule de la Coupe du monde 2030. Et pourquoi pas, hein ?
Par Paul Pradier, à Mumbai