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L’inconnu de l’année : Nigel Pearson

Par Romain Duchâteau
6 minutes
L’inconnu de l’année : Nigel Pearson

Nigel Pearson a mis Leicester sur les bons rails de Premier League, a lancé Jamie Vardy, a délivré de la punchline mémorable, a saisi à la gorge un joueur de Crystal Palace en plein match avant d'être remercié cet été pour les conneries filmées de son fils et a laissé place nette à Claudio Ranieri. Portrait d'un manager au tempérament volcanique, aimant par-dessus tout la promenade.

La légende, aussi invraisemblable et singulière soit-elle, a longtemps escorté son imposante carcasse. Il y a quelques années, lors d’un voyage initiatique qui l’a mené jusqu’en Roumanie, Nigel Pearson serait parvenu à venir à bout d’un ours. La véracité de cette histoire diffère en réalité quelque peu. Le manager, aujourd’hui cinquante-deux ans, n’a pas vaincu un ours, mais une meute de cinq chiens lancée à ses trousses au cours d’une randonnée pédestre dans la brume des Carpates. Il s’en est sorti, non sans mal et frayeur. Une mésaventure survenue durant l’un de ses seuls soupirs et moments de quiétude servant d’exutoire aux incessants soubresauts qui l’assaillent. « Voilà ce qui me permet de m’évader, confessait-il en janvier 2014, avec l’aplomb qui le caractérise. J’aime être dans ce genre d’endroit. J’ai fait le Mont Snowdon, j’ai marché un peu à Cleveland Way et suis allé d’une côte à l’autre. Quand j’étais plus jeune, j’ai fait le Yorkshire Three Peaks – Pen-y-ghent, Whernside, Ingleborough – puis la moitié de la Pennine Way » . Nigel Pearson aime marcher. Encore et encore. Inlassablement. Pour peut-être, comme il l’avoue lui-même, oublier certaines parts obscures de sa personnalité : « Je n’aime pas tout ce que je suis, mais je dois vivre avec. »

« Les nerfs. L’émotion. Ce travail, ce n’est que de l’amour et de la haine »

S’il a acquis aujourd’hui une réputation de manager controversé au Royaume, Nigel Paerson aurait pu épouser une tout autre trajectoire. Celle d’un employé de la Royal Air Force. Plus jeune, il officiait en tant que mécanicien pour les hélicoptères dans les îles Malouines avant que le ballon rond ne vienne infléchir sa destinée. Mais sa carrière de joueur professionnel étendue sur dix-sept ans à Shrewsbury Town, Sheffield Wednesday et Middlesbrough n’a pas rencontré le succès escompté, la faute à de multiples blessures. C’est donc logiquement qu’il se tourne vers une carrière d’entraîneur. Une nouvelle vie qu’il amorce à Carlisle United (1998-1999), modeste formation de League Two. Première expérience réussie, puisque Pearson parvient à maintenir le club alors que le spectre de la relégation rôdait.

Parce qu’il est passionné et patient, le bonhomme acceptera de jouer les pompiers de service pour West Bromwich (septembre-octobre 2006), les U21 anglais (mars 2007) et Newcastle (mai 2007 et janvier 2008). Des expériences courtes, trop courtes, mais où le natif de Nottingham découvre véritablement une profession qui le prend aux tripes. Quotidiennement. « J’adore le foot, mais quand je travaillais avec Sam Allardyce à Newcastle, il me disait : « Putain que je déteste les jours de match ! » Je sais d’où cela vient, racontait-il il y a bientôt deux ans. Les nerfs. L’émotion. Avoir la bonne préparation. Cette montée d’adrénaline à l’approche du match est horrible. Ce travail, ce n’est que de l’amour et de la haine. » Et le coach britannique d’avouer l’un des traits de caractère dont il ne peut se départir : « J’ai de terribles sautes d’humeur. Je peux être assez virulent. Les gens ont dit que j’étais impoli, que je pouvais être sec avec certaines personnes. Mais je ne me rends pas compte, car je suis tellement focalisé sur ce que je fais. En fait, je suis un gars très sensible, vraiment. »

Punchlines, coups de sang et sextape du fiston

Sans doute trop, parfois. Parce que Nigel Pearson, adepte des livres nécrologiques, est un manager au tempérament volcanique, tempétueux et à la sensibilité exacerbée. En témoigne, d’abord, cette scène intervenue le 2 décembre 2014 au sortir d’une défaite avec Leicester contre Liverpool (1-3). Apostrophé par un fan des Reds, le technicien à l’envergure certaine (1m85, 90kg) lui rétorque avec véhémence : « Fuck off and die ! » Une incartade qui lui a valu une amende salée de la part de la Fédération anglaise de football (14 000 euros). Un doux incident, toutefois, par rapport à celle qui s’est produite quelques mois plus tard. En plein match face à Crystal Palace (0-1, 7 février 2015), le Britannique s’écharpe au bord du terrain avec le joueur James McArthur avant de littéralement péter un plomb et de le saisir par la gorge au sol. Scène surréaliste, et pourtant, Pearson n’est pas limogé. « Peut-être était-ce naïf de ma part, mais c’était quelque chose d’inoffensif » , tentera-t-il de se justifier quelques mois plus tard, sans vraiment convaincre son auditoire. Car il faut dire que le gaillard ne pratique pas la brosse à reluire. Et ne porte franchement pas les journalistes en haute estime. Lors des nombreuses conférences de presse qu’il a tenues à la tête des Foxes, il lui est arrivé très fréquemment d’asséner des remarques acerbes à ses interlocuteurs et de qualifier leurs « questions de merde » .

L’un des journalistes présents dans la foulée de la victoire de Chelsea à Leicester (1-3), en avril dernier, en a fait l’amère expérience après avoir posé une question qui a profondément irrité Pearson. Sa réponse, sans détour, est devenue mémorable : « Avez-vous été en vacances ces six derniers mois ? Vous deviez avoir la tête dans les nuages, en vacances, ou près d’une autre équipe parce que votre question est incroyable. Si vous n’avez pas la réponse à celle-ci, je pense que vous êtes une autruche. Votre tête doit être plantée dans le sable. Êtes-vous assez flexible pour mettre votre tête dans le sable ? Je pense que non. Vous avez été là assez souvent, alors pour me poser cette question, vous devez être stupide. » Mais ce ne sont pas les punchlines lâchées ou les coups de sang répétés de celui qui a hissé Leicester en Championship, puis en Premier League qui vont entraîner sa chute. Celle-ci a été actée cet été à cause de son fils, alors joueur en réserve chez les Foxes et impliqué dans une sombre affaire extra-sportive. En pleine tournée de pré-saison en Thaïlande – pays dont les propriétaires du club sont natifs –, une sextape fuite sur la Toile où on aperçoit James Pearson avec deux coéquipiers en pleine orgie. Une vidéo faite de petites gâteries et d’actes sexuels qui a surtout créé la polémique pour les propos racistes lancés par les trois gaillards aux jeunes filles locales ( « slit eyes » notamment). L’écart de trop pour les dirigeants qui ont signifié au paternel son licenciement le 30 juin. Depuis, Nigel Pearson, grand artisan des bases sur lesquelles s’appuie Claudio Ranieri cette saison, n’ébranle plus la sphère médiatique. Et s’adonne à son passe-temps favori, la promenade. Mais, aux dernières nouvelles, aucun ours n’a abdiqué devant lui.

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Par Romain Duchâteau

Propos de Nigel Pearson extraits du Telegraph et du Guardian

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