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Lina Boussaha : « Je n’aurais jamais imaginé jouer dans le même club que Ronaldo »
Cristiano Ronaldo n’est pas le seul à avoir rejoint Al-Nassr cet hiver. Le jour de la présentation en grande pompe du quintuple Ballon d’or, un autre transfert au sein du club saoudien était officialisé : celui de Lina Boussaha. La joueuse formée au PSG entend y relancer une carrière ralentie par les blessures, tout en étant en harmonie avec ses convictions religieuses.
Ton transfert à Al-Nassr a été officialisé le jour de l’arrivée de Cristiano Ronaldo. Qu’est-ce que ça représente, pour toi, d’évoluer dans le même club que lui ?Je pense avoir signé avant lui, même si je l’ai annoncé juste après parce que je n’avais pas encore reçu de photo officielle. (Rires.) Franchement, c’est une grosse fierté. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais jamais imaginé jouer dans le même club que lui. Depuis toute petite, je suis une fanatique de Cristiano Ronaldo. J’imitais ses célébrations quand je marquais, j’avais une photo de lui en fond d’écran sur mon téléphone. Je pense qu’il va énormément nous apporter, et avoir la chance de vivre ça, c’est incroyable.
CR7, c’est donc une source d’inspiration pour toi ?C’est une source d’inspiration pour tout le monde. CR7, c’est la définition de l’acharnement, de l’abnégation, du travail invisible. Je l’ai vraiment pris comme exemple pour tout ce qui concerne l’éthique de travail, le mindset, la motivation, l’hygiène de vie… Ce qu’il a accompli au fil des ans, c’est impressionnant.
Quelle est l’ambiance à Riyad depuis son arrivée ?Il y a une grosse excitation. Les Saoudiennes de l’effectif n’en reviennent pas, elles vivent le truc à fond. On le voit affiché sur plein de panneaux publicitaires, partout. L’engouement est fou, mais ce n’est que le début, parce qu’il va forcément faire grandir le club, apporter de la visibilité. Avant, personne ne savait où était Al-Nassr. Maintenant, tout le monde sait que j’ai signé dans le même club que CR7 ! Au niveau de l’image et de l’attractivité, ce n’est plus du tout pareil. J’espère aussi que ça va mettre en lumière la section féminine.
Ultra fière de vous annoncer ma signatureà @AINassrFC De retour dans le monde du foot après 2 années difficiles … #alnassr #nevergiveup pic.twitter.com/KSrgHvbI6v
— Lina (@LinaBoussaha) January 3, 2023
Tu vas devenir la première Française à jouer dans le championnat féminin saoudien. Qu’est-ce qui t’a motivée à rejoindre Al-Nassr ?Il y a un point très important à prendre en compte : en France, je ne pouvais pas jouer avec le voile (le port de signes religieux ostentatoires sur le terrain est interdit par les statuts de la FFF, NDLR). Pour cela, il fallait donc que je parte à l’étranger. Mon agent a cherché des solutions en ce sens, Al-Nassr m’a permis de venir, de visiter les infrastructures et, à la fin, j’ai immédiatement accepté de m’engager. Je me suis vite aperçue que tout était réuni pour que je puisse m’épanouir, sportivement et religieusement.
Au début de ta carrière, tu jouais sans voile. À quel moment est-ce devenu une priorité, dans ton esprit, de pouvoir le porter en match ?C’est un déclic très personnel, que j’ai eu pendant le dernier ramadan. C’est un choix que j’assume complètement. Je savais qu’avec le voile, je ne pourrais pas poursuivre ma carrière en France, il fallait donc que je quitte mon pays pour continuer à vivre de ma passion. Ma volonté, c’était vraiment d’allier foot et religion. J’espère qu’il n’y aura que du positif à retenir.
Le championnat féminin saoudien est encore tout jeune, puisqu’il a été lancé en novembre 2021. Participer à une compétition en plein développement, c’est une source de motivation supplémentaire pour toi ?Forcément, le niveau n’est pas le même qu’en France. C’est beaucoup moins intense, mais je suis sûre que la fédération va tout mettre en place pour permettre à ce championnat de se développer encore plus. C’est encore un challenge pour moi, je vais devoir m’adapter à une nouvelle équipe, me confronter à d’autres joueuses, découvrir une autre façon de jouer… C’est très motivant !
Les infrastructures sont-elles équivalentes à ce que tu as connu en France ?Malheureusement, nous ne sommes pas basées dans le beau centre d’entraînement qu’ont les garçons. Nos infrastructures ne sont pas aussi bien développées qu’en France, mais nous avons notre terrain, nos équipements, notre salle de sport, donc ça suffit pour être quand même dans de bonnes conditions.
Après avoir été formée au PSG et connu un prêt très concluant à Lille, tu n’as joué que trois matchs en trois ans. Que s’est-il passé ?Quand je suis revenue à Paris après mon prêt à Lille, j’ai eu une pubalgie. Ensuite, il y a eu la crise Covid. Puis j’ai signé au Havre, qui venait de monter en D1 et avait un beau projet. C’était un nouveau départ. Mais lors du premier match, je me suis fracturé le cinquième métatarse, comme Neymar. À partir de là, ça a été cauchemardesque. Il y a eu plein de complications, de douleurs… J’ai rechuté en décembre, au cours de mon match de reprise, ce qui m’a incitée à me faire opérer. Après la relégation du Havre en D2, le Paris FC était prêt à me prendre en charge médicalement et à me recruter si tout se passait bien. On a essayé pendant 5-6 mois, mais j’avais toujours mal. J’étais toujours sans contrat, et j’ai décidé de me reposer. Plus de pression du club, plus de stress, plus rien. S’il avait fallu arrêter le foot, j’aurais arrêté. Et c’est à ce moment-là que les douleurs se sont estompées, que tout est rentré dans l’ordre. Naturellement.
Qu’as-tu changé pour minimiser les risques de rencontrer à nouveau de tels soucis physiques ?Depuis très jeune, j’étais à cheval sur l’hygiène de vie. Donc le problème ne venait pas de l’alimentation, du sommeil, de l’hydratation ou encore du travail en salle. C’est le surentraînement qui a causé toutes ces blessures. Je voulais en faire trop, en faire plus. J’imposais trop de stress à mon pied. J’ai énormément pris conscience de l’importance de la récupération. Le repos fait partie de l’entraînement. Ça, maintenant, je l’ai bien compris.
As-tu songé à une reconversion pendant ces longs mois d’inactivité ?Il fallait bien que j’avance dans ma vie, car si tu n’as rien à côté du foot, c’est compliqué. Pendant que j’étais blessée, j’ai passé mon diplôme de coach sportive, en effectuant des formations en parallèle. J’assurais des séances de coaching sur Paris, ça se passait très bien. Quand j’aurai raccroché les crampons, je reprendrai !
Tu vas bientôt avoir 24 ans. Comment vois-tu la suite de ta carrière, à court et plus long termes ?Déjà, je compte revenir à mon meilleur niveau. Deux ans sans jouer, ce n’est pas rien, il va me falloir du temps pour retrouver toutes mes sensations. J’espère être performante pour l’équipe, être décisive sur les derniers matchs de la saison et décrocher le titre national. Ensuite, si tout se passe bien, j’aimerais intégrer l’équipe nationale d’Algérie. (Elle compte plusieurs apparitions en équipes de France de jeunes, NDLR) Et puis, pourquoi ne pas disputer une compétition majeure avec cette sélection ?
La page du championnat de France est-elle tournée ?Aucune page n’est tournée, on ne sait jamais ! Si, demain, la FFF autorise le port du voile sur les terrains, je pourrais songer à revenir. Mais pour l’instant, je suis très heureuse en Arabie saoudite. C’est un pays qui me convient parfaitement au regard de la religion ou des valeurs. Je suis libérée et apaisée.
Propos recueillis par Raphaël Brosse