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L’immortel Valerón ressuscite Las Palmas
Malgré ses quarante ans, Juan Carlos Valerón va refouler, dès cet été, les pelouses de Liga. Fer de lance de la remontée dans l'élite de l'UD Las Palmas, le Flaco le plus classe d'Espagne s'apprête à entamer une tournée d'adieux que tout un chacun souhaite magnifique.
Le soleil est lourd au milieu de l’Atlantique. Au large des côtes marocaines, coincé entre les îles de Fuerteventura et de Tenerife, l’archipel de Grande Canarie vit des touristes qui l’arpentent et des tomates et bananes qui la peuplent. Sa capitale, Las Palmas de Gran Canaria, a pourtant besoin de plus. Neuvième ville d’Espagne, elle compte plus de 760 000 bouches à nourrir et autant de paires d’yeux à contenter. L’UD Las Palmas, fanion vieux de 65 ans, rythme les week-ends des insulaires. Bon gré mal gré, ils se contentent de rencontres de Segunda Division depuis le début du millénaire et une ultime descente en mai 2001. Un drame sans issue. L’an dernier, en finale de playoffs, le rêve d’une remontée se brise ainsi face à Cordoue et son passé quasi inexistant dans l’élite. Qu’importe, au bout d’un nouvel exercice terminé à la quatrième place, la UD retrouve cette même finale. Cette fois, l’adversaire répond au nom de Saragosse. Et le résultat est autre : après une défaite inaugurale 3-1 à la Romareda, les coéquipiers de Juan Carlos Valerón l’emportent 2-0 dans un retour homérique. La Liga retrouve, enfin, les Canaries.
« Le meilleur psychologue sportif »
Javier Lavandeira, intime et co-auteur d’un livre intitulé L’entraînement du football offensif avec le seigneur Valerón, trouve une réponse toute personnelle à l’apport de son ami dans le destin de l’UD Las Palmas : « Le concept qu’a Juan Carlos de vivre sans rancœur m’a beaucoup aidé. Il soutient qu’avoir de la rancœur t’empêche de regarder devant. Il m’a dit de me concentrer sur ce que je pouvais réellement changer. » Une recette qu’il copie-colle au jeune effectif qu’il côtoie tous les jours. Revenu dans son club de toujours il y a de ça deux étés, il étonne ses comparses. Premier arrivé, dernier parti, il ne compte pas ses heures dans les locaux du club. « Il n’est pas simplement proche des joueurs, reprend, de volée, son aîné Miguel Angel Valerón dans les colonnes du Pais. Il transmet la paix et te libère de ton anxiété : il te rapproche de ton meilleur rendement. » Face au stress de ses coéquipiers, il « explique aux plus jeunes que faire dans un match qui tourne à l’inespéré ou comment dépasser des situations de pression » , dixit Javier Lavandeira.
Ce statut de vieux sage impose à Juan Carlos Valerón un devoir d’exemplarité. Tant mieux, il est le meilleur d’entre eux. Sur une île qui a vu naître David Silva, champion du monde et d’Europe, il est élevé au rang de divinité. Comme l’écrit Juan Moreno Artiles, président de la peña au nom du quadragénaire, au-dessus de sa tanière, les mots « sacrifice, équipe, tradition, dépassement, constance, honnêteté, humilité, foi, famille et respect » définissent l’idole régionale. « Tout le monde le reconnaît. Dans tous les stades, il entre et il sort sous les applaudissements. Les arbitres savent que s’il tombe, il y a faute parce qu’il est incapable de simuler » , abonde même ce dernier. Toutes les valeurs de Valerón n’ont qu’une fin : rendre à l’UD Las Palmas ses lettres de noblesse, dans la victoire comme dans la défaite. Après la psychose entraînée suite à la non-montée de l’an dernier, il catalyse les attentes des supporters et dédramatise les choses dans le vestiaire. Comme le définit son aîné, « il est le meilleur psychologue sportif que je connaisse » .
Andrés Iniesta ne déboursera pas un centime
Pour sûr, la carrière de Juan Carlos Valerón lui offre un recul rare. Avec déjà deux fractures du même tibia et une litanie de blessures au genou, des hauts et des bas avec le Deportivo La Corogne, il connaît la douleur, physique et morale, des échecs. Aujourd’hui, il profite le plus simplement du monde. Entre ses obligations avec l’UD, il jongle avec son poste d’entraîneur des moins de 19 de l’Abrisajac – une équipe au nom biblique dont Abraham, Isaac et Jacob forment l’acronyme, une autre grande passion dans la vie de Valerón. Des projets, l’étendard de Las Palmas en a à foison. Tous gardent la trame du football : « Il sera un grand entraîneur ou un grand directeur sportif. Il sera, si quelqu’un lui fait confiance, un exceptionnel directeur de football parce qu’il a la qualité rare de savoir détecter qui sont les meilleurs » , dixit son frère. Jusque-là, il écumera durant une saison les prés de Liga pour un jubilé qui s’annonce somptueux. Andrés Iniesta, qui a un jour déclaré « qu(‘il) payerai(t) de (s)a poche pour voir jouer Valerón » , n’aura pas besoin de débourser le moindre centime.
Par Robin Delorme