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Lille Sud sous les flashs !
Comme chaque année, la Coupe de France fait la part belle aux équipes de seconde zone. Quatorze ans après Calais, sept ans après Carquefou, un an après l'AS Moulins, le FC Lille Sud est le petit poucet de cette nouvelle édition. Évoluant en PHR, ce petit club de la banlieue lilloise pourrait même rencontrer une équipe de L1 en cas de victoire ce vendredi contre Valenciennes. Un derby auquel les joueurs n'auraient jamais pensé.
Morad Ben Moussa peut être fier. Le parcours du FC Lille Sud, c’est son œuvre, sa réussite. En juin 2012, lorsqu’il débarque en tant que directeur sportif et entraîneur dans ce petit club planté au milieu des tours dans la banlieue lilloise, la situation est au plus bas : les précédents dirigeants ont tous démissionné ou ont été démis de leur fonction, les assemblées générales se font aussi rares que les spectateurs et les joueurs commencent peu à peu à déserter l’entraînement. En 2012, l’association ne compte ainsi que 177 licenciés. Morad Ben Moussa, aux côtés du président Karim Moubarki, regarde autour de lui, se gratte la tête et envisage un plan. Le but ? Reconstruire : « Lorsqu’on a repris le club, il venait de se maintenir de justesse en promotion de ligue. Il y avait donc une demande en interne pour remettre de l’ordre dans l’association. Certains membres du CE ont ainsi demander à Karim Moubarki de prendre la présidence, mais celui-ci ne voulait revenir qu’à la condition que ce soit moi l’entraîneur. De même pour les joueurs. L’idée première était ensuite de mettre en place un vrai bureau, avec un président, un trésorier, un secrétaire, mais aussi une vraie équipe pédagogique, à la fois compétente, formée et diplômée. »
Une famille, de la solidarité et un manque d’argent
Comme souvent dans ce genre de situation un peu désespérée, ils tentent un coup de poker, et décident d’offrir les licences pour leur première année. « On a fait un gros travail lors de la première saison, il fallait bien ça pour convaincre les parents de faire revenir leurs enfants au club, qui n’a jamais eu une bonne réputation. Non seulement parce qu’il porte le nom et l’histoire d’un quartier qu’on dit difficile, mais aussi par rapport à ce qu’il se passait avant notre arrivée. Résultat : on compte aujourd’hui plus de 400 licenciés, une équipe de futsal finaliste de la Coupe de France et deux jeunes joueurs sélectionnés en équipe de France espoir. » Youssef Talgoute est l’un de ces deux espoirs et incarne à lui seul ce renouveau : « Je suis au club depuis juin 2012 et c’est vrai que ça va faire trois ans que les choses avancent, progressent. Le parcours qu’on réalise actuellement, et particulièrement le match contre Aubervilliers, permet de mettre en avant ces qualités. » Dès la première saison, la stratégie du nouvel entraîneur est en effet payante. L’équipe semble rodée, enchaîne les bons résultats et accède en Promotion d’honneur régionale. Morad Ben Moussa : « On s’est dit « Ok, on a de belles individualités, mais il faut qu’on donne naissance à belle aventure commune. » Exactement ce qu’on est en train de vivre aujourd’hui avec la Coupe de France. » Car, là où de nombreux clubs appliquent la terrible loi du billet vert, Youssef Talgoute et consorts ont le cœur, le caractère, la hargne d’une équipe qui a tout à prouver et qui refuse, à entendre l’entraîneur, d’être considérée comme l’invité surprise : « Bien sûr, on sait que beaucoup de nos matchs tiennent à peu de choses, que ce soit face à Tourcoing ou Aubervilliers, mais c’est aussi la récompense de nos efforts et de notre solidarité. Ça fait trois années qu’on tourne quasiment avec le même effectif, et ça commence à payer. »
20 000 euros de frais pour accueillir Valenciennes
Parmi l’effectif, Omar Touhami, 43 ans, est sans doute le plus atypique. Au club depuis quinze ans, le gardien, vacataire à la mairie de Lille au quotidien, sait mieux que quiconque ce qu’est en train de vivre le FC Lille Sud : « Avant l’arrivée de Morad et de Karim à la tête du club, la gestion était beaucoup moins sérieuse. On s’éclatait, certes, mais il manquait quelque chose. Là, on sent que tout tourne rond. Et ça entraîne de bons résultats, comme celui face à Aubervilliers au 7e tour de la Coupe de France. On sent que ça a vraiment soudé le groupe. De mon côté, ça n’a fait que renforcer mon attachement pour ce club. C’est un peu comme ma famille ! » Une famille qui, comble de l’ironie, a dû se battre pour pouvoir organiser le match face à Valenciennes. Le stade Berkani n’étant pas homologué pour accueillir un tel événement, Morad multiplie depuis dix jours les papiers administratifs : « Ce qui est énervant, c’est que ce n’est pas à nous de nous occuper de ça normalement. On aurait aimé être accompagné par le service des sports de la mairie de Lille, voire aidé financièrement. » Car cette rencontre va coûter très cher à l’association : plus de 20 000 euros, très exactement. Des frais comprenant la location d’une tribune du Stadium Nord, les frais de sécurité et de nettoyage. « Après un tel parcours, on s’imaginait être récompensé, renflouer les caisses afin d’offrir des tournois internationaux aux jeunes, améliorer les structures… Au lieu de ça, on en est à espérer que la recette du match permettra de couvrir les frais engagés. » Cette frustration, que le président de VAFC a tenté d’apaiser en promettant de reverser à Lille Sud l’intégralité de sa moitié de recette, Omar Touhami la partage amplement : « Ça n’encourage pas à gagner des matchs. Ça aurait été presque plus pratique d’aller jouer à Valenciennes, là au moins ça aurait été bénéfique au club. 20 000 euros, c’est beaucoup pour un club comme nous ! »
« 5% de chances de réaliser l’exploit »
Si ces derniers jours n’ont pas été de tout repos d’un point de vue administratif, ils ne l’ont pas été non plus à l’entraînement. Des séances ont en effet été planifiées lundi dernier pour travailler le physique et courir afin d’être prêt à affronter une équipe professionnelle. « C’est compliqué de changer les séances parce que tous les joueurs ont une vie professionnelle à côté, explique Morad. Mais c’est nécessaire si on veut être concentré à 100% pour le match. C’est l’occasion pour Lille Sud de montrer qu’on n’est pas un club fermé ou violent, de rappeler qu’on a eu le trophée du fair-play régional l’année dernière. » Un match à pression, donc ? Pas pour Omar Touhami : « À vrai dire, je n’y pense même pas. J’avais la pression contre Aubervilliers, mais là, on n’a rien à perdre. On va jouer face à des mecs qui sont payés pour ça, contrairement à moi qui paye pour jouer à Lille Sud. Je vais même devoir prendre une journée de congé vendredi pour être en forme pour le match. » Un investissement profond et sincère avec un rêve en tête : rencontrer Paris et Zlatan au prochain tour.
Par Maxime Delcourt