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Lille-Sainté, les discours du mercato
Le LOSC et l'ASSE ont réalisé des recrutements parmi les plus intéressants de l'été. En suivant des méthodes bien à eux, les deux clubs se construisent des identités très différentes.
Huit petits nouveaux. Ce soir, Pierre-Mauroy pourrait voir huit recrues estivales sur le pré au coup d’envoi. Quatre de chaque côté : Bradarić, Djaló, André et Yazici au LOSC, Moukoudi, Aholou, Boudebouz et Bouanga pour l’ASSE. Ajoutez-y le Lillois Cheick Niasse, 19 ans et première à ce niveau, et Timothée Kolodziejczak, reparti puis revenu de Monterrey fin août, et vous obtenez la moitié des joueurs de champ ayant connu du mouvement interne ou externe pendant l’été. Les cellules de recrutement lilloise et stéphanoise n’ont pas chômé pendant que d’autres traînaient dans les pizzerias. Sur le papier, ils ont même plutôt bien bossé, de l’avis unanime des observateurs. Et cela en suivant des lignes diamétralement opposées. De quoi donner raison à ce bon vieil Aristote : il n’y a pas de méthode unique.
Dis-moi ce que tu achètes, je te dirai qui tu es
De Luis Campos et David Wantier, les boss respectifs du marché chez les Dogues et les Verts, on pourrait parier ceci : donnez-leur 100 euros, le premier les placera directement en Bourse, l’autre les enverra sur son livret A. En d’autres termes, quand Lille s’en va chiner en Croatie (Bradarić), en Belgique (Osimhen), en Turquie (Yazici), voire en Angola (Show), Saint-Étienne privilégie la Ligue 1 (Bouanga, Aholou, Youssouf), ses anciens (Boudebouz, Cabaye) et ses petits frères (Moukoudi, Sissoko). D’un côté des paris, avec un risque élevé de pertes, mais aussi la perspective de plus-values folles. De l’autre, une gestion en bon père de famille, dont le principal coup de force est d’avoir gardé l’actif M’Vila dans le portefeuille.
Autre différence entre Campos et Wantier : leurs talents principaux. Le Portugais est aussi habile dénicheur que son homologue français est fin négociateur. Ainsi, cet été, l’ancien agent devenu directeur du recrutement chez les Verts à l’été 2016 a obtenu Miguel Trauco (meilleur latéral droit de la dernière Copa América, 42 sélections avec le Pérou) pour 1 million d’euros quand Flamengo en voulait plus du double. Il a aussi fait la vente à 30 patates de Saliba à Arsenal avec prêt immédiat. Ou encore le prêt de Kolo (les Tigres voulaient un transfert sec), l’arrivée libre de Cabaye (libéré par Al-Nasr), un Moukoudi largement dragué en Ligue 1, mais verrouillé dès avril… Bref, autant de bons coups pour une somme totale estimée à 13 millions d’euros, soit un de moins qu’un Benedetto.
Gros sous, petits papiers et ballon rond
Si Lille, dans une dynamique ultra-positive, a pris le large en matière de moyens financiers (plus de 75 millions alignés sur le marché), les deux clubs se rejoignent en revanche sur le calendrier. À savoir deux mercatos anticipés, essentiellement achevés en début de championnat. Ensuite, place aux opportunités (Renato Sanches à Lille, Yohan Cabaye à Sainté) et aux derniers ajustements (un buteur chez les Verts ?). De l’art du rétroplanning, loin des panic buys massifs à la mode monégasque ou de l’apathie marseillaise. Un OM qui a donc dépensé davantage que l’ASSE, tout en vendant moins bien d’une dizaine de millions. À ce petit jeu-là, seul l’OL a réussi à suivre le train imposé par la locomotive lilloise (134 millions récupérés et solde positif de 45 millions pour Lyon, contre respectivement 141 et 65 millions à Lille).
Et si tout ça, c’est beaucoup de papier, les stratégies se traduisent aussi sur le terrain. Ainsi, on trouve sur les trois dernières saisons un tiercé improbable au Nord (12e, 17e, 2e) contre une progression linéaire dans le Forez (9e, 7e, 4e). Ce qui pose enfin la question du rapport au club. Doit-on estimer qu’une ASSE, avec son Loïc Perrin à la fidélité absolue et sa construction de PME, est un club du XXe siècle, là où un LOSC serait une start-up disruptive du XXIe ? Doit-on être nostalgique ou tourné vers l’avenir ? Comme les milliards de rumeurs estivales, voilà des questions pouvant causer de belles migraines. Une technique pour se soigner : regarder ce qui se joue sur le terrain sur le coup de 19 heures, ne penser qu’à ça et rien d’autre. Comme Christophe Galtier et Ghislain Printant, finalement.
Par Eric Carpentier