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Bafodé Diakité, du cœur à l’ouvrage
Pour l’affiche la plus dingue de sa saison, face au Real Madrid de Vinícius Júnior et de Jude Bellingham, le LOSC pourra évidemment compter sur Bafodé Diakité (23 ans). En pleine ascension et en pleine affirmation, le défenseur profite à fond d’une carrière qui aurait pu s’arrêter dès ses 16 ans.
La phrase est terrible : « Si j’arrête le foot, je vais faire quoi ? » Nous sommes en 2017. Pitchoun du Téfécé qui franchit les étapes de la formation avec sérieux et application, Bafodé Diakité, alors U17, est stoppé net sur le chemin quasi tout tracé du foot pro. Un problème au cœur lui est détecté. Il doit tout arrêter. Deux, trois, quatre, cinq, six mois… Des doutes plein la tête, et donc ces mots prononcés à sa mère, que sa sœur, Masarta, n’a jamais oubliés. « C’est une période difficile pour lui, mais aussi pour nous, sa famille, rembobine-t-elle. On est face à quelqu’un qui joue au foot, qui mange foot, qui respire foot, qui vit sa vie avec le foot, avec un entourage qui n’était que dans le foot… Du jour au lendemain, il s’avère que ton cœur s’est un petit peu trop développé, dû à une certaine maladie qui peut te faire dire : “Bah, demain, au revoir le foot.” Tu remets tout en question. »
« Mentalement, c’était tellement dur que je ne voulais plus »
Interdit de pelouse, le jeune Bafodé revient chez lui le moral dans les chaussettes, avec un entourage qui ne peut rien faire. « J’allais sur le terrain, avec mes crampons, mais je ne faisais rien, racontait Diakité à 90Football. Je regardais. Mentalement, c’était tellement dur que je ne voulais plus. Je disais : “Je vais venir pour quoi ?” C’était une période qui était difficile. » Pour quelqu’un qui, plus jeune, voulait absolument esquiver les entraînements de foot, n’étant pas fan du côté encadré des séances, là, il ne demandait que ça !
Alors pour passer le temps, le Toulousain se réfugie dans l’école. Pour patienter et espérer une bonne nouvelle côté santé. « Il était à fond, j’étais choqué, promet Moussa Diarra, aujourd’hui à Alavés, et membre de l’indissociable groupe de potes du centre de formation (qui se parle encore tous les jours sur Snapchat) aux côtés d’Amine Adli (Bayer Leverkusen), Manu Koné (AS Roma) ou Nathan Ngoumou (Borussia Mönchengladbach). Il mettait dans les cours toute l’énergie qu’il ne pouvait pas mettre dans le foot. Il ne nous a pas montré un seul signe de faiblesse. »
Le but de la récompense
Petit à petit, les frayeurs médicales se montrent moins importantes. « On a tous fait des tests dans la famille pour savoir si ce n’était pas héréditaire, révèle Masarta, la sœur. Il s’est avéré que non. C’était juste son cœur qui était un peu plus musclé que les autres. Une grosse pression est redescendue. » Jusqu’au feu vert pour reprendre. Neuf mois après la dernière touche de balle. Jour de fête pour le centre de formation au Téfécé. Amine Adli raconte : « Quasiment tous les gens du centre, tous les jeunes, toutes catégories confondues, tout le monde est venu voir Bafo rejouer. Quand il est entré, on était tous super contents. Ça le résume bien : il a réussi à emmener tout le monde avec lui. » Avec même un but pour son retour. Masarta : « C’était vraiment quelque chose. Tu marques, c’est la libération. Ses coéquipiers étaient tellement heureux pour lui. C’était pour dire : “T’en as chié, mais regarde, pour te récompenser de ta patience, il y a un but !” »
Deux ans plus tard, des débuts en Ligue 1 à Reims, avec le Toulouse FC. Une descente en 2020, la poursuite de l’apprentissage en Ligue 2, mais sans forcément être un indiscutable. Ce qui le frustre, logiquement. Vient alors le choix crucial et si difficile de quitter tout, au terme d’une saison marquée par un titre de champion de Ligue 2 (2022). Direction le LOSC (transfert de 3 millions d’euros). « La première étape, ça a été quand il a commencé en pro », raconte Amine Adli, qui voit Bafodé Diakité comme son « frère » au cœur d’une amitié qui « va bien au-delà du foot ». Le joueur du Bayer continue : « En jeune, on avait déjà vu qu’il était au-dessus. Là, on s’est vraiment rendu compte de sa capacité à être aussi fort. Mais l’étape primordiale, ça a été de partir de Toulouse. Même si je pense que ce n’était pas facile pour lui. Il en avait besoin pour franchir un step. » Masarta n’a pas oublié ce « grand saut dans l’inconnu. Déjà, nous, Sudistes, quand on te dit de monter dans le Nord, c’est difficile de trouver plus au nord que Lille. Mais là, ça lui a fait un gros changement. Et pourtant, même lui a été choqué par sa facilité d’adaptation. »
Une évidence chez les Dogues
Pas simple, pourtant, sur le terrain, car Bafodé Diakité s’exporte d’abord à droite, là où son poste de prédilection est plutôt dans l’axe. « Mais il s’adapte à tout, lâche Moussa Diarra. Je me souviens de son deuxième match à Nantes. Il entre à la mi-temps, à droite. Il avait cadenassé (Moses) Simon. Il s’est imposé petit à petit à son poste. Aujourd’hui, c’est une évidence. »
Le constat est là depuis la fin de saison dernière sous Paulo Fonseca, qui l’a clairement fait évoluer dans la compréhension du jeu. Quand Bruno Genesio, nommé cet été, l’a immédiatement installé titulaire. Résultat, Bafodé Diakité a prolongé récemment (jusqu’en 2028) et est devenu troisième capitaine du LOSC. « Je trouve qu’il a franchi un palier, dit Amine Adli. Il est beaucoup plus constant, plus entreprenant. On peut le voir parler, encourager ses coéquipiers. Il n’a pas peur de prendre ses responsabilités. » Admiratif de son pote, Adli prolonge : « C’est un cadre de son équipe et il a pris un vrai rôle de patron au sein de la défense. Il est imposant et il s’impose aussi. Avec son caractère très attachant, je pense que tout le monde l’apprécie dans le vestiaire. »
🚨La SUPER nouvelle du jour 🚨
Le LOSC est ravi d'officialiser la prolongation de Bafodé Diakité ! ❤️Notre numéro 18 a étendu son bail de 2 saisons avec le Club.
Il est désormais engagé jusqu’en 2028 🤝
Bravo à toi, Bafo' !
➡️Lire le communiqué : https://t.co/AKL28Asu7e pic.twitter.com/EPJjmCaP5r
— LOSC (@losclive) September 12, 2024
Le langage corporel témoigne d’un garçon en pleine confiance, sûr de ses capacités de leader et de son bagage défensif pour verrouiller ses adversaires. « Le match qui me revient, c’est face à Aston Villa en Ligue Conférence (quarts de finale en avril 2024, NDLR), confirme Moussa Diarra. J’étais choqué. Il a franchi ce cap-là. Il est juste trop fort. Sa trajectoire encourage. On est fier, fier, fier. » Masarta, la sister, ne dira pas mieux : « En ce moment, il est vraiment bien. Il veut aussi prouver qu’il peut s’affirmer et confirmer à Lille. Il a su montrer qu’il avait de la voix, qu’il était présent. Ce n’est pas celui qui va crier le plus fort, mais il a de bonnes idées, et il sait les faire partager aux autres. Les supporters le lui rendent bien, ils sont vachement derrière lui. Sur le terrain, il est épanoui. »
« On va se taper soit le Real, soit Manchester City »
Et en dehors ? Moussa Diarra en rigole, mais il est très sérieux : « Il abuse de ça… Bafo, c’est vraiment un mec normal, simple, mais avec un talent. C’est ça qui est beau avec lui. Pour connaître sa famille, ce sont des personnes très positives, Sa force, ça vient de là. C’est ancré. » Sa sœur enchaîne : « Il n’y a pas plus simple que lui, promet-elle. Les journées de Bafodé ressemblent aux vôtres. Le sport en plus. C’est aussi le petit clown qui aime bien rigoler avec tout le monde. » Le petit péché mignon du moment ? Les voitures. « Lui et Amine (Adli) aiment trop ça, ils ne parlent que de ça. Ils me fatiguent un peu, souffle Moussa Diarra. Tu lui demanderas quelle voiture il aura bientôt… »
Mais rassurez-vous, ce n’est pas le Real Madrid qui va le faire changer. Il l’avait même anticipé. « Alors là, alors là, alors là, rigole sa sœur, qui ne réalise pas encore l’affrontement qui s’annonce ce mercredi soir à Pierre-Mauroy pour son « Babidiboom ». Lui s’en doutait, il m’avait dit : “On va se taper soit le Real, soit Manchester City.” Des équipes dont on entend parler qu’à la TV. Là, il va affronter le Real, c’est incroyable. »
Un match de gala comme un marqueur de ce qui lui arrive. Avec une suite qu’on peut imaginer prometteuse. Amine Adli : « On peut voir l’évolution qu’il a eue grâce au LOSC. Ça a été un super transfert pour lui en tant qu’homme et surtout en tant que footballeur. Il est super humble, c’est un bon gars. Je suis très content pour lui et sa famille. Ce n’est que le début. Il est amené à faire de plus grandes choses. » Arrêter le foot, vous l’avez compris, ce n’est pas pour tout de suite.
Par Timothé Crépin
Tous propos recueillis par TC, sauf mentions