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Lille-Nice, ultras united
À 14h, Nice reçoit Lille à l'Allianz Arena. Plus qu'un match de foot, une réunion de famille pour les supporters des deux clubs, unis malgré les kilomètres depuis plus de 20 ans. Retour sur une belle histoire.
« Les gars de BSN sont venus nous chercher hier soir(vendredi), on a passé la soirée avec eux, ce midi on est allés manger chez le président, et là on est sur la plage, tranquilles. » Donat’, vice-président des DVE, ne cache pas son plaisir de passer un week-end sur la Côte d’Azur. Plus de mille bornes séparent les deux groupes, mais les gars des Dogues Virage Est lillois et ceux de la Brigade Sud Nice, Ultras Populaire Sud depuis 2010, ne s’en formalisent pas, au contraire. Née au hasard d’une rencontre il y a 20 ans, l’amitié grandit précisément par ce qui sépare le Nord du Sud. Et par une véritable volonté d’être ensemble. La recette pour durer, en somme.
Pintes de bière et valse à mille temps
20 ans, ça en fait des valses. La première, ceux d’aujourd’hui ne l’ont même pas dansée. Mais comme toutes les bonnes histoires, celle de la rencontre entre Nissarts et Lillois se transmet de génération en génération. Guillaume, du bureau de la BSN, donne sa version : « C’était en 1995, les mecs de Nice squattaient à la Rotonde, le squat d’avant-match, et il y a quelques Lillois qui passent. Mais plutôt perdus tu vois, pas là pour s’embrouiller. Ça a commencé à boire des coups, et c’est parti de là. » Une version confirmée par Donat’ : « C’était soit on se met sur la gueule, soit on boit des coups. Au final, ils ne se sont pas battus, ils ont commencé à boire des bières, et puis voilà, concours de circonstances. » Un truc simple comme bonjour.
Mais pas forcément une évidence pour des groupes pas habitués à nouer des amitiés. Au contraire, côté lillois, c’est net : « En France ? Personne. En Europe, Bruges. » Les Niçois sont, sur le papier, un peu plus sociables : « En France, on est potes avec les mecs du Saturday FC de Nancy. En Europe, le Torino et l’Inter, d’ailleurs je suis à Milan, là. Mais le Torino, c’est seulement avec un groupe précis, alors que l’Inter, c’est toute la Curva Nord. Et puis Valence, en Espagne. » Pour autant, l’unité n’est pas synonyme de front commun. Donat’ : « On a chacun nos rivalités, c’est pas parce qu’on est potes que l’ennemi de l’un est aussi l’ennemi de l’autre. On fait chacun notre truc. » Un truc dans lequel la passion pour les matchs électriques a tout de même une place importante : « Contre le Genoa ou le Milan, les Niçois sont venus avec nous. Quand ils peuvent monter, ou nous descendre, on le fait, pour passer des bons moments ensemble. Sur les matchs un peu chauds, ouais, on essaie de se retrouver. »
Les gens veulent savoir
Pour se retrouver pendant 20 ans, il faut marquer les moments forts et éduquer la jeunesse. En 2014, la BSN tient à souhaiter un bon anniversaire à sa pote d’en haut. 25 ans pour les DVE, fondés en 1989, et une banderole 25 ans : Gellukkige Verjaardag DVE en flamand dans le texte, affichée sur les bords de la Méditerranée. D’autres événements moins heureux ont marqué l’histoire des deux tribunes : « Une année, on avait eu une personne du groupe décédée, et la BSN avait envoyé des fleurs. Du coup, on avait remercié dans le parcage en mettant un truc genre« BSN, votre fidélité mérite notre respect. » » Guillaume, lui, se souvient de la fin de ladite BSN : « Quand il y a eu la dissolution, ils ont mis le drapeau BSN de leur côté, c’est des petits trucs comme ça qui font plaisir. » Ou deux banderoles sorties simultanément : « Lille, fierté du Nord » dans le parcage niçois, et « Nice, fierté du Sud » dans la tribune lilloise, cette dernière reprenant le chant du camp d’en face, Les gens veulent savoir. Une autre année encore, les Lillois accueillaient la BSN dans leur parcage, la tribune niçoise étant fermée pour cause de huis clos partiel.
La transmission de l’amitié, elle, est préparée. « Au long des générations, on essaie de faire perdurer ça. Il y a eu la génération des anciens, puis la mienne, et maintenant nos jeunes vont avec les jeunes de chez eux » explique Donat’. Côté niçois, on passe aussi par les joueurs : « Quand Bauthéac est parti, on lui en a parlé, on l’a mis en contact avec le groupe de Lille. Quant à Bosetti, il savait évidemment, et on lui avait demandé d’aller mettre son maillot du côté des DVE. Eux lui avait filé un T-shirt. Qui lui avait valu quelques problèmes je crois, ça n’avait pas plus aux autorités, à la Ligue… » Des images qu’on n’aime pas voir.
Entre fans anglo-saxons et ultras méditerranéens
Si spontanée soit-elle, l’amitié entre Lillois et Niçois n’a rien, a priori, de naturel. Car les deux groupes relèvent de cultures du supporteurisme bien distinctes. Modèle anglo-saxon au Nord, tendances italiennes au Sud. « Ce sont deux mentalités, deux visions complètement différentes » selon Donat’. Un point de vue pour le coup partagé par Guillaume : « Nous, on est plus méditerranéens, eux plus anglo-saxons. Dans leur manière d’aborder le stade, c’est moins exubérant. » Ça, et les kilomètres : « Il y a le déplacement qui est super long. La culture se rapproche plus de la Belgique pour eux, de l’Italie pour nous. C’est pas à côté ! » Et c’est précisément ce qui intrigue : « C’est ça qui nous rapproche aussi. Au final, chacun amène un peu son ressenti, sa manière d’aborder le stade. C’est vraiment différent, mais ça s’est toujours bien passé. » Alors aujourd’hui, après le café, il y en a un qui pourra tranquillement aller faire sa sieste : bon dimanche, M. Boutonnet.
Par Eric Carpentier